Un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique ©Steve Hillebrand via pixinio

Pourquoi le mur de Trump serait aussi une catastrophe écologique

Océane Perrot
Le Troisième Baobab
7 min readJun 26, 2017

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Les médias ont beaucoup parlé des conséquences sociales et économiques que provoquerait l’édification du mur de Trump tout au long de la frontière américano-mexicaine. Mais cette barrière engendrera aussi de nombreux désastres écologiques.

Un mur. C’est ce qu’a promis le nouveau président des États-Unis au peuple américain pour le « protéger » des migrants et des drogues tout droit parvenus du Mexique. Ce mur comme un clivage entre deux peuples, deux nations, deux cultures devrait mesurait 3200 km de long pour une hauteur de 15 mètres environ.

N’est-il pas désuet, au 21ème siècle, d’ériger des murs pour « se protéger »? N’y a-t-il pas d’autres solutions aujourd’hui ? N’est-il pas préférable de s’écouter, de se tendre les bras et de construire des ponts? Je sais je rêve un peu trop, mais honnêtement, la méthode Muraille de Chine, Mur de Berlin, ligne Maginot, je n’y crois pas vraiment.

Et puis, ces grands bâtisseurs de mur ne s’intéressent pas aux impacts écologiques que provoquent ces fortifications. Ils s’en foutent, seules leurs patries ont de l’importance. Ils oublient qu’avant de vivre un pays bien délimité par des frontières, ils vivent sur la planète.

Un crapaud cherchant désespérément à franchir la barrière entre les États-Unis et le Mexique ©Dan Millis via Seeker

Parce que si le mur a pour but de séparer des hommes, il séparera aussi des populations animales et végétales !

Comment voulez-vous qu’une grenouille, qu’un loup, qu’un scarabée ou qu’un serpent parvienne à franchir ce mur, si aucun homme n’en est capable ?

Il ne faut pas oublier que les animaux, eux, s’en fichent des frontières. Ils n’ont pas besoin de passeport pour passer d’un pays à l’autre et ne demandent jamais la nationalité de leur partenaire sexuel lors des saisons de reproduction. Ils sont indépendants et n’aspirent qu’à une seule chose, pouvoir disposer de leur territoire librement pour s’abreuver, se nourrir et se reproduire ; tout simplement vivre libres.

La vallée du Rio Grande qui risque d’être divisée en deux partie dans les années à venir ©tpsdave via pixabay

Mais quand on a pour projet d’ériger un mur de 3200km qui traverse de nombreux parcs naturels et autant d’écosystèmes riches et fragiles tels que l’estuaire du fleuve Tijuana, les montagnes de Peninsular Ranges, le désert de Sorona, les montagnes de Sky Island ou encore la Vallée du Rio Grande, on porte atteinte à la liberté de cette faune et de cette flore.

Suite à la promesse de construction de Trump, lorsqu’il n’était encore que candidat, l’US Fish and Wildlife Service (organisme fédéral s’occupant de la gestion et la préservation de la faune) a publié en mai 2016 un rapport préliminaire qui souligne que 111 espèces animales menacées d’extinction et 108 espèces d’oiseaux migrateurs seraient encore davantage perturbées par l’existence de ce mur.

Pourquoi la faune et la flore de ces régions sont-elles menacées par la barrière ?

Tout d’abord, de nombreux animaux verront leur territoire réduit drastiquement et ils n’auront plus accès à certaines ressources alimentaires ou à des points d’eau pour s’abreuver. Les risques de morts pour ces individus seront alors très importants et si trop d’individus meurent, l’espèce peut s’éteindre.

Ensuite, si les populations sont séparées, il n’y aura plus de reproduction entre animaux mexicains et étasuniens, cela provoquerait une diminution de la diversité génétique et parfois même une augmentation de la consanguinité pouvant conduire à l’apparition de certaines maladies ou pire à l’extinction de l’espèce.

Un Grand géocoucou (Geococcyx californianus) ©Daniel Dupont

Les conséquences pour les oiseaux migrateurs seront lourdes, car ces oiseaux ont pour habitude de se guider avec les étoiles. La pollution lumineuse, due aux moyens de surveillance (projecteurs, caméra…) associés au mur, pourrait changer leur lecture de la carte stellaire et la trajectoire de ces migrateurs pourrait en être bouleversée.

D’autres oiseaux non migrateurs verront leur population décliner. Je pense notamment au géocoucou (Bip-Bip pour les intimes) qui bien qu’il sache voler, favorise les déplacements au sol. L’équation pour lui est vite résolue : un mur est égal à zéro déplacement.

La chevêchette brune ne sera pas non plus épargnée puisque son vol est un vol de basse altitude. Vous la voyez déjà tous, comme moi, se prendre le mur en pleine tronche simplement parce qu’elle souhaite manger la petite souris qui, elle est restée coincée de l’autre côté ?

