4 insights sur le futur de l’éducation

Léa Douhard
Le Petit Buisson
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6 min readOct 3, 2016

Jeudi dernier j’ai eu la chance d’être présente dans l’Arène du France Digitale Day, cette grande messe annuelle des VC et entrepreneurs successful ou en bonne voie pour l’être. Au programme : financement de l’innovation, transformation numérique de l’entreprise, de la fiscalité, attractivité et rayonnement des startups françaises à l’international, tout cela dans une optique de lobbying pré-présidentiel totalement assumé par les grands manitous de France Digitale.

Mais cette année aura été marqué par le thème de l’éducation érigé comme une priorité parmis les thèmes à pousser. Oui, l’éducation est une cause qui concerne autant le devenir de notre société que l’avenir de notre économie. A l’heure où l’accès aux connaissances est de plus en plus infini, où les soft skills comme l’empathie, la solidarité, la créativité, l’apprendre à apprendre deviennent indispensables, où les frontières entre business et bien commun se superposent tous les jours un peu plus, l’éducation devient un sujet essentiel, qui a besoin des énergies de tous.

C’était l’objet de la session “Future of Education” orchestrée par SophiePène autour de 8 invités de marque et un fil conducteur, où plutôt une utopie collective introduite ainsi par Sophie:

« Faire que notre société soit aussi une cité des savoirs et plus seulement une cité du business, car l’innovation numérique dans une société délabrée, ça ne pourra pas fonctionner. »

J’ai périscopé en mode artisanal depuis les gradins de l’Arène donc si vous voulez retrouver l’intégralité des discussions, c’est par ici (intro), ici (Cédric Villani + Nicolas Sadirac) et ici (reste des invités).

Sinon, voici pour moi les 4 axes forts qui sont ressortis de cette discussion et qui traversent aujourd’hui les débats sur les transitions numériques de l’éducation.

Engagement & passion comme moteur de l’apprentissage

Tous les intervenants sans exception ont mis en avant l’importance de l’engagement et de la passion dans les processus d’apprentissage. Ainsi, la question n’est plus tellement ni la transmission ni la retranscription des savoirs dans un cadre bien défini mais bien l’engaement de l’apprenant (qui peut être d’ailleurs autant l’élève que le prof que le citoyen dans sa vie de tous les jours) qui agit comme le moteur de la motivation dans un monde où l’accès à la connaissance est désintermédiée par le numérique et où la jeunesse marche au Sens et à l’impact et non plus (seulement) à l’argent ou à la course au diplôme.

Cyborg de l’apprendre

“L’école reste encore très largement un lieu qui conforme et non un lieu qui forme” , nous dit Axiom.

Assez paradoxalement, jusqu’à présent le système éducatif formait très largement des robots, gare à celui qui sort des rangs et qui a l’audace de penser autrement! Comme le disait Nicolas Sadirac, directeur de 42, “avant l’éducation avait pour mission de former des soldats et des curés, ensuite de former des gens à faire des tâches répétitives mais maintenant, nous avons besoin de gens créatifs!”. Et si le numérique, les vrais robots, les algorithmes, nous permettaient enfin de former une génération créative, capable de comprendre les enjeux du monde de demain et d’oser avoir le culot de bousculer les lignes?

Pas besoin de numérique pour former des robots mais besoin de numérique pour augmenter l’humain et la pédagogie afin de former des gens créatifs. Peut être bien que c’est ça l’équation de demain : devenir des cyborg de l’apprendre.

L’expérimentation est la seule politique qui vaille

La semaine dernière a aussi été marqué par le rapport du CNESCO sur l’aggravation des inégalités scolaires. Ce rapport dénonce notamment l’inefficacité des politiques menées ces trente dernières années. Trop idéologiques (elitisme Vs. égalitarisme), trop rigides (notamment sur les mesures concernant les zones prioritaires) les politiques publiques de l’éducation sont souvent inefficaces et coûteuses.

