Les Déterminés : les impacts inattendus d’une formation à l’entrepreneuriat

Vanessa Honvo
#LePlateau
Published in
5 min readFeb 22, 2019
De gauche à droite : Karim Fadloun, Cécile Jouenne-Lanne et Moussa Camara. Crédit : Albane de Marnhac

Le 12 Février dernier sur Le Plateau avait lieu la deuxième rencontre du cycle Mandala, un cycle de conférences et un média dédiés à l’inclusion qui nous emmènent à la rencontre de celles et ceux qui entreprennent pour plus de diversité.
Après avoir croisé la route de Joanna Kirk (StartHer) et Elsa Hermal (Epicery) pour parler d’entrepreneuriat au féminin, nous avions le plaisir de recevoir Moussa Camara (Les Déterminés), accompagné d’un entrepreneur issu de la deuxième promotion de son programme d’accompagnement : Karim Fadloun (A2JOB). Cette rencontre était aussi l’occasion de les faire échanger avec Cécile Jouenne-Lanne (Directrice de la Fondation Société Générale).

Lorsque nous parlons d’une formation à l’entrepreneuriat, nous avons tendance à penser aux entreprises que cela va créer, aux emplois… mais si nous décidons d’oublier tout cela pendant un instant, quels sont les impacts inattendus d’une formation comme celle des Déterminés ?

C’est quoi Les Déterminés ?

Mais avant de parler d’inattendu, parlons de ce qui est « attendu ». Les Déterminés est une association à but non-lucratif dont la mission affichée est de favoriser le développement de l’entrepreneuriat en banlieue et dans les milieux ruraux.
Des mots de son président, Moussa Camara, Les Déterminés « c’est le coup de pouce qui va permettre de faciliter et mettre dans les meilleures conditions les entrepreneurs qui veulent se lancer ».
Il nous confiera d’ailleurs avoir choisi cette voie de l’entrepreneuriat parce qu’il croit que c’est par la réussite économique que les habitants de ces quartiers populaires et territoires ruraux vont pouvoir atteindre une réussite sociale. « Je suis profondément convaincu que si on arrive à accompagner des gens qui ont des projets, qui ont la capacité d’être entrepreneur, derrière cela peut créer une dynamique. Ils vont créer leur propre emploi, mais ils vont aussi recruter des personnes à qui personne n’aurait fait confiance ».

Crédit : Albane de Marnhac

Karim Fadloun, bientôt 32 ans, en fait l’expérience lors de la deuxième promotion des Déterminés. Comme pour Moussa Camara, son projet et sa mission lui sont chevillés au corps. Avec A2JOB, il met en relation des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux avec des professionnels de santé et des travailleurs sociaux pour des missions de courtes ou de longues durées. Il s’agit d’une plateforme de recrutement de personnels soignants et socio-éducatifs qui s’est imposée à lui alors qu’il était travailleur social et qu’il avait pu expérimenter les problématiques de recrutement de ce secteur.
Ce qui a fait la différence dans le profil de Karim d’après Moussa Camara, c’est sa détermination… la qualité maîtresse qu’il recherche chez les entrepreneurs de ses promotions.

Crédit : Albane de Marnhac

Le retour à l’emploi

« Il ne faut pas se leurrer non plus, lance Cécile Jouenne Lanne de la Fondation Société Générale. On n’est pas tous fait pour être entrepreneurs. »
Moussa acquiesce : « On leur dit tout de suite, dès le premier jour de la promotion : on sait que vous n’allez pas tous devenir entrepreneur. Mais le plus important, c’est d’aller au bout de leur projet. Parce qu’en allant
au bout de leur projet, ils se rendent compte s’il faut aller plus loin et le développer ou si l’entrepreneuriat n’est finalement pas fait pour eux et ils retournent alors vers le salariat avec un autre état d’esprit
».

Car s’ils ont expérimenté la solitude de l’entrepreneur, ils ont aussi été amenés à faire face aux problèmes, à se surpasser, à inventer de nouvelles solutions… ils ont accumulé des expériences qui vont s’avérer intéressantes lors de leur retour vers le salariat.
« C’est très important parce qu’aujourd’hui, les entrepreneurs recherchent des profils atypiques, appuie Moussa. Les retours à l’emploi sont très positifs parce que cela leur a permis de mieux appréhender le monde de l’entreprise. »
Il s’agit du premier enseignement inattendu : et si se former à l’entrepreneuriat était une voie pour devenir un meilleur salarié ?

Crédit : Albane de Marnhac

Le contact avec l’univers économique

La cible des Déterminés, ce sont les habitants des banlieues et des milieux ruraux. Cela pourrait ainsi sembler être une évidence de réaliser ces formations au plus près de ces populations. Et pourtant : « on ne forme jamais dans les quartiers, explique Moussa Camara comme s’il s’agissait d’une évidence. Ce n’est pas possible. On le fait toujours dans l’environnement économique : dans une entreprise ou un club d’affaires par exemple… là où ils vont croiser des gens qui auront les codes professionnels. »
Il soulignera aussi l’importance de mélanger les populations et de faire se croiser des entrepreneurs et des salariés pour acculturer des personnes qui sont parfois très éloignées de l’emploi.
C’est la raison pour laquelle de nombreuses rencontres sont organisées par les Déterminés.
Karim Fadloun les décrit comme « hyper inspirantes. Vous pouvez aussi bien avoir Ludovic Le Moan (CEO Sigfox) que Dawala qui est un entrepreneur (créateur du label Wati-B qui produit notamment le groupe Sexion d’Assaut) à qui on peut plus facilement s’identifier en tant qu’habitant de quartier populaire. »
Les Déterminés apporte ainsi un réseau qu’il sera précieux que les personnes restent entrepreneurs ou non.

La confiance

Mais au final, et si en les formant à l’entrepreneuriat, l’association les aidait à redevenir acteur de leur parcours ? Et donc, que cela se termine dans l’entrepreneuriat ou non, que cela les aide à reprendre confiance en eux ?
« C’est de la remobilisation, s’exclame Moussa. On remobilise des publics pour qu’ils puissent se projeter dans un parcours et un projet professionnel. »
C’est ce qui séduit Cécile de la Fondation qui résume le propos de Karim et Moussa : « Je vous ai tous les deux entendu parler de confiance. Quelqu’un qui entre dans l’aventure des Déterminés, elle ne va pas forcément devenir entrepreneur. Elle ne va pas forcément devenir la future licorne…
mais ce n’est pas ce que vous leur vendez. Par contre, je suis convaincue que la personne a une chose qu’elle n’avait peut-être pas avant : c’est la confiance en elle… et ça c’est hyper important. Quand on a confiance, on a une meilleure image de soi-même, on est plus fort de plein de choses,
plus riche de plein de choses… c’est une vertu énorme des Déterminés. Et bravo pour le nom des Déterminés… parce que effectivement, quand on est déterminés, rien ne nous est interdit !
»

Crédit : Albane de Marnhac

L’intégralité de la rencontre est à (re)voir sur Youtube

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