Les bois de rose Aniba rosodora © vanessence et Dalbergia maritima © mtcmadagascar

[Tombées comme des mouches] Le bois de rose

Océane Perrot
Le Troisième Baobab
7 min readJan 17, 2019

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Enfin… les Bois de rose ! (Dalbergia maritima et Aniba rosodora)

Le bois de rose est un arbre que vous connaissez peut-être déjà. En effet, en occident, il est très employé en parfumerie, et de plus en plus en aromathérapie. Mais le bois de rose est aussi très demandé en Chine car sa couleur permet de créer des marqueteries et des meubles très haut de gamme. SAUF QUE… il ne s’agit pas du même arbre !

Des nœuds dans le bois de rose, il y a en a pas mal. Un même nom commun pour deux espèces différentes vivant sur deux continents différents, il y a de quoi les confondre. Le pire c’est qu’elles sont toutes les deux en danger d’extinction et la cause principale de leur disparition à toutes les deux est la surexploitation du bois… Tout cela peut sembler un peu confus, démêlons ensemble les noeuds du bois de rose.

Une espèce est originaire d’Amérique du sud : Aniba rosodora, et l’autre de Madagascar : Dalbergia maritima. De prime abord, les individus de ces deux espèces peuvent se ressembler. Essayons donc, dans un premier temps, de comprendre pourquoi Dalbergia maritima et Aniba rosodora ont le même nom commun : bois de rose.

Rosewood signifie « palissandre » en anglais et l’appellation « palissandre » regroupe différentes espèces du genre Dalbergia. L’espèce Dalbergia maritima est donc une espèce de palissandre, ou rosewood en anglais. Ce terme anglais, attribué à Dalbergia maritima, a faussement été traduit par : bois de rose.

L’espèce Aniba rosodora a, quant à elle, pour nom commun bois de rose sans plus d’explication. Notez bien que dans les deux cas, on parle d’arbres qui n’ont rien à voir avec le rosier et la rose. Pardon mon cher Gilbert, mais l’important n’est pas toujours la rose !

Maintenant que la distinction est faite, on va pouvoir comprendre comment nous en sommes arrivés à ces situations dramatiques pour chacune des espèces de bois de rose.

Aniba rosodora

Bois de rose Aniba rosodora © vanessence

Commençons par l’espèce d’Amérique du Sud

La dernière évaluation du statut de conservation d’Aniba rosodora date de 1998. Clairement, ce statut devrait être réévalué et mis à jour avec sérieux ! En tout cas, depuis 1998, on considère l’espèce comme en danger d’extinction (EN).

Le début de la fin du bois de rose d’Amazonie commence surtout dans les années 1920 par une exploitation bien trop intensive de cet arbre notamment en Guyane.

En effet, le Bois de rose a la particularité de posséder, en grande quantité, dans son essence, du Linalol-D, molécule aromatique aux odeurs boisées et de lavande. Comme cette molécule aromatique entre dans la composition de la note de tête de nombreux parfums, elle est très recherchée par les parfumeurs. Comme 1+1=2, l’équation ici est vite faite : les parfumeurs pour produire et vendre davantage de parfum, ont besoin de plus de Linalol-D. Et pour s’en procurer, ils abattent les bois de rose sans réellement se soucier des conséquences. Après tout, ce qui compte c’est les sous, les sous-sous dans la poche.

L’huile essentielle de bois de rose est très utilisée en parfumerie, certes, mais pas uniquement. Son usage est effectivement très recommandé en aromathérapie scientifique notamment pour ces propriétés thérapeutiques. L’huile essentielle de bois de rose est très indiquée pour les infections urogénitales, la fatigue et la dépression, mais également comme cosmétique pour ses propriétés antirides.

Que ce soit pour faire des pipis qui ne piquent pas, sentir bon, ou paraître 36 ans lorsqu’on en a 37, Aniba rosodora semble être l’arbre qu’il vous faut!

C’est donc en toute logique que pour répondre à une demande sans cesse en croissance que les Guyanais ont commencé à commercialiser de façon massive ce précieux arbre. La surexploitation a vite provoqué la chute de la population de bois de rose et l’espèce a littéralement été propulsée au rang d’espèce en danger d’extinction.

Huile essentielle de bois de rose © Pranarom

Aujourd’hui, pour tenter de remettre sur pied cette espèce d’arbre qui s’avère être aussi un atout économique majeur pour la Guyane, les autorités locales ont totalement interdit de prélever quelconque morceau qui proviendrait d’un bois de rose sauvage (graine, feuille, fleur, branche, tronc, plantule…). Cela permet à la population sauvage d’Aniba rosodora de se remettre progressivement du massacre qu’elle a vécu.

Il faut savoir que malgré le fait que l’espèce soit classée comme étant en voie de disparition et qu’elle soit protégée par le gouvernement, l’huile essentielle de bois de rose est toujours commercialisée. Peut-être même que vous en avez à la maison ? Pas d’inquiétude, ne vous tailladez pas les veines, vous n’avez rien fait de mal en achetant ce produit. Aujourd’hui ,des pépiniéristes guyanais se chargent d’élever le bois de rose afin que le commerce ne disparaisse pas totalement et que la Guyane puisse continuer à profiter de cette ressource économique. Cette sylviculture trouve également une autre utilité, puisque certains arbres ainsi élevés sont replantés en forêt.