L’éducation est un système complexe dont les variables diffèrent selon les territoires et même à un niveau plus micro, selon les établissements. Il est impossible et dangereux d’appliquer une même politique de façon top-down à tous les systèmes éducatifs. On parle beaucoup aujourd’hui de l’adaptation des contenus en fonction des façons d’apprendre. On tatonne, on teste, on reconnait que chacun est unique et on s’adapte. Il convient de faire de même pour les politiques publiques et donc de laisser place à l’expérimentation en éducation. Cela permettrait enfin de passer enfin sur des temps plus courts, d’être plus réactifs quand une mesure s’avère inefficace et d’itérer plutôt que de sombrer dans l’absurdité.

Pour cela il convient de mettre en place un véritable protocole scientifique et une évaluation solide de ces expérimentations en temps réel — ce qui veut dire par la même occasion de penser enfin une vraie politique des données ouvertes pour l’éducation, mais c’est un autre sujet…

Evidemment cette politique d’expérimentation va de paire avec le fait de redonner des marges liberté aux acteurs et ce, à tous les niveaux. Pour Cédric Villani, “le désir d’expérimenter est la plus grande des qualités” pour un élève et pour un enseignant. Interroger, tester, itérer, voilà les bases de tout processus d’apprentissage — n’est ce pas ainsi que l’on apprend à marcher, à parler? De ce point de vue, le prototypage, l’apprentissage par le faire, le bidouillage, l’informatique, permettent de matérialiser une pensée et de comprendre, de partager, de scaler une pensée dans le monde réel, d’en faire un objet tangible et partageable. Les possibilités sont infinies.

Challenge : le passage à l’échelle

Le problème avec l’expérimentation c’est le passage à l’échelle. Souvent on observe des initiatives qui sont de vraies success stories au niveau d’un établissement avec une équipe motivée, une vision commune et une pédagogique ambitieuse mais qui deviennent de vrais flops transposées telles quelles dans un autre contexte. Très souvent les enseignants innovants qui obtiennent de magnifiques résultats avec leurs élèves veulent surtout être laissés tranquilles dans leur coin et ne pas finir comme l’Exemple à suivre avec un grand E, sous peine d’attirer l’attention des inspecteurs, du ministère, et de finir puni ou mis en kit pour d’autres en ayant perdu en route ces petites choses qui faisaient que ça marchait dans un contexte très précis. Le rôle de la recherche en éducation c’est justement aussi cela : aider à identifier ce qui fait qu’une expérimentation fonctionne ou non et de penser le passage à l’échelle.

Car l’éducation est probablement LE secteur impossible à disrupter avec une solution globale tant les conditions de réussite d’une expérimentation sont intriquées dans le contexte local. C’est une bonne nouvelle pour les acteurs de l’EdTech française qui ont réellement leur carte à jouer face aux géants américains — Microsoft, Amazon, Google, étant déjà très confortablement installés dans le système éducatif français mais à quel prix, et surtout avec quelle efficacité réelle ?!

Pour Marie Christine Levet, fondatrice du premier fond d’investissement européen dédié à l’EdTech, il y a près de 600 startups EdTech en France et un foisonnement d’intelligence incroyable. Ces jeunes entrepreneurs qui veulent en découdre sont soigneusement écartés du système au profit des grandes entreprises (GAFA et éditeurs) ou bien parviennent au mieux à se maintenir à flot pendant 3 ou 5 ans sous perfusion d’un appel à projet sans générer de croissance organique. EduCapital propose de changer cela et de soutenir ces initiatives, le rôle de l’éducation nationale étant moins de les financer que de créer les cadres de liberté nécessaire pour l’écosystème et les conditions du partage des ressources.

Finalement, l’éducation doit cesser d’être vue uniquement comme un centre de coût mais doit être reconnue pour sa création de valeur incroyable, pour aujourd’hui et pour demain.

Faites de la place, on arrive.

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Léa Douhard
Le Petit Buisson

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