« Alors tu es… Ma Gabaï Mamie ! »

Clara Loizeau
Bubble
Published in
4 min readJul 26, 2017

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Sélection #78 Une Sacrée Mamie de Saburo Ishikawa

Passionnée d’Histoire et fascinée par le Japon, on m’avait conseillé ce manga en m’en vantant l’histoire douce et paisible, mais pleine d’humour de cette petite famille vivant dans le Japon rural des années 1950.

Autant dire que je n’ai pas été déçue.

Une Sacrée Mamie est l’histoire d’Akihiro Tokunaga, un petit garçon d’Hiroshima plein de vie et de gentillesse. Il est confié à sa grand-mère lorsque sa maman ne parvient plus à subvenir aux besoins familiaux ; petit garçon des villes, habitué au confort du cocon familial, il se retrouve ainsi exilé dans un univers rural si différent du sien. Il fait alors avec nous la rencontre de sa grand-mère, une grande petite dame pleine d’esprit, de bon conseil et surtout d’humour. C’est elle qui donne son âme au manga, et qui en tient d’ailleurs son nom : tout le récit est basé sur les trouvailles de sa mamie, qui ne manque jamais de trouver un moyen de tourner au positif les situations auxquelles ils sont confrontés.

C’est cette interaction entre un petit garçon qui grandit et découvre la vie, et sa mamie sage et avisée qui donne ce goût si particulier au manga. En lecteur adulte, on redécouvre avec surprise l’innocence et la bonhomie des enfants de cet âge, qui acceptent sans difficultés mais sans naïveté les explications de sa grand-mère, qui cherche à masquer les problèmes financiers que leur famille traverse. Et c’est par ses explications pleines d’esprit que l’on découvre l’intelligence et la bonté de sa mamie, qui trouve un aspect positif et cocasse à toutes les situations.

- « Mamie, j’ai faim !
- Allons, tu te fais des idées.
- Oui, je me fais des idées !
- … Mamie, je crois que j’ai vraiment faim !
- Dors, c’est un rêve.
- Mais oui, je dois rêver.
…. ZZZZ »

Et il n’y a pourtant aucune lourdeur ou maladresse dans ce récit : Akihiro et sa mamie vivent une vie sans argent, mais cela ne vient jamais entacher leur moral ou les dénigrer par rapport aux autres familles du village. Une facture pour l’eau, l’envie d’acheter un gant de baseball, une cape pour jouer avec ses copains, une voisine en difficulté ? La mamie d’Akihiro a une solution et du bon sens à offrir pour toutes les situations. Tout d’ailleurs est pris avec un brin de comédie ; du récit au dessin, rien n’est solennel longtemps dans ce joyeux univers.

On est par ailleurs plongés dans un monde d’autrefois, sans électricité ou chauffage, rythmé par les traditions japonaises d’antan : nos héros vivent dans une petite maison de bois, mangent du riz et du tofu, jouent au Kendo et prient au petit autel bouddhiste. Le style graphique de Saburo Ishikawa nous aide à nous plonger davantage dans cet univers : si les personnages sont dessinés avec un trait relativement épais et grossier, le paysage et les détails autour sont saisissant de précision . On y retrouve la poussière dans les rues, la maigreur des chiens, les tâches dans la cuisine externe, mais aussi la richesse des champs, le détail des flots de la rivière, le ciel bleu et l’ordre de la classe… On sent l’odeur de chemins de terre battue et on entend le bruit des fuites d’eau de la cabane de sa mamie : en un mot, on y est avec Akihiro au quotidien. Ce jeu de style donne parfois lieu a des scènes amusantes : on passe d’une image solennelle et détaillée des champs aux traits parfois comiques d’Akihiro. Tout est ainsi fait pour soutenir l’ambiance pétillante, pleine de vie et de bon sens du récit.

Construit afin de plaire à tous, ce manga comique et bon enfant permet ainsi de nous instruire sur les traditions japonaises, tout en décrivant ce monde rural à la fois rude et solidaire, plein d’affection, bercé par la voix de cette grand-mère pleine de philosophie. Coup de cœur assuré !

Une Sacrée Mamie de Sabura Ishikawa et Yoshichi Shimada, éditions Delcourt, 2005
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À bientôt ! Clara

Images extraites de l’album © Ishikawa / Shimada / Delcourt

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