Une installation d’alfredo jaar aux 44° rencontres de la photographie (Arles)

Les installations chocs d’Alfredo Jaar sur le pouvoir des images

Philippe Francais
Le monde qui vient
3 min readAug 22, 2013

--

Beaucoup de critiques l’ont intronisée “exposition phare” des 44e Rencontres Internationales de la Photo à Arles*. Et pourtant, Alfredo Jaar n’est pas photographe. “Je suis un architecte qui fait de l’art“ explique cet artiste chilien basé à New York.

Son travail consiste principalement à interroger la photographie et les médias dans leur rôle de construction des représentations politiques du monde. ”Politique des Images“ est le nom de la remarquable exposition qu’il présente à l’Église des Frères-Prêcheurs. Et tout journaliste ou photographe de presse doit y courir avant la clôture, ce dimanche 25 août à 19h00 !

Dès l’entrée, un immense panneau de néons blancs aveugle le visiteur. Mettre en lumière peut vouloir dire éblouir. Et la machine à fabriquer l’information sait aussi devenir experte dans ce domaine. Alfredo Jaar nous interpelle : vous voyez des images, mais elles sont vides de sens.

Par exemple ce montage saisissant réalisé à partir de la fameuse photo de la “war room” à la Maison Blanche, lors de l’attaque contre la planque d’Oussama Ben Laden. On y voit le Président Obama, sa Ministre Hillary Clinton et l’ensemble de son staff les yeux rivés vers un écran invisible. Le cadre suivant est une image blanche où Alfredo Jaar aurait voulu montrer le ”cadavre de l’ennemi public n°1“. Mais cette photo n’existe pas, où plutôt, elle est interdire de publication.

“Je me refuse de participer à la pornographie de la violence et de la misère — souligne Alfredo Jaar — Je crois que c’est important de parler de certaines choses, mais de le faire avec dignité pour les victimes, de le faire avec élégance, avec poésie…“.

Le génocide rwandais est le centre de gravité de cette exposition. Et chaque installation sur ce thème ébranle nos certitudes bien pensantes.

La crypte où sont enfermés dans des boîtes noires, comme des sarcophages, ses photos invisibles du drame rwandais, avec seulement une légende écrite sur le couvercle, comme une épitaphe qui nous oblige à penser l’image avant de ne pouvoir la regarder… Ou encore cette montagne de milliers de diapositives posées en vrac, posées comme un charnier et qui représente chacune le regard d’un enfant rwandais rescapé de l’horreur qu’Alfredo a rencontré et dont il nous raconte l’histoire.

Une réflexion profonde sur le pouvoir des images et une intelligente scénographie sous les voutes magnifiques de l’Église des Frères-Prêcheurs font de cette exposition un moment exceptionnel qui donne à voir un artiste qui n’a jamais montré en France une telle somme de ses œuvres.

* Le Monde, Rue 89, RFI…

Philippe Français

Écoutez ici l’excellent interview d’Alfredo Jaar à propos de cette exposition, interview réalisée par Muriel Maalouf pour RFI

Alfredo Jaar, “La Politique des images”. Jusqu’au 25 août 2013. Église des Frères-Prêcheurs, Arles. De 10 heures à 19 h 30. 8 €

Alfredo Jaar

Né en 1956 à Santiago du Chili.

Vit et travaille à New York.

Alfredo Jaar est artiste, architecte et réalisateur. Il a participé à la Documenta, à la biennale de São Paulo et à celle de Venise où il représente le Chili cette année. Ses expositions majeures ont notamment eu lieu au New Museum of Contemporary Art de New York, à la Whitechapel Gallery de Londres et il a fait l’objet d’une récente rétrospective à Berlin.

Il réalisé plus de soixante projets publics dans le monde, parmi lesquels The Geometry of Conscience, un mémorial permanent commandé par le musée de la Mémoire et des droits de l’homme de Santiago. Il a notamment remporté les bourses Guggenheim et MacArthur ainsi que le Premio Extremadura a la Creación espagnol.

www.alfredojaar.net

--

--