Données personnelles des salariés : commerce interdit ?

Alexandre Frech
LegalRH
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2 min readSep 6, 2018

À l’heure où Facebook a amassé des milliards de dollars sur la promesse de disposer des données personnelles de ses utilisateurs et alors que Google a multiplié par 5 sa valorisation boursière en annonçant utiliser ces mêmes données, c’est un fait : on s’arrache ces datas, notamment pour cibler les publicités. Pour autant, on ne peut pas tout faire avec ces données, surtout si elles appartiennent aux salariés !

Première partie : un principe moral

Selon la CNIL, chaque personne dispose en moyenne de 400 fichiers répertoriant son activité sur les réseaux sociaux (commentaires, messages privés, likes, etc.) et cela va en augmentant de manière exponentielle puisque tout ce qui nous entoure a désormais vocation à laisser son empreinte numérique. En effet, selon IBM, 90% des données hébergées par les disques durs et serveurs ont été collectées ces deux dernières années. Pour Facebook, un compte vaut en moyenne 5 dollars. Mais selon le Boston Consulting Group, la vie personnelle d’un Européen vaudrait environ 600 euros sur Internet.. Ainsi, des entreprises se sont spécialisées dans la valorisation des données, proposant d’acheter vos photos de vacances ou les derniers achats en ligne pour les revendre à des entreprises spécialisées dans l’analyse.

Et si les appareils qui nous entourent collectent des données qui affluent et sont parfois revendues en masse, pourquoi pas votre entreprise ? Ainsi, pour une entreprise comme Total, revendre des données sur ses 96 000 salariés pourrait rapporter entre 480 000 euros et 57 millions d’euros (selon l’estimation). Autant dire que cela n’est pas négligeable, mais encore faut-il que la société soit autorisée à en disposer.

En 2016, la CNIL annonce avoir reçu 7703 plaintes dont 14% étaient liées au travail, à cause de caméras dans les WC ou les lieux de pause, de surveillance des smartphones ou des badges de l’entreprise, de défaut d’information des salariés, de difficultés d’accès au dossier personnel… ; et plus de 50% étaient dues à de mauvaises pratiques des employeurs. Aujourd’hui, elle fait appliquer la loi qui oblige les entreprises disposant de données sur leurs salariés à les sécuriser et à ne jamais les divulguer.

Il semble donc impossible de penser monétiser de telles données. Pour autant, qu’en est-il d’une ouverture de ces données dans un objectif louable ? Imaginez un peu : l’entreprise en liquidation pourrait revendre des données personnelles pour payer ses salariés, ses fournisseurs, dans une sorte de « valorisation d’actifs ». C’est une idée que l’Europe a choisi de rendre impossible (et heureusement !) : les données personnelles des salariés ne doivent jamais être vendues.

C’est un principe moral : on ne fait pas commerce des relations de loyauté présidant aux relations de travail. Il s’agit ici de voir le salarié comme un partenaire de l’entreprise à protéger et pas un moyen de production interchangeable.

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Alexandre Frech
LegalRH
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Avocat en droit du travail à la Cour d’appel de Paris