Addax (Addax nasmaculatus) © squeeze / pixabay.com

[Tombées comme des mouches] Espèces menacées, espèces en danger : quelles différences ?

Océane Perrot
Le Troisième Baobab
6 min readNov 13, 2018

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L’addax est une « espèce en voie d’extinction », triste expression devenue pourtant bien banale aujourd’hui. Des revues scientifiques aux pancartes de zoo, en passant par les documentaires animaliers, nous sommes bien souvent confrontés à ce vocabulaire.

Comment fait-on pour savoir qu’une espèce est en voie d’extinction alors qu’une autre se porte bien? Y a-t-il une classification rigoureuse ou bien les scientifiques choisissent-ils les espèces les plus sweet pour nous sensibiliser ?

17 octobre 2014, j’entends encore David Pujadas annoncer au journal télévisé la mort de Suni, le dernier rhinocéros blanc mâle apte à la reproduction, et de facto l’extinction de l’espèce.

J’ai pleuré. Ce monde de braconniers et de chasseurs m’écœure.

Puis, je me renseigne sur l’espèce rhinocéros blanc (Ceratotherium simum) que je pense désormais éteinte. Ce cher David n’était pas si bien renseigné. Suni appartenait à la sous-espèce de rhinocéros blanc du Nord (Ceratotherium simum cottoni) et il reste encore des individus rhinocéros blancs de la sous-espèce qui vit au Sud (Ceratotherium simum simum). Ce n’est donc pas l’espèce qui vient de s’éteindre, mais une sous-espèce. Les rhinocéros blancs sont en réalité classés « quasi-menacés d’extinction ».

Tout ça est un peu confus, je comprends pourquoi David n’a rien compris. Faire la distinction entre “espèce” et “sous-espèce” n’est pas évident, ni même comprendre la différence de signification entre les statuts “quasi-menacé”, “menacé” ou “éteint”…

Et oui ce n’est pas facile à comprendre et si on ne comprend pas ces différences, on est mal informé. Et si on est mal informé, alors on ne sait pas comment agir... Il est donc essentiel d’avertir le public sur l’utilisation de ces termes scientifiques afin de le sensibiliser davantage à l’importance de la conservation des espèces et de la biodiversité.

Gratuitement, le mot « biodiversité » est composé du terme « bio » qui signifie « le vivant » et de la notion de diversité. La biodiversité c’est donc la diversité du vivant sur Terre.

Tout d’abord, il faut parvenir à différencier les notions “espèce” et “sous-espèce”.

Une espèce est définie par un ensemble d’individus capable de se reproduire entre eux et d’engendrer une génération viable et féconde. Ainsi, l’espèce en se reproduisant est perpétuée.

Quand on parle de sous-espèce, on parle de boîte dans la boîte. Lorsqu’une espèce possède des sous-espèces, cela signifie qu’il y a, ou qu’il y a eu, a minima, deux sous-espèces distinctes pour une même espèce. Cela se produit lorsque deux populations, P1 et P2, d’une même espèce se retrouvent séparées par une barrière géographique (chaîne de montagnes, fleuve, océan, forêt, désert…). Les individus de la population P1 ne rencontrent plus les individus de la population P2. De fait, il n’y a plus d’accouplement entre P1 et P2 et des différences génétiques apparaissent entre ces deux populations. C’est à l’apparition de ces différences génétiques que les scientifiques distinguent deux sous-espèces.

Les sous-espèces ont donc chacune leurs propres richesses génétiques, toutefois ces différences génétiques ne sont pas encore suffisamment importantes pour empêcher une éventuelle fécondation entre des individus P1 et P2.

Répartition géographique des deux sous-espèces de rhinocéros blanc (Ceratothérium simum) ©Wikipédia

Reprenons l’exemple de David. Rhinocéros blanc est le nom commun de l’espèce, son nom scientifique est Ceratotherium simum. Ces rhinos blancs (Ceratotherium simum) vivent en Afrique. Seulement, on distingue deux groupes génétiquement isolés depuis suffisamment longtemps. Il y a donc deux sous-espèces, les rhinocéros blancs du Nord Ceratotherium simum cottoni et les rhinocéros blancs du Sud Ceratotherium simum simum.

La sous-espèce des rhinos blancs du Nord (Ceratotherium simum cottoni) peut s’éteindre, sans toutefois que l’intégralité des individus de l’espèce (Ceratotherium simum) ne soient morts.

