Nouvelle chronologie des médias et transposition de la directive SMA : une proposition.

Pour tenter de comprendre comment fonctionne la chronologie des médias, les quotas d’investissement, d’exposition etc, rien de tel que de se lancer dans sa proposition d’amélioration et de la partager en tant que pistes de travail. Même si personne ne la lit, cela reste un bon exercice. Voici donc ma proposition de transposition de la directive SMA au secteur français pour la fin d’année 2020.

Avant-propos : Je ne suis personne dans l’industrie, je ne suis qu’un amateur qui regarde ça de loin, et donc de ce fait, ma proposition peut passer à côté de certains éléments. Mais cela ne m’empêche pas de vouloir m’amuser à cet exercice.

Rien de tel non plus qu’un schéma pour poser les grandes bases de ma proposition.

Les 2 grands principes :

1/ La fenêtre de la chronologie des médias est fonction du pourcentage du chiffre d’affaires annuel investis dans les obligations d’investissements, quel que soit le chiffre d’affaires de base. Si un service qui fait 3M€ de CA investit 30% de son CA dans ce processus, il a le droit à une fenêtre à 4 mois, comme un service qui ferait 200M€ de CA et qui investirait 30%. Un “petit” service pourrait donc profiter de films récents sur son service mais des films plus confidentiels dont les droits aussi récents seraient à la mesure de leur budget. On peut penser par exemple à un petit film d’horreur sorti sur 10 copies qui est ensuite acheté par Shadowz pour une diffusion 4 mois plus tard en SVOD. Cette “fraicheur” des films en SVOD permet d’être attractif pour ces services et d’attirer de nouveaux abonnés qui permettront de faire augmenter le CA et donc de contribuer plus etc.

2/ Suppression des quotas d’exposition pour les films FR et EUR. Ces quotas n’ont aucun sens à plusieurs niveaux. Le premier est qu’ils sont insolubles dans des catalogues SVOD importants. Si un service SVOD a 5000 films, 3000 d’entre eux doivent être européens, dont 2000 français. 2000 films français, c’est l’équivalent d’un peu moins de dix ans de production complète de films français. Impossible à tenir et limitant pour les services SVOD un peu ambitieux. Ils sont aussi complètement inadaptés à l’éclosion de services SVOD français qui voudraient se spécialiser éditorialement, comme dans le cinéma asiatique ou sud-américain mais qui doivent composer avec 60% de films européens. Ensuite, ils ne sont pas adaptés aux services SVOD issus des majors US, comme Disney et bientôt Warner et à qui il est difficile de reprocher de ne pas avoir 60% de films européens, dont 40% de films français. Cet appétit pour les films FR et EUR doit découler de deux choses : les investissements obligatoires dans les films FR/EUR qui découlent de ma proposition et qui feront que ces services auront des films FR/EUR de fait et la croyance que les programmes FR sont souhaités par les abonnés à ces services et que leurs droits seront donc achetés (une croyance martelée dans les déclarations des instances du cinéma français mais qui ne se traduit pas vraiment dans les actes ceci dit.).

Cas pratiques

Si le graphique ci-dessus n’est pas assez parlant, voici un cas pratique de ce que je propose ici. Prenons l’exemple de Netflix, qui aurait 8 millions d’abonnés en France et fixons le prix moyen de l’abonnement à 10€. Sur un an, cela nous donne donc un chiffre d’affaires théorique de 960M€.

Dans le cas où Netflix souhaiterait une fenêtre à 4 mois après la sortie ciné, voici ce qu’il paierait en investissements selon ma proposition :

  • 49,6M€ à titre de la taxe vidéo qui est due au CNC (déjà en place donc rien de nouveau)
  • 57,6M€ qui irait directement dans le fonds de soutien du CNC pour le financement de films indépendants FR au nom de l’exception culturelle (le total 2019 de ce fonds de soutien qui regroupe les entrées cinés, les TV etc était de 649M€)
  • 230M€ à répartir entre le pré-achat de films FR, les investissements directs, l’achat de droits de films et séries FR, le paiement des droits aux organismes d’auteurs et d’ayants-droits et le coût d’adaptation en audiodescription/sous-titres (autant de conditions qui sont déjà dans le texte actuel mais uniquement pour les services établis en France). Netflix investit environ 100M€ en France selon ses dires mais ce n’est pas clair s’il s’agit des investissements directs dans des films et séries ou si cela comprend aussi l’achat de droits de films et séries qui ne lui appartiennent pas. Dans tous les cas, 80% maximum de son investissement direct est fléché dans des films et des séries dont les droits lui reviennent et 20% doit être dans des films et séries dont les droits lui sont exclusifs pour une durée définie et courte (1 an maximum). Cela peut permettre des co-productions avec des diffuseurs FR ou bien pour les producteurs de ces programmes français de les proposer ailleurs une fois la période d’exclusivité terminée.

Dans le cas où Netflix souhaiterait l’engagement minimum dans le secteur français, sa fenêtre serait donc celle de 32 mois/5% du CA et voici ce qu’il paierait en investissements selon ma proposition :

  • 49,6M€ à titre de la taxe vidéo qui est due au CNC (déjà en place donc rien de nouveau)
  • 9,6M qui irait directement dans le fonds de soutien du CNC pour le financement de films indépendants FR au nom de l’exception culturelle (le total 2019 de ce fonds de soutien qui regroupe les entrées cinés, les TV etc était de 649M€).
  • 38,4M€ à répartir entre le pré-achat de films FR, les investissements directs, l’achat de droits de films et séries FR, le paiement des droits aux organismes d’auteurs et d’ayants-droits et le coût d’adaptation en audiodescription/sous-titres. Mais comme Netflix investit déjà plus que ça en France, il pourrait être tenté de prendre un autre échelon pour intégrer ses investissements contre une meilleure fenêtre.

Conclusion : ma proposition se veut donc être simple, adaptable à tous les types de services, de toutes tailles. De fait, elle peut donc être faillible mais justement, discutons-en dans les commentaires de cet article ou sur Twitter. Je suis tout ouïe.

Je n’ai pas abordé le souci de l’assiette de la contribution de services comme Apple TV ou Amazon dont le service vidéo n’est qu’une partie d’un service plus large, mais comme ces services contribuent déjà actuellement à la taxe vidéo du CNC, ce dernier a bien dû mettre au point une méthodologie pour les faire contribuer à hauteur de leurs utilisateurs. Reprenons donc celle-là.

Je m’occupe de FilmsdeLover.com, le site dédié aux films d’amour et comédies romantiques, et du podcast “Netflixers” dédié à l’actualité de la SVOD et de Netflix en particulier.

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Frédéric (Films de Lover)
Le secteur VOD et SVOD en France

Chef de filmsdelover.com (site ciné sur les films d’amour) et animateur de #Netflixers (podcast sur la SVOD et Netflix).