Embaucher des autistes : « cela ne doit pas être pour la bonne cause ! »

THOMAS VIRZI
#LePlateau
Published in
4 min readJun 28, 2019
Valentin Pringuay & Yenny Gorce

Imaginez que vous entendiez parler de salariés modèles : qui ne sont jamais en retard, qui sont précis, qui sont méticuleux, qui ne font jamais grève et ne demandent jamais d’augmentation. Si vous êtes à la recherche de nouvelles recrues, voilà une présentation qui vous interpellera immédiatement.
Et pourtant, ces « salariés modèles » sont atteint de troubles autistiques et ils ne sont qu’entre 2 et 5% à avoir accès à l’emploi.

Il faut dire que, souvent, ces adultes autistes ne savent pas lire, écrire ou communiquer verbalement. Ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas des compétences qui peuvent intéresser le monde de l’entreprise.

C’est le constat qu’a pu réaliser Jean-François Dufresne, directeur général du groupe Andros (qui possède notamment les marques Bonne Maman, Mamie Nova ou la biscuiterie Saint-Michel).
Jean-François est directement touché par cette problématique puisque son fils Luc est autiste.
Il va donc créer l’association Vivre et Travailler Autrement pour accompagner les adultes autistes dans leur accès à l’emploi.

Cela donnera naissance à la Maison du Parc, un projet en deux volets : d’un côté la partie travail puisque les adultes autistes sont employés à mi-temps dans l’une des usines du groupe Andros sur des postes adaptés. Mais aussi la partie habitat puisque la raison même pour laquelle ces adultes autistes ont des difficultés pour trouver un emploi et le garder, c’est qu’ils ont besoin d’un accompagnement spécifique tout au long de la journée.

Yenny Gorce

Yenny Gorce, directrice de Vivre et Travailler Autrement et Autismcanwork, rappelle pourtant que pour réaliser la mission de l’association, il fallait immédiatement se détacher d’Andros.
« On ne voulait pas laisser penser que cela a été possible uniquement parce que le dirigeant était sensible au sujet de l’autisme, explique-t-elle. On voulait tout de suite pouvoir accompagner d’autres entreprises à faire ce que l’on avait pu faire chez Andros… et montrer que l’on n’a pas besoin d’être concerné ou touché par l’autisme pour voir qu’ils ont de vraies compétences qui vont pouvoir intéresser tous types d’entreprises et tous types d’activités ».

Cela reste pourtant un challenge de convaincre les entreprises d’embaucher cette population dont le handicap est certainement le plus stigmatisant.
« Il s’agit probablement du handicap qui fait le plus peur, lance Yenny. Mais il ne faut surtout pas les embaucher pour la bonne cause ».
Ce n’est donc certainement pas la charité que va chercher Vivre et Travailler Autrement… pour la simple et bonne raison que cela ne fonctionnerait pas. Il faut réussir à montrer quels sont les avantages pour l’entreprise.
Nous arrivons donc au moment polémique de nos échanges avec Yenny qui nous explique que les entreprises apprécient cette force de travail silencieuse et obéissante. N’y a-t-il pas un risque que ces adultes autistes soient exploités ?
« On ne veut pas les exploiter… on veut exploiter leurs compétences… montrer qu’ils en ont. »
Elle se reprend pour concéder :
« Il y a effectivement ce risque qu’ils soient exploités par une entreprise. Mais si on est exploité, c’est déjà que l’on est considéré ! »
Un discours qui n’est pas du goût de tout le monde mais qui a le mérite d’oser prendre le sujet sans pincette : vaut-il mieux marginaliser les adultes autistes, les mettre à l’écart de notre société… ou vaut-il mieux leur donner un travail, les inclure à notre société au risque de les voir exploités par nos entreprises ?
« Et au final, est-ce que l’on n’est pas un peu tous exploités par les entreprises qui nous emploient ? », lance-t-elle avec un léger sourire.

L’intégralité de la rencontre avec Yenny Gorce est à (re)voir sur Youtube :

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