Diversité cognitive : l’intelligence inclusive pour s’enrichir de nos différences !

Antoine Mihami
#LePlateau
Published in
5 min readNov 22, 2019

S’il existe des différences qui sautent aux yeux, comme la couleur de la peau, le genre, l’âge, ou encore l’origine sociale, certaines caractéristiques ne se dévoilent pas au premier regard. C’est la partie immergée de l’iceberg, celle qu’on ignore trop souvent, notamment en entreprise. Et pourtant. Parmi ces différences, la diversité cognitive pourrait s’imposer comme un levier de transformation profonde.

Pour Mai Lam Nguyen-Conan, auteur, conférencière, coach et CEO de Muutivate, la diversité cognitive s’encapsule dans une unique question : face à un problème, comment le résolvez-vous ? Quel est le type de pensée sur lequel vous vous reposez par défaut ? Avez-vous tendance à amasser des informations ? À découper le problème en différentes parties ? Ou à vous interroger sur les personnes pour qui ce problème est un problème ? Chacun sa méthode, et c’est tant mieux, car cette diversité cognitive est une véritable richesse pour les organisations. Encore faut-il la reconnaître, et lui laisser la place d’exister…

Connais-toi toi-même

« Et c’est encore trop peu souvent le cas », affirme Mai Lam, pour qui la non-reconnaissance de diversité cognitive est la cause de tous les dysfonctionnements en entreprise. « J’ai passé ma vie à réfléchir, sur moi, mes différences », explique-t-elle.

Née au Laos de parents vietnamiens, elle grandit en France, où elle étudie le marketing et la philo, avant de partir travailler au quatre coins du globe, de Jérusalem au Cameroun. « Mon parcours très diversifié a fait que j’ai participé à de nombreuses discussions durant lesquelles j’essayais d’expliquer mes différences. » Car bien se connaître est important. Pourtant, très peu de personnes sont capables d’analyser et décortiquer la manière dont elles résolvent les problèmes. « Quand je pose la question, 99% des gens vont me dire qu’ils ne savent pas, qu’ils n’y ont jamais réfléchi », s’amuse Mai Lam. « C’est fou quand même ! Alors qu’on passe la journée à essayer de résoudre des problèmes ! »

Si bien se connaître est prépondérant, ce ne sont pas tant les différences qui sont pertinentes, mais la manière dont elles peuvent permettent d’articuler le « je » au « nous ». En entreprise par exemple, où se côtoient parfois jusqu’à 5 générations qui n’ont pas appris de la même façon, les modes de penser, et donc les manières de résoudre les problèmes, seront souvent radicalement différentes. « Et c’est vital », assure l’entrepreneuse, aussi bien en entreprise que dans les organisations en tous genres, où la diversité cognitive peut s’imposer comme levier de transformation. Pourquoi faut-il laisser de la place à la diversité cognitive ? Car pour résoudre des problèmes de taille, mouvants et multidimensionnels, dans notre monde dit VUCA (acronyme formé des quatre initiales des mots anglais « Volatility », « Uncertainty », « Complexity » et « Ambiguity »), un seul mode de pensée est bien loin de faire l’affaire !

1 +1 = 3

Pour Mai Lam, ce qui endigue le potentiel de la diversité cognitive, c’est l’aspect de plus en plus identitaire et communautaire de nos sociétés. « Le danger, c’est que l’entreprise est une machine à homogénéiser », explique l’entrepreneuse. Car en entreprise comme ailleurs, les individus sont soumis à deux biais extrêmement nocifs : le biais de similarité, qui consiste à s’entourer de personnes qui nous ressemble, pensent comme nous, ce qui promeut la régénération d’une mode de pensée unique, et celui de l’hétérogénéité endogroupe, par lequel un individu aura toujours tendance à surestimer son ouverture d’esprit et les différences des personnes qui l’entourent. « Ces deux phénomènes, très répandus, génèrent donc du statu quo », déplore Mai Lam. En entreprise, les managers vont avoir tendance à recruter des collaborateurs qui partagent leur mode de pensée, ce qui appauvrira les réponses qu’une équipe sera susceptible de proposer face à un défi quelconque.

Ce qu’il faut, c’est au contraire essayer de s’extraire de ces comportements, de s’affranchir de ces réflexes communautaires pour devenir plus intelligent, grâce aux autres et à leurs différences. Il faut défier les lois de l’arithmétique pour transformer le 1+1 = 2 en 1+1 = 3.

Pour cela, l’entrepreneuse recommande deux choses : faire fi des diplômes et de ce qu’elle regarde comme des différences aujourd’hui secondaires, comme le secteur d’activité — les frontières sont chamboulés par le digital — pour se concentrer uniquement sur la façon unique dont une personne a à résoudre un problème, en exploitant toute son histoire, son vécu, son parcours, ses origines. « Et vous verrez, qu’à la fin de journée, un recrutement basé sur ce critère-là uniquement ramènera mécaniquement autour de la table des profils variés, aussi bien en termes de CSP, que de culture ou de croyances. »

Comme le disait le poète et philosophe français Paul Valéry, s’enrichir de nos différences donc, plutôt que de les craindre.

L’intégralité de la rencontre avec Mai Lam Nguyen-Conan est à (re)voir sur Youtube :

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