Manger, c’est dialoguer
Je suis adepte des allées de supermarché. Je peux passer des heures chez Monoprix à traquer des nouveaux produits … et écouter/observer les scènes qui se jouent dans les allées.
“Maman, je veux des gâteaux !
- D’accord mais prend aussi des pommes” … et le petit de se diriger vers les pom’ potes.
Je souris et me dis : s’il pense qu’une pom’potes est une pomme, est-ce qu’il pense qu’un findus carré c’est un poisson ? Derrière cette anecdote se pose une vraie question : quelle place pour l’éducation dans notre alimentation ? Et si au lieu de marteler ‘manger bouger’ à la télé, on prenait le temps de créer une vraie éducation autour de notre alimentation ? Ce sont ces thématiques que le Lab explorera les 8 et 9 juin lors du Hackedu “Le goût d’apprendre”: un format original de hackathon — autour de la thématique de l’alimentation.
Pour un Français, manger n’est pas qu’un acte de mastication et digestion — c’est un moment de partage, un moment d’hommage et un moment de transmission. Un moment clé qui mérite toute sa place dans notre éducation. Et pourquoi pas même un élément de “compétitivité” face aux systèmes étrangers ?
Je suis loin de blaguer : prenez par exemple les Américains (oui je sais, on y revient… mais que voulez-vous, j’y vis maintenant, j’ai donc de nombreuses opportunités de les observer!) — pour eux, le concept d’une vraie pause déjeuner est quasi-étranger. Pour un Américain, déjeuner se résume à cliquer sur le site de vente à emporter, à marcher 200m pour récupérer son paquet, et revenir manger à son bureau (souvent en laissant s’échapper quelques nouilles sur leur clavier). Ne vous arrêtez pas à l’anecdote, j’y vois au contraire un marqueur culturel révélateur !
Et si la culture du débat commençait dans l’assiette et surtout autour d’une table ? Et si ce temps dédié au rassemblement permettait de soulever des enjeux de société ? Et si on considérait l’alimentation comme un acte citoyen ? Et si les écoles s’emparaient du sujet ”savoir-manger” ?
Voici donc un sujet riche qui permet la transdisciplinarité tout en liant l’éducation au plaisir des papilles. Depuis la cueillette jusqu’à l’assiette, je vous propose un tour d’horizon de ma thématique préférée : Manger, c’est dialoguer.
On commencerait tout bêtement par une visite à la ferme, pour faire découvrir aux bambins le concept de saisonnalité, assez vite oublié par nos hypermarchés mondialisés…
Beaucoup de collectivités mènent des actions d’éducation à l’alimentation locale et durable. Certaines collectivités se sont déjà lancées dans ces visites à la ferme et mènent des actions de sensibilisation au-delà des territoires scolaires, en direction des familles. Mention spéciale aux « défis familles à alimentation positive » qui se déclinent dans différents territoires. Le principe est simple : former 3 à 4 équipes d’une dizaine de foyers proches géographiquement vont évoluer avec leur capitaine d’équipe en essayant d’augmenter leur consommation de produits bio sans augmenter leur budget.
Découvrir le terroir, c’est une étape clé… mais ensuite? En cuisine ! Pensons à insuffler l’envie de le sublimer, donc de cuisiner !
Bienvenue à Guillestrois-Queyras, dans les Alpes où le consommateur est “consomm’acteur” : chacun peut participer à leurs ateliers “savoir-faire” pour apprendre à traire une vache, à fabriquer du fromage, du pain, des confitures … le tout guidé par les producteurs locaux, ambassadeurs des traditions du goût. Ce dialogue avec les “sublimateurs de matière” est un pilier fondamental de l’éducation au goût, à la production responsable et à la valorisation des savoir-faire de bouche.
Dans un autre registre, j’ai beaucoup aimé l’exemple de la ville «en transition» d’Ungersheim, qui affiche dans ses 21 actions pour le 21e siècle un objectif d’autonomie alimentaire. Parmi les actions qu’elle a engagées, on note la construction d’une cuisine collective bio et d’une exploitation maraîchère bio de 8 hectares en chantier d’insertion — une belle opportunité pour les personnes en difficulté de renouer un dialogue avec la société.
Et enfin, parce qu’il faut bien s’adresser aux post-millennials qui préfèrent parler à des intelligences artificielles — ;-) — je vous ai déniché un chatbot qui chatouille les papilles : https://www.mmmh.fr/
Plaçons nous un degré au dessus de l’altérité individuelle, et explorons pour terminer le dialogue inter-culturel
L’alimentation est certainement la plus belle façon de voyager en restant dans son assiette, d’explorer et découvrir d’autres cultures. J’y vois un angle original pour aborder un enjeu éducatif épineux du 21e Siècle : l’intégration culturelle.
Les initiatives qui ont attiré mon attention sont principalement mises en œuvre pour des populations réfugiées, comme Le RECHO, un projet solidaire mené par des cuisinières professionnelles, qui a pour but de créer du lien et développer le vivre-ensemble par la cuisine. Leur conviction: la cuisine est un langage universel et inclusif, qui entend rapprocher les populations accueillies et accueillantes.
Dans la même veine, Les Cuistos migrateurs entendent changer le regard sur les migrations, montrer la richesse culturelle et les savoir-faire apportés par les réfugiés, et faire émerger de nouvelles cuisines, authentiques, savoureuses
A lire tous ces projets géniaux, je ne peux m’empêcher de m’emballer : et si on les invitait dans nos cantines? Et si un jour par semaine, le réfectoire se transformait en lieu de transmission du savoir ? Et si on invitait même les élèves à parler de leurs origines à travers la cuisine ? Ce n’est pas une politique d’éducation, je vous le concède, mais c’est un début… et plutôt un bon début, si vous voulez mon avis.
Pour en proposer la suite, ou écrire votre propre histoire, je vous donne rendez-vous les 8 et 9 juin au coworking Volumes pour un Hackedu Spécial sur le goût d’apprendre : 1 soirée et 1 journée pour co-créer l’éducation autour du thème de l’alimentation !
PS : et si vous aussi, vous voulez partager, vos envies, frustrations, espoirs et problèmes du quotidien sur le thème “Éducation et Alimentation”, c’est ICI !
Stéphanie, pour le Lab de l’Education
Originally published at medium.com on May 30, 2018.
