Tu Avais Raison

Rabih Borgi
Lebanon in Frenglish
2 min readJan 24, 2024
Photo by ali hamada on Unsplash

Nous nous sommes quittés sur un malentendu. Je croyais en un avenir radieux, tu pensais que la fin était proche. Je voulais partir à l’aventure, tu me voulais à tes cotés un peu plus longtemps. Je ne comprenais pas tes réticences. Aujourd’hui, je les excuse, et quelque part, à contre-cœur et à mon corps défendant, je crois bien que je les partage.

Tu m’avais dit bien des fois que c’était sans espoir, j’entendais que tout ira pour le mieux. Tu me suppliais de rester sur mes gardes quand tout allait bien, quand tout baignait. Quand les jours étaient encore ensoleillés, les nuits douces. Quand nous étions heureux. Surtout quand nous étions heureux. Et je ne croyais qu’au soleil, j’étais sourd à tes prophéties. Je me croyais immunisé à la menace qui planait mais que je m’entêtais à ne pas voir.

Cette menace perpétuelle que tu t’évertuais à me rappeler, et que je m’évertuais à évacuer, ces mots qui sont maintenant réalité me hantent encore. Tu avais raison. Tu te savais mourant, je te pensais souffrant. Je te consolais à grand renfort de doliprane quand il t‘aurait fallu une transfusion, une greffe. Tu n’auras même pas eu d’extrême onction.

Tu regardais le soleil se coucher sur la méditerranée en te demandant si c’était le dernier que tu verras, quand je me demandais si le prochain sera encore plus spectaculaire. Tu les aimais tellement. Tu me disais que nous les regretterons, je pensais qu’ils seront éternels, que nous avions vu pire et survécu quand-même. Tu te taisais alors. Longtemps. Puis tu me disais que les jours nous sont comptés, que le temps ne passe de marché qu’avec les dupes.

Je suis parti à l’aventure, tu es resté assis sur le sable, à regarder le soleil se coucher. Le soleil se coucha une dernière fois sur tes plages de galets et de sable fin un mardi d’août il y’a quatre ans, vers 18 heures. Tu n’étais déjà plus là quand il se leva à l’est le lendemain. La violence t’avait donné raison. L’obscurité d’une nuit sans fin avait réalisé ta prophétie.

Nous nous sommes quittés sur un malentendu. Je croyais revenir, tu me croyais parti pour toujours. Tu avais raison, comme toujours. Je ne suis pas revenu.

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Rabih Borgi
Lebanon in Frenglish

I’m Rabih, Lebanese, French, writing in Frenglish and hoping to make a difference.