Lutter contre la précarité numérique avec Emmaüs Connect
En 2019, 40% des Français se disent “en difficulté” avec le numérique, et 7% en sont complètement exclus. Convaincue que l’accès à l’informatique et notamment au mobile est devenu indispensable à l’insertion sociale et professionnelle, l’association Emmaüs Connect agit pour que les personnes en situation de précarité puissent être équipées et profiter d’accompagnement personnalisé.
Charlotte Bougenaux, aujourd’hui directrice adjointe de l’association, a rejoint Emmaüs Connect il y a près de trois ans, d’abord comme directrice des opérations de la région Nord, en cherchant à réorienter sa carrière vers l’économie sociale et solidaire. Invitée à parler de son expérience au Plateau, elle rappelle qu’Emmaüs Connect, créée en 2013, est née d’un constat simple : si à la précarité sociale s’ajoute la précarité numérique, le rebond devient impossible : “Emmaüs Connect est un projet issu d‘un chantier d’insertion chez Emmaüs Défi, association qui accompagne des salariés en insertion et des personnes très précaires. L’objectif était de les amener vers un retour à l’emploi sur l’ensemble des dimensions sociales et professionnelles. Les accompagnants se sont rendu compte que le coût du numérique était énorme pour ces personnes, comparé à ce que vous et moi peuvent dépenser chaque mois pour un forfait. L’idée est née du constat que l’accès à l’internet et à la téléphonie est indispensable et que c’est parfois pour ces personnes-là une question de survie d’avoir un téléphone.”
Au-delà des SDF, pour qui le téléphone mobile est en effet devenu un outil vital, la précarité numérique impacte la vie quotidienne sur de nombreux plans : l’emploi (la quasi-totalité des démarches pour Pôle Emploi sont aujourd’hui dématérialisées, de même que les offres d’emploi des entreprises), l’accès aux prestations sociales ou aux services publics (eau, électricité, gaz, déclaration de revenus…) deviennent en effet impossibles. Pour toutes ces raisons, l’ONU a reconnu en 2012 l’accès à Internet comme un droit fondamental, ce qui a été consacré par une loi en France en 2016 qui crée un droit au maintien à l’accès à internet en cas d’impayé.
Au sujet de la précarité numérique, Charlotte Bougenaux identifie trois catégories de populations distinctes, pour lesquelles les réponses à apporter diffèrent :
● A l’extrême, les exclus : “Pour eux, il y a des freins impossibles à lever. Ils ne seront jamais en capacité d’utiliser seuls le numérique et auront besoin d’assistance pour faire leurs démarches. Cela peut être pour cause de handicap, de frein psychologique ou financier.”
● A l’autre extrême, les “proches du numérique” : ils ont peur de l’utiliser mais sont en capacité de le faire. “Ils ont juste besoin d’un coup de pouce, par des démarches informelles entre citoyens ou avec des proches”.
● Au milieu, les “éloignés” sont les plus nombreux : selon Charlotte Bougenaux cette catégorie concerne 13 millions de français. “Eux ont besoin de formation. Ils peuvent être équipés, mais auront par exemple du mal à faire des démarches avec Pôle Emploi ou Améli.”
Emmaüs Connect s’implique donc sur des actions de formation : “Lorsqu’une personne précaire pousse la porte d’Emmaüs Connect, on réalise un diagnostic à la fois social et numérique de leurs compétences, de leurs usages et de leurs besoins, pour leur proposer des solutions. Il y a d’abord la vente de matériels reconditionnés. On fait aussi de la médiation pour les personnes qui ont des impayés, pour faire le lien avec les opérateurs. Enfin, il y a toute la partie accompagnement aux usages : on parle de personnes qui parfois ne savent pas utiliser une souris. Pour chacune, il y a des parcours d’accompagnement.”
Pour réaliser ces parcours, Emmaüs Connect vient de finaliser une campagne qui a permis de recruter 300 nouveaux bénévoles. “Il faut les intégrer et les inviter à des réunions d’information. On va leur parler de l’ensemble des missions qu’ils peuvent réaliser chez Emmaüs Connect : accueil, accompagnement des publics, rendez-vous d’inscription, participation à la vie de l’association via des actions de communication, par exemple sur les newsletters. Les bénévoles aident aussi à la collecte de matériel. Enfin, il y a au siège des missions de recrutement et de communication.”
Depuis sa création, Emmaüs Connect a accompagné 40 000 personnes. Un questionnaire est adressé à chacune d’elle en fin de parcours pour mesurer leur degré d’autonomie, sur une base déclarative. Plus de 90% des personnes aidées ont répondu positