Les thons ont l’habitude de nager en groupe. © Paulo de Oliveira/Biosphoto

[Tombées comme des mouches] Les Thons

Aujourd’hui, parlons d’un sujet qui fâche, d’une vérité que l’on ne veut pas voir, des sandwiches auxquels nous ne sommes pas prêts à renoncer. Aujourd’hui, parlons du thon. Que dis-je ? Des thons !

Océane Perrot
5 min readDec 9, 2019

--

« À la pêche aux thons, aux thons, aux thons, je ne veux plus y aller Maman, les gens de la Terre, Terre, Terre, ont pris tous les stocks, Maman. Les gens de la Terre, Terre, Terre, ont pris tous les stocks, Maman ! »

Bien sûr s’il n’y avait qu’une seule espèce de thon en danger, ce serait déjà une de trop, en revanche il serait beaucoup plus simple de mettre en place un gestion efficace du thon. Seulement, Mesdames, Messieurs de la criée, c’est non pas une, non pas deux, non pas trois… Mais six espèces de thons qui sont en danger d’extinction ! Des rouges, des blancs, des grands, des moins grands et provenant de tous les océans. Six espèces de thon se font de plus en plus discrètes dans nos eaux bleues et pour autant les sandwiches, salades, sushis et mets variés à base de thon, eux ne désemplissent ni les étales ni les frigidaires. Sacré paradoxe !

Allez, de but en blanc, je vous donne le nom commun suivi du nom scientifique des thons auxquels cet article s’intéresse : le thon jaune ou thon albacore (Thunnus albacares), le thon blanc (Thunnus alalunga), le thon rouge du Sud (Thunnus maccovii), le thon obèse (Thunnus obesus), le thon rouge du Pacifique (Thunnus orientalis) et le thon rouge de l’Atlantique (Thunnus thynnus). À quoi cela sert de connaître ces noms barbares ? Tout simplement à bien comprendre que tous les thons ne sont pas les mêmes et que les différentes espèces ne peuvent pas se reproduire entre elles. Par exemple, le thon albacore ne peut se reproduire avec le thon blanc. Dès lors où il ne restera qu’un thon albacore, l’espèce ne pourra plus se reproduire et donc s’éteindra.

Surconsommation de thons sur un marché © Tomas Del Amo via shutterstock

Pourquoi les thons de nos océans se portent-ils si mal ? La cause principale est la surpêche. Le terme surpêche signifie que les entreprises qui la pratiquent, pêchent les poissons sans faire attention aux stocks. Elles pêchent donc au filet et massivement les individus d’une zone géographique donnée, qu’ils soient matures, juvéniles, inaptes à la consommation ou interdit de pêcher, qu’importe ! Les filets ne trient pas. Et vive le gaspillage, car ce qui n’est pas bon est rejeté à l’eau mort ou vif. La surpêche a pour conséquence une diminution de la taille des individus matures, une perte de la reproduction et donc une diminution effective du stock de poissons. Pour autant, malgré les conséquences de la surpêche, les entreprises la pratiquant ne remettent rien en question et les stocks continuent de descendre en flèche.

Capture de thons au filet © Emilio Morenatti via RadioCanada

Parmi les méthodes préférées des surpêcheurs industriels figurent les dispositifs de concentration de poissons. Cette méthode consiste à recréer un écosystème au niveau d’un point d’ancrage précis dans l’océan. Au début, des algues viennent s’y fixer, puis des petits poissons et ainsi de suite jusqu’aux gros poissons, comme les thons. Ainsi appâtés, ils sont regroupés en colonies autour du point d’ancrage. C’est à ce moment que le gros navire s’approche avec ses gros filets et ramasse tout ce qui bouge. Les thons, les tortues, les dauphins, les espadons, les requins et autres animaux aquatiques non ciblés par cette pêche sont remontés à bord. Généralement, les animaux meurent étouffés dans le navire ou dans le filet. Les thons sont conservés à bord, les cadavres des autres animaux sont rejetés à l’eau, on ne s’encombre pas avec le cadavre d’un dauphin ! L’humain resté sur la terre ferme lui, quelques jours plus tard, achètera sa boîte de conserve et sera bien content de manger du bon poisson, parce que le poisson c’est bon et sain pour la santé.

Un bateau de pêche s’éloignant du rivage pour emplir ses filets de thons © iStock

La surpêche n’est pas la seule cause de l’effondrement des populations de thons. Le bouleversement climatique, le réchauffement des eaux, les changements de courant, la prolifération d’algues sont aussi -mais en moindre partie- responsables de la diminution ces populations.

Doit-on encore parler de la pollution ? La réponse est oui, car la pollution des océans est l’une des causes de l’effondrement des espèces de thons. Ceux-ci n’ayant pas de prédateur, ils sont donc situés au dernier échelon du réseau trophique (chaîne alimentaire) et accumulent dans leur graisse les métaux lourds préalablement accumulés par tous les maillons précédents de la chaîne trophique. Ce principe s’appelle la bioaccumulation et montre que plus un animal est à un rang trophique élevé (haut dans la chaîne alimentaire), plus le pourcentage d’éléments polluants dans son organisme est élevé.

Cet article n’a bien évidemment pas pour objectif de vous faire cesser de consommer du thon. Vous êtes libres de faire ce que vous voulez. L’objectif est plutôt de vous faire réfléchir à votre façon de consommer et de vous aider à consommer avec clairvoyance. Cessons de n’être que de simples consommateurs, devenons consom’acteurs. Dans cette visée, Greenpeace a publié en 2017 un classement qui évalue l’aspect « durable » des marques de conserves de thons. Il vous aidera sûrement dans vos choix de consommation, vous pouvez le consulter ici.

Sushi traditionnel au thon

Effectivement, les pêcheries durables existent et utilisent notamment la méthode de la pêche à la ligne. Ce qui évite d’avoir dans le bateau pêcheur une surabondance de poissons, ou des individus juvéniles inaptes à la reproduction et donc à la consommation, ou encore de tuer des individus d’espèces non ciblées par la pêche.

Tout n’est donc pas perdu pour les thons à une seule condition, celle que l’on respecte leur place dans les écosystèmes et que l’on cesse d’abuser de leur bonne chair pour notre propre plaisir. Ne pensez plus « Ça va, il en reste encore dans les océans, je peux me permettre », ce n’est pas vrai. On peut consommer durable, mais désormais on ne peut plus se permettre de ne pas consommer le thon de façon responsable.

Cet article vous a plu ? Partagez-le !

Pour être averti des nouveaux articles, suivez Le Troisième Baobab sur Facebook et abonnez-vous à la newsletter !

--

--

Océane Perrot

Après 6 ans d’étude en biologie, je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas partager mes connaissances! La médiation scientifique, c’est chouette aussi!