Ainsi, une sous-espèce peut s’éteindre sans que l’espèce dans sa globalité ne soit éteinte, ni même menacée d’extinction.

Lorsque les scientifiques attribuent un statut de conservation, ils l’attribuent directement à une espèce. Pour cela, si l’espèce est divisée en sous-espèces, ils étudient la totalité des sous-espèces afin de déterminer le statut de spécifique dans son intégralité.

D’ailleurs un statut de conservation c’est quoi et comment l’attribue-t-on ?

Les biologistes ont mis au point une échelle de conservation des espèces. Cette échelle est donc composée de plusieurs échelons, ou statuts de conservation, allant du statut « préoccupation mineure » au statut « extinction ».

Statuts de conservation des espèces © IUCN Redlist

Le nombre d’espèces vivantes sur Terre approximant les 10 millions, voire plus selon certains chercheurs. Les biologistes n’ont pas pu évaluer le statut de conservation de chacune de ces espèces, d’où l’existence de l’échelon « Non évalué » (Not evaluted, NE, en anglais). Parfois, les données scientifiques ne permettent pas l’évaluation du statut d’une espèce, car elles ne sont pas suffisantes; en ce cas, l’échelon attribué à ladite espèce est « Données insuffisantes » (Data Deficient, DD). Enfin, lorsqu’une espèce a pu être évaluée, on lui attribue un échelon. Soit elle n’est pas menacé d’extinction : Préoccupation mineure (Least Concerned, LC) ou Quasi-menacé (Near Threatened, NT) ; soit elle est menacée : Vulnérable (Vulnerable, VU), En danger (Endangered, EN) ou En danger critique (Critically endangered, CR) ; soit l’espèce est Eteinte à l’état sauvage (Extinct in the wild, EW); soit elle est totalement Eteinte (extinct, EX).

Afin d’attribuer un statut cohérent à une espèce, les biologistes ont établi une liste de critères à prendre en compte lors de l’évaluation. Ces critères permettent d’adapter le statut de conservation au mode de vie de l’espèce.

Éléphant d’Asie (Elephas maximus), statut IUCN : EN © Ramki Sreenivasan / orgconservationindia.

Il semble évident qu’il y a moins d’éléphants sur Terre que de fourmis. Pourtant, l’éléphant d’Asie (Elephas maximus) a le statut en danger d’extinction (EN) et est donc moins menacé que la fourmi australienne (Nothomyrmecia macrops), qui elle est classée en danger critique d’extinction (CR). Ainsi, pour classer justement une espèce il faut prendre en compte l’intégralité de sa biologie.

Fourmi australienne (Nothomyrmecia macrops), statut IUCN : CR © Ajay Narendra / theconversation.com

Voici donc une liste non exhaustive des critères utilisés par les biologistes :

  • L’espérance de vie
  • Le mode de reproduction
  • L’âge moyen de la première reproduction
  • Le temps de génération
  • Le sexe-ratio
  • Le nombre d’individus par population
  • Le nombre d’individus sexuellement matures
  • L’aire de répartition
  • L’accès à la nourriture
  • Les prédateurs
  • L’influence de l’homme (chasse, braconnage, fragmentation de l’habitat, pollution de l’habitat, pollution lumineuse…)

Enfin, les biologistes ont créé une liste rouge qui regroupe les 93 579 espèces déjà évaluées. Cette liste nous donne la position de l’espèce sur l’arbre du vivant, son statut de conservation IUCN (International Union for Conservation of Nature — Union internationale pour la conservation de la Nature) et sa tendance (en déclin, stable ou en amélioration).

Cette red liste est consultable par le grand public. Ce site, en anglais, est très bien fait pour un lecteur non biologiste qui de clic en clic pourra découvrir des centaines d’espèces dont il ignorait même jusqu’à l’existence. Il a pour seule limite l’usage d’un vocabulaire, latin et très scientifique, pour la classification des espèces, ce qui peut rendre l’utilisation un peu moins triviale.

C’est pourquoi, je vous propose, à travers ma chronique “Tombées comme des mouches”, de vous faire découvrir ces espèces toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Espèces qui peu à peu disparaissent sous la menace humaine…

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Océane Perrot
Le Troisième Baobab

Après 6 ans d’étude en biologie, je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas partager mes connaissances! La médiation scientifique, c’est chouette aussi!