Le vertige des choses #4

Romance à distance.

Alexandre Gorius
Le vertige des choses
3 min readNov 14, 2017

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T’es là ? T’es toujours là. Dans la fraîcheur d’une nuit de novembre, à la lumière d’un lampadaire au rez d’un passage piéton, deux potelets de trottoir se préparent à la conquête des distances qui les séparent.

Allez, réveille toi. À la minute où l’on eut planté l’un à côté de l’autre, un amour impossible est venu frapper nos deux tourtereaux. Ils faisaient la paire, tous deux couronnés d’un bandeau blanc, on n’aurait trouvé meilleur duo pour régner par-delà le caniveau.

J’ai pas dormi de la nuit. Tendus comme des fusibles; elle n’osait pas, il insista. Et puis c’est elle qui s’est lancée faire le premier pas. Horreur suivie d’un cri inaudible, elle qui s’est toujours dressée contre l’impossible s’est vue contrainte de rester planter là.

A Edith Piaf, qui dans un concert chantait La Foule à travers mes écouteurs.

J’pensais à toi. Malgré les malheurs et les pleurs des souffrances et défiances que chaque jour à distance leur prodiguerait, ils décidèrent que sur Terre les déboires de telles histoires ne valent rien de si bien que leur folle aventure qui perdure. Elle ne supportait les mains baladeuses et vicieuses des piétonnes et garçonnes qui s’agrippent et l’extirpent de ses souvenirs. Il rageait contre ces chiens et vilains tous velus et trapus qui se frottent et pelotent ses formes de mannequin.

Et j’me disais. Cette distance balance le cœur de nos âmes-sœur, qui chavirent lorsqu’ils découvrirent l’ambiguïté cachée de l’espace; plus elle s’éloigne et plus dans sa tête il prend d’place. Ils prennent notion qu’un interstice est un interval, que sans lui un son ne pourrait devenir mélodie. Que sur une partition la distance entre chaque note n’a rien d’un rien mais du lien qui ensemble les maintient. Que ce qu’ils prenaient pour une séparation est en fait une relation. Que sans espace ni distance il n’y a ni lien, ni relation ni place, ni mélodie, ni d’histoires qui comme la leur se révèle et relève d’une symphonie. Et puis.

T’es belle comme un accident d’bagnole. Et puis dans un bruit sourd suivi d’un silence strident, un chauffeur aux yeux injectés de sang s’est grillé en traversant à la bourre la ligne d’un feu rouge déprimé. Le béton arraché, le trottoir décollé, un accident s’en est chargé ça y’est, l’espace s’est plié. Dans un éclat, il a basculé et sur elle s’est échoué. Par le plus grand des bizarres, ce qu’ils ressentirent alors n’a pourtant rien d’un hasard. Ils étaient proches à bonne distance et viennent de percuter la gêne de leur soudaine proximité, comme s’ils étaient soudainement étrangers. Pourtant ils s’efforceront d’en profiter, avant qu’à nouveau, demain ne les sépare.

Lorsque change la distance c’est la mélodie qui se modifie, si le lien se distend avec la relation qu’en est-il de la symphonie ? Peu importe tant que le temps les rendront virtuoses.

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Alexandre Gorius
Le vertige des choses

Founder of Nationall & TEDxDauphine. I'm writing to propose a different understanding of our selves and environment for anybody to feel better and optimistic.