Les individus vivants dans les écosystèmes aquatiques seront aussi les victimes d’un Trump assoiffé de massacres écologiques. De nombreuses espèces de poissons verront leur milieu fragmenté, des populations entières de grenouilles, de salamandres ou même de crustacés seront séparées.

Des tortues, des lézards, des serpents souffriront également de la présence de cette fortification. Je ne parle pas non plus des mollusques.

Vous imaginez l’énergie qu’il faudrait à un escargot pour escalader 15 mètres de mur ? Cela reviendrait à demander à Trump de se faire l’ascension du mont Everest en tong.

Et pour les autres invertébrés : les abeilles, les araignées et les papillons comme le monarque, par exemple, qui chaque année effectue une migration de 4000km entre le Canada et le Mexique pour se reproduire. Imaginez-le après un tel voyage être stoppé net par un mur. Il ne supporterait pas de rebrousser chemin, le second voyage lui serait fatal et il fait beaucoup trop froid au Canada pour lui durant l’hiver. Trouver un autre écosystème dans le sud des États-Unis ? Une échappatoire envisageable, mais il deviendrait une proie facile pour beaucoup d’oiseaux. Aucune solution valable donc pour ce petit papillon. Sauf peut-être trouver des passeurs, comme les migrants mexicains, en somme.

Un Monarque (Danaus plexippus) © Wikipédia

Et pour les mammifères alors ? Ours, mouflons, loup gris, ocelot, souris, jaguars, chauve-souris… Ils ne sont pas non plus épargnés. Le mur risque de séparer ses populations et ainsi de bloquer des flux de gènes.

L’extinction de certaines de ces espèces sera ainsi presque une évidence pour certains scientifiques.

Ces suppositions sont appuyées sur des études car en 2005, le président Bush avait déjà cloisonné la frontière par segments sur plusieurs centaines de kilomètres et les études scientifiques ont montré que les tailles de populations de cougars et de coatis vivant aux abords de ces cloisons ont diminué de manière significative.

La flore aussi sera impactée par cette construction, le pollen et les graines de certaines plantes à fleurs ne seront pas transportés au-delà du mur. Comme pour la faune, la perte de diversité génétique risque d’affaiblir les populations végétales.

Le désert de Sorona situé sur la frontière américano-mexicaine ©Anterra via Gettyimages

Beaucoup d’espèces semblent donc en proie à devenir des victimes supplémentaires de cette idée ravageuse de Trump.

Les écosystèmes sont souvent en équilibre et si une population d’un écosystème vient à s’effondrer, de maillon en maillon toute la chaîne alimentaire pourrait en être affectée.

Pire encore, les populations animales sont en mouvement. Et ces déplacements s’intensifient avec le réchauffement climatique. On observe, en effet, une migration progressive de certaines espèces animales vers le Nord, parce qu’elles ne parviennent pas à s’adapter au nouveau climat qui s’instaure dans leur région d’origine. Le mur de Trump, bien évidemment empêcherait toute progression de ces migrants vers des habitats plus favorables.

Un ocelot (Leopardus pardalis), espèce menacée par la présence du mur ©dinoanimal

Quelles sont alors les solutions pour faire valoir les droits de la faune et la flore à l’égard de cette décision introversive de Trump ?

Elles sont maigres car les scientifiques n’étudient que très peu ces écosystèmes situés dans des zones sous haute surveillance. Et puis si Trump écoutait les conseils et les avertissements des scientifiques, nous le saurions !

Il y a toutefois une section dans l’Endangered Species Act, qui stipule que tout projet de construction impliquant le gouvernement fédéral doit être revu par l’US Fish and Wildlife Service pour chaque population qui pourrait être impactée par la construction. Bien sûr, le gouvernement fédéral n’a pas besoin d’appliquer cet arrêté lorsqu’il s’agit de sécurité nationale. Pour Trump, il est évident que tout ce qui vient du Mexique : hommes, flore, faune est dangereux pour son pays, alors il passera bien outre cette règle bienveillante à l’égard de la planète.

Non au Mur de Trump ©Tiburi via pixabay

Il semble que Trump, s’inspirant de la Grande Muraille de Chine, désire rendre visible depuis l’espace une ligne imaginaire qui n’a de sens que pour l’espèce humaine.

Je doute toutefois que transformer cette ligne invisible en un monstrueux mur aide vraiment les espèces sauvages à comprendre le sens des frontières.

Ce mur est un rêve de mégalomane. Si Trump continue dans sa lancée, le sud du pays pourra dire good bye à la vie sauvage.

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Océane Perrot
Le Troisième Baobab

Après 6 ans d’étude en biologie, je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas partager mes connaissances! La médiation scientifique, c’est chouette aussi!