Vous pouvez donc, sans trop de soucis, utiliser la précieuse huile essentielle de bois de rose pour faire disparaître ces petites ridules naissantes au coins de vos yeux, dès lors où vous êtes certains que votre huile essentielle provient bien d’une pépinière et non d’une activité illégale.

Permettez-moi toutefois de vous demander ce qui est le plus essentiel : paraître plus jeune ou planter des arbres dans la forêt afin que les petits singes puissent y grimper et les oiseaux y nicher ?

Vous faites comme vous le sentez…

Dalbergia maritima

Coupe transversale du bois de rose de Madagascar Dalbergia maritima

L’histoire du bois de rose de Madagascar (Dalbergia maritima), aussi appelé « faux-rose », est un peu plus chaotique. Pour cette espèce aussi, la dernière évaluation date de janvier 1998 d’après l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature). Le statut « espèce en danger d’extinction (EN) » mériterait, une fois encore d’être mis à jour pour Dalbergia maritima.

Ce bois de rose possède un cœur rouge violacé qui le rend précieux en ébénisterie ou en marqueterie, et notamment en marqueterie chinoise. Oui, les Chinois adorent sa jolie couleur et posséder des objets en bois de rose est un véritable luxe chez eux. De fait, les Malgaches n’hésitent pas à couper, couper et encore couper du bois pour leur vendre très cher et gagner plein d’argent.

Sauf que ce que les Chinois ne savent peut-être pas, c’est que la croissance du bois de rose est un peu moins rapide que la croissance d’un bambou. Un arbre ça ne pousse pas en une nuit, et de fait, à forcer de tronçonnage, sciage et autres bruits charmants, le bois de rose est devenu rare, voire très rare, dans les forêts malgaches.

Ainsi, pour lutter contre la surexploitation et la disparition massive de cette espèce, la commercialisation du bois de rose a été totalement interdite en 2010. Cette interdiction n’a pas plu à tout le monde et surtout pas à ceux qui aiment beaucoup les sous, les sous-sous dans les poches. Ainsi des réseaux de trafiquants ont vu le jour et il existe désormais un réel trafic autour de cet or rose entre la Chine et Madagascar.

Pour continuer à vendre le bois de rose, les trafiquants n’hésitent pas à piller les stocks déjà saisis et interdits à la vente. Pas vus pas pris, ils remplacent les rondins de bois de rose des hangars de stockage par des rondins d’autres espèces. Ce qui veut dire qu’ils coupent d’autres arbres et que l’impact écologique de ce trafic est très loin d’être positif. Mais les malfrats ne s’arrêtent pas là, ils ne cessent pas de couper les bois de rose sauvages pour autant et justifient le fait qu’ils possèdent des troncs de ce bois aux autorités, lorsque cela est nécessaire, par des excuses enfantines de type : c’est pas moi, c’est le vent.

Planches de bois de rose issues du trafic © exoticwood.biz

Le bois de rose malgache malgré l’interdiction de sa commercialisation, voyage donc toujours de Madagascar à la Chine via l’océan indien. Et les riches chinois sont très contents d’avoir de jolis objets en bois de rose.

Vous me direz « mais pourquoi le gouvernement malgache ne fait-il rien pour faire cesser ce trafic ? ». Ou si vous ne me le dites pas, moi je me le suis dis et la réponse est désespérante… C’est, évidemment, parce que les politiciens malgaches tirent leurs épingles du jeu ! Ils prennent leur part de billets pas propres et laissent ce petit trafic se dérouler tranquillou-pilou. Après tout, un peu de monnaie sur le dos de la forêt tropicale quand on habite Madagascar, c’est pas du vol… Si ?

On demandera leur avis à toutes les autres espèces qui subissent les conséquences de ce trafic…

Et pour la suite…

Dalbergia maritima et Aniba rosodora ont beau avoir beaucoup de points communs : leur nom commun : bois de rose, leur milieu de vie : la forêt tropicale, leur souffrance : la surexploitation ; leur avenir ne semble cependant pas être le même.

S’il y a de l’optimisme pour Aniba rosodora avec la mise en place d’une agriculture raisonnée et d’une réelle surveillance des populations sauvages ; je crois, hélas, qu’il n’y a plus rien faire pour Dalbergia maritima. À partir du moment où le gouvernement malgache cautionne le trafic, où les Chinois continuent d’être bien heureux avec leurs tables basses en bois de rose, il n’y a pas de raison que la commercialisation illégale ne cesse, et ce, malgré les combats internationaux contre ce terrible trafic… Il n’y a plus rien à faire, hélas… à part peut-être toucher du bois.

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Océane Perrot
Le Troisième Baobab

Après 6 ans d’étude en biologie, je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas partager mes connaissances! La médiation scientifique, c’est chouette aussi!