Nous avons réussi : Génération Identitaire ne pourra plus utiliser Stripe

Il nous aura fallu deux mois. Mais le résultat est là. Au moment où j’écris, la milice anti-réfugiés ne peut plus recevoir de dons. Nous avons gagné !

Elliot Lepers
~ le mouvement
4 min readJul 21, 2018

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Tout a commencé le 23 avril. Nous étions à Cluj, en Roumanie, pour un séminaire de travail avec des organisations similaires au ~ ,mouvement, venues du monde entier. J’avais dû me lever à 3h du matin pour attraper le seul vol direct depuis Paris. Quand nous lisons les actualités et découvrons l’ampleur de l’opération de communication géante de Génération Identitaire, qui bloque le col de l’Échelle dans les Hautes-Alpes pour empêcher physiquement les demandeurs d’asile de passer la frontière, nous peinons à y croire. Ces hommes et ces femmes se mobilisent pour débouter dans la neige des personnes dans la plus élémentaire détresse.

Ils n’en sont pas à leur coup d’essai. Depuis 2013, ils ont déjà occupé le toît d’une mosquée pour brandir un message anti-musulmans, ont déjà affrété un bateau pour repousser les embarcations de migrants en Méditerranée, et ont déjà muré l’entrée d’un centre d’accueil pour réfugiés.

En quelques heures, nous lançons une première pétition pour demander à Édouard Philippe de dissoudre l’association d’extrême-droite. À ce moment-là, nous savons que cela a peu de chances d’aboutir. Mais c’est notre seule idée.

On se souvient alors que Paypal, le Crédit Mutuel et Leetchi avaient banni Génération Identitaire. Je visite le site de Génération Identitaire pour trouver le nom de leur nouveau prestataire. Aucune trace. Je suis donc contraint de leur faire un don de 5€, et je finis par trouver la réponse dans l’e-mail de confirmation : Stripe, un concurrent de Paypal.

Pendant 2 mois, nous allons tout essayer. J’écris au directeur de la filiale française, Guillaume Princen, pour le prévenir que nous commençons une mobilisation, et pour lui donner mes coordonnées personnelles afin qu’il puisse me contacter facilement. Je n’aurai jamais de réponse. En quelques jours, nous avons d’abord envoyé tous ensemble plusieurs milliers d’e-mails au support de Stripe aux États-Unis, puis à Guillaume Princen. Nous envoyons également des dizaines de tweets aux deux frères Collison, les fondateurs de Stripe. En parallèle, nous débutons un travail minutieux d’influence, en convainquant une à une des connaissances de Guillaume Princen de lui écrire pour lui demander de réagir à notre campagne. Il ne répondra à personne.

Après 6 semaines, nous sommes un peu désemparés. Nous pensions que cela ne prendrait que quelques jours. Cette même décision avait déjà été prise par tous les concurrents de Stripe, et les frères Collison sont de fervents activistes pro-immigration.

Nous changeons alors de stratégie, pour mobiliser les personnes qui ont le plus d’importance aux yeux de Stripe : leurs clients. On rédige un texte en anglais, un cri du cœur, où se mêlent notre admiration pour ce qu’ont construit ces deux frères immigrés irlandais, et notre inquiétude face à leur inaction pour empêcher une milice xénophobe d’utiliser leur technologie. En quelques jours, nous arrivons à rassembler de très belles signatures, symboles du mouvement français de la technologie au service du bien commun, et notamment les fondateurs d’Ulule et de KissKissBank, Alice Barbe de Singa, MakeSense, Bayes Impact, mais aussi toutes nos organisations sœurs en Suède, en Autriche, en Suisse, en Hongrie, en Roumanie et bien sûr, en Irlande.

Jeudi 19 juillet, le texte est publié dans L’Opinion. Le lendemain matin, j’appelle l’Agence France Presse pour leur expliquer notre démarche. Le journaliste me rappelle dans l’après-midi pour me faire confirmer des éléments en vue de la publication d’une dépêche. Il est 16h. À 18h30, je n’ai pas de nouvelles. Je rappelle alors le journaliste pour savoir si la dépêche va sortir. Il me dit : « Vous devez être au courant j’imagine ? C’est bon, ils ont dit qu’ils fermaient le compte ». Silence. Je lui dis que je n’étais pas au courant. Autour, mes collègues commencent à comprendre. J’entends Tancrède, Stéphanie et Lucas s’agiter et commencer à célébrer sans bruit, pendant que je fais répéter au journaliste pour être certain de ne pas avoir mal interprété. Il comprend notre excitation et rit avec nous. Tout vient de basculer, nous venons de gagner !

Depuis deux mois, nos membres nous ont donné la force de nous battre et de chercher à chaque fois de nouvelles tactiques créatives pour défendre le bien commun, pour mettre un coup d’arrêt à celles et ceux qui n’ont pour eux que la haine des personnes migrantes. Ensemble, nous avons gagné un peu de répit pour que prévale la fraternité. Merci, sincèrement. Ça valait le coup !

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