À quelle éducation rêvent les jeunes ?

Troisième édition de l’événement “100 idées d’élèves pour changer l’école”

Soizic Pénicaud
Le Petit Buisson
4 min readOct 17, 2016

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Credit: Maria Azi

“J’ai une bonne et une mauvaise nouvelles. La mauvais nouvelle, c’est que le micro a surchauffé dans l’armoire et qu’il ne fonctionne pas pour le moment ; nous allons donc devoir commencer sans. La bonne, c’est que vous pouvez tous pousser un grand cri avant de démarrer !”

Hôtel de l’Industrie, jeudi 13 octobre, 15h. Jérôme Saltet, président du Conseil d’administration de l’initiative a21 — apprendre au 21e siècle, explique le fonctionnement de la troisième édition de “100 idées d’élèves pour changer l’école”. Cet événement d’une journée, organisé en partenariat avec la Fondation Égalité des Chances, la fondation EVENS, la fondation du Crédit Coopératif et la Société d’Encouragement pour l’Industrie nationale, a pour but de donner la parole à des acteurs de l’éducation trop peu souvent écoutés : les élèves eux-mêmes.

A cette occasion, une centaine de jeunes de deux établissements (l’Internat d’Excellence de Sourdun et la Cité scolaire Jean Jaurès de Montreuil) ont été invités à réfléchir à des idées pour transformer l’école. Divisés en cinq groupes, ils ont travaillé toute la matinée à la formulation de propositions, tandis que leurs enseignants débattaient de leur côté.

C’est maintenant l’heure de la discussion de ces propositions avec Jérôme Saltet(par ailleurs co-fondateur des éditions PlayBac et co-auteur d’ouvrages sur l’éducation, dont Changer le collège c’est possible !) et trois autres expertes de l’éducation : Carole Diamant, professeur et déléguée générale de la Fondation égalité des chances, Florence Rizzo, co-fondatrice de SynLab et de l’IRAE, et Judith Grumbach, réalisatrice du documentaire Une idée folle qui dresse le portrait de dix écoles innovantes en France.

Le micro est rétabli sous un tonnerre d’applaudissements enthousiastes. Les deux porte-parole du premier groupe montent sur scène pour présenter leurs réponses à la question “Qu’apprendre ?”. Sont ensuite débattus les sujets “Comment apprendre ?”, “Où apprendre ?”, “Ecole et justice sociale”, “Les objectifs de l’école” (par le groupe des enseignants), et “Relations enseignants — élèves”.

“Les experts n’ont rien inventé”

Les élèves impressionnent, à la fois sur la forme et sur le fond. Tous réussissent avec brio l’exercice de prise de parole en public. Ils s’expriment de manière claire et structurée, sans perdre leurs moyens devant les 120 personnes qui les écoutent attentivement, et sans se laisser démonter par les questions des experts et du public.

Parmi les propositions formulées, quelques thèmes sont récurrents :

  • Un besoin de décloisonnement des disciplines et des espaces. Les jeunes préconisent par exemple la mise en place de travaux en groupes multi-niveaux pour encourager l’apprentissage de la vie en société. Ils rêvent d’écoles modulables (“avec des canapés”) ou mobiles, où l’on apprendrait chaque jour dans un endroit différent. “Le seul problème, ce serait quand il pleuvrait trop”, explique le rapporteur.
  • Un besoin de liens avec le monde extérieur. Les élèves proposent l’utilisation d’ordinateurs portables pour plus de cohérence entre les outils utilisés à la maison et à l’école. Ils suggèrent l’organisation de rencontres avec des professionnels pour renforcer les liens avec le monde du travail.
  • Un besoin d’épanouissement et de prise en compte de l’élève dans sa globalité. Certains souhaitent transformer le système de notation pour une meilleure prise en compte des progrès réels de l’élève, par exemple en incluant systématiquement un commentaire positif. D’autres expliquent que des programmes moins denses laisseraient plus de temps aux professeurs d’expliquer.
  • Un besoin d’égalité et de justice. Une proposition remporte beaucoup de succès auprès des élèves : celle d’un dossier anonyme pour le recrutement des jeunes par d’autres établissements pendant leur scolarité, afin d’éviter de la discrimination par rapport au nom ou à l’établissement d’origine.

Les propositions sont réfléchies, argumentées et d’une grande pertinence. Elles font souvent écho à des initiatives déjà existantes et à des problématiques saillantes dans le monde de l’éducation. Difficile de croire qu’elles sont le fruit de seulement trois heures de réflexion collective ! C’est à en avoir envie de leur demander leur avis plus souvent… Comme leur dit Florence Rizzo : “les experts n’ont rien inventé, vous savez ce que vous voulez voir dans l’éducation”.

A suivre : des brainstormings profs — élèves ?

Ultime rebondissement avant la fin de l’événement : le dernier thème sur les relations profs — élèves, qui provoque une discussion animée. Les jeunes demandent notamment plus de respect (le prof peut arriver en retard alors que les élèves non, même s’ils ont une bonne raison), un allégement des programmes et plus de réponses à leurs questions, et proposent d’organiser des déjeuners communs, lors desquels les enseignants et les élèves déjeuneraient ensemble. Enfin, ils suggèrent la rédaction par les élèves et les profs d’une charte déclarant les droits et les devoirs de chacun. Les enseignants réagissent : ce sont des requêtes louables, mais il est difficile de répondre à toutes les questions, le soutien scolaire supplémentaire coûte de l’argent…

C’est déjà la fin de la conférence, mais on sent que la discussion pourrait se poursuivre longtemps, et on a envie qu’elle le fasse. Il est rare que les élèves et les professeurs aient la possibilité de débattre en présence de parties tierces. Or, cet échange de différents points de vue en-dehors du cadre scolaire et des cadre “profs — élèves” habituel pourrait être extrêmement fructueux, et donner lieu à un véritable échange constructif. On rêve déjà de sessions de brainstorming réunissant enseignants et élèves autour de l’objectif de l’école défini par le groupe de travail des enseignants : Développer en chacun l’envie et la force de se construire et de s’épanouir parmi les femmes et les hommes”.

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