Rentrée des classes : des prix en baisse qui inquiètent les fabricants

Le recul de 2,91 % du coût de la scolarité, le premier en cinq ans, est dû à la vigilance des consommateurs et à la pression des distributeurs.

Le Monde
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5 min readAug 18, 2018

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Achats de fournitures scolaires dans un supermarché d’Englos (Nord), le 16 août 2016.

Pour la première fois depuis 2013, le coût de la scolarité recule de 2,91 % pour les familles en 2018, selon l’étude annuelle publiée jeudi 16 août, par la Confédération syndicale des familles (CSF). Une baisse que l’association explique par une évolution du mode de consommation des familles, « plus attentives à la nature de leurs achats et de moins en moins enclines à faire des achats “superflus”. Les marques pour les affaires de sport par exemple , bien que toujours présentes, sont moins plébiscitées. »

« Les parents semblent plus raisonnables, notamment concernant les équipements sportifs », note la Confédération syndicale des familles

Un coût qui reste à nuancer, selon les classes. Il est en hausse à l’école élémentaire avec un budget moyen de rentrée au cours préparatoire (CP) de 165,70 euros (+10,64 %), principalement à cause du sport et des fournitures. Mais en baisse au collège et au lycée, avec un budget de 342,22 euros (– 2,60 %) pour un élève entrant en classe de 6e et de 403,79 euros ( — 4,43 %) pour un élève entrant en 2de générale. Car « les parents semblent plus raisonnables, notamment concernant les équipements sportifs », relève la CSF.

Des familles plus attentives à leur budget, donc, mais une concurrence également plus intense sur les prix entre les enseignes de la grande distribution qui détiennent la majeure partie du marché de la rentrée scolaire. « Une enseigne m’a demandé, cette année, de faire une promotion à moins 70 %, comme celle du Nutella qui avait déclenché des émeutes en magasin, très médiatisées », raconte le patron d’une grande marque de fournitures scolaires. Il a refusé.

« Je pense que c’est malsain. Il faut que le consommateur connaisse la valeur des choses, poursuit-il. Derrière ce prix, il y a des hommes et des femmes qui travaillent et des ressources technologiques qui ont été engagées. Et ce ne sont pas forcément des produits qui viennent de Chine ou de je ne sais où. Cela veut dire quoi ? Que le reste de l’année on vole le consommateur ? »

Guerre des prix

Les pouvoirs publics ayant décidé de restreindre les promotions sur les produits alimentaires à la suite des états généraux de l’alimentation (EGA), les fabricants redoutent que la pression se reporte sur les autres rayons.

Christophe Le Boulicaut, président de l’association des industriels de la papeterie et la bureautique (AIPB), et directeur général de Stabilo en France, craint « une pression plus forte sur les produits non alimentaires et en particulier les fournitures scolaires. Les négociations sont déjà difficiles, et les distributeurs cherchent le prix le plus bas pour augmenter le trafic dans les magasins. C’est un phénomène très franco-français, car en Allemagne, les pratiques sont totalement différentes et les promotions moins fortes. »

En juillet, selon l’institut GFK, plus de 41 millions de fournitures scolaires ont été vendues, pour 116 millions d’euros. Et les prix constatés ont baissé de 0,9 %, toutes catégories de produits confondues.

Les fabricants s’inquiètent d’autant plus que cette guerre des prix s’étend aux réseaux de distribution spécialisés (Top Office, Bureau Vallée…). « C’est la première fois que j’ai des prix aussi bas sur nos agendas sous la licence de l’artiste Ben, s’inquiète Frédéric Cical, directeur commercial de Quo Vadis, une marque du groupe Exacompta-Clairefontaine. Numéro un dans sa catégorie avec près de 8 millions de produits vendus par an, cet article était jusqu’à présent préservé, car il n’est pas vendu dans les hypermarchés. Les réseaux spécialisés choisissent des produits vedettes et se “mettent à la planche”. C’est-à-dire qu’ils ajoutent juste la TVA à leur prix d’achat et ne font aucune marge, pour en faire un produit d’appel. C’est légal car ce n’est pas de la vente à perte. » Son agenda Ben qui avoisinait les 9,50 euros est vendu désormais entre 5,99 euros et 7,99 euros selon les enseignes et leur politique promotionnelle. « Le consommateur ne sait plus quel est le vrai prix du produit », estime M. Cical.

D’autant que les autres circuits de vente gagnent du terrain sur la grande distribution qui concentre encore 71 % du marché de la papeterie en 2017 selon GFK : Internet (3 % de part de marché) progresse en valeur de 28 % sur un an ; les réseaux spécialisés (11 % de part de marché), de 5 % ; et les réseaux culturels comme la Fnac et Cultura (7 % du marché), de 15 %.

« Les magasins ne prennent plus de risques »

A la baisse des prix s’ajoute une autre complexité économique pour les industriels. Depuis quelques années, les achats de fournitures scolaires se font de plus en plus tard. Cette année n’échappe pas à la règle. L’institut GFK constate que les fournitures scolaires enregistrent un recul des ventes de 8 % en juillet, au profit des produits de jardin (barbecues, produits d’arrosage…).

Les trois semaines autour de la rentrée concentrent désormais 50 % des ventes de la période. « La première année, on s’est dit que c’était les attentats ; la deuxième, on a mis cela sur le compte de la canicule, raconte M. Cical. Et finalement, le phénomène se poursuit. »

Conséquence directe, les magasins ne veulent plus faire de réassort car ils ont trop de stock à la mi-août. « Il y a dix ans, je faisais entre 5 % et 10 % de réassort dès le mois de juillet. Maintenant c’est moins de 2 % à 3 % », poursuit-il. Et « les magasins ne prennent plus de risques et se concentrent sur les produits vedettes », ajoute M. Le Boulicaut.

Seul espoir pour sortir de cette spirale, le critère d’achat sur l’origine de fabrication française commence à prendre de l’ampleur avec le besoin des consommateurs d’acheter des produits plus responsables et de qualité. Depuis deux à trois ans, M. Cical constate que les distributeurs lui demandent s’ils peuvent mentionner, dans leur catalogue ou leur site Internet, le label Origine France garantie que sa marque a obtenu, alors qu’« avant ils me disaient plutôt que cela allait “encombrer” leur prospectus. »

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