Et votre resto sera plutôt Netflix ou Blockbuster ?

Adriano Farano
Le pain retrouvé
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3 min readApr 27, 2020

Avant de fonder Pane Vivo dans le but de proposer un pain qui fait du bien, j’étais parti neuf ans en Silicon Valley. C’est à l’université de Stanford que j’ai eu la chance d’apprendre énormément sur les rouages des processus de transformation, notamment grâce aux cours du Prof. Robert Burgelman de la Graduate School of Business.

C’était super Stanford !

Parmi toutes les industries bouleversées par le Covid-19, celle des restaurants est celle qui risque d’en payer le prix le plus cher. A moins qu’elle ne se transforme.

Des leçons d’adaptation existent pourtant dont les restaurateurs pourraient s’inspirer.

L’industrie du divertissement, par exemple, a été frappée de plein fouets par plusieurs vagues de transformation. Le cas d’école que nous apprenions était l’avènement du streaming.

A chaque fois qu’un bouleversement arrive, il faut oublier la question “quel est mon métier” ? Il vaut mieux se poser la question suivante : quelle est ma raison d’être ?

Closing closing…

Le bouleversement est donc le passage du DVD, souvent loué dans des magasins physiques, à un système d’abonnement par le biais duquel on accède à un catalogue en ligne. Comment répond donc Blockbuster ? En refusant de changer leur système de location, par la rigidité : “notre métier est de louer des DVD”. En quelques années, l’entreprise dépose son bilan.

Même bouleversement, réponse différente chez Netflix qui, à l’époque, rappelons-le, était un service de location de DVD par correspondance. Netflix ne se pose pas la question de son métier, elle se demande plutôt quelle est sa raison d’être : “we entertain people”, on veut divertir le public. Corollaire : si le public ne se divertit plus en louant des DVD mais en choisissant parmi des films disponibles en ligne, c’est bien cela qu’on va faire. En quelques années, Netflix devient le leader mondial du streaming.

Chez les restaurateurs, il y en a qui se braquent sur la question du métier, du savoir faire, souvent à juste titre célébré et primé : “nous savons cuisiner, dresser des tables et servir nos mets pour les clients”. Mais d’autres réfléchissent à d’autres modèles. C’est ceux qui se posent la question non pas de quel est leur métier, mais quelle est leur raison d’être : “we feed people”, nous restaurons, nous nourrissons le public. Si le public veut se nourrir autrement qu’en prenant place dans un restaurant, il faut peut-être se réinventer.

L’émission de François-Régis Gaudry sur France Inter de cette semaine a été sans doute la plus réussie depuis le confinement. L’écouter, c’était mon cordon ombilical parmi mon exil doré dans la Silicon Vallée. On y découvre la passion de Laurent Petit, restaurateur étoilé ayant lancé un marché dans le jardin de son restaurant (“c’était le plus beau jour de ma vie”). Dans la même émission, c’est au tour d’Amandine Chaignot du restaurant Pouliche qui se pose justement la bonne question sur la raison d’être et y répond : “nous sommes un pont entre les meilleurs producteurs et le public”, donc se réinvente en épicière d’exception.

Amandine et Laurent, même combat de réinvention

Les initiatives abondent. L’étoilé Bruno Verjus crée déjà des repas gastronomiques à cuisiner à la maison. ONA de Luca Pronzato fait de même avec leur Panier concocté par un chef différent chaque semaine… Demain, c’est au tour d’un excellent restaurant napolitain, chez Mimi, à Paris, d’ouvrir sa “cave d’Ali Baba de produits napolitains”.

Les possibilités sont énormes. Ce n’est pas la raison d’être des restaurants qui est remise en question aujourd’hui. C’est le mode d’emploi. Il s’agit donc bien d’un défi tactique, terriblement dur à relever, mais ce n’est pas une menace stratégique. Et peut-être que certains restaurants pourront survivre sans changements. Mais ce ne sera pas la majorité.

Et votre restaurant sera plus Netflix ou Blockbuster ?

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Adriano Farano
Le pain retrouvé

I’ve built a pizza oven, a family and a few companies. Not necessarily in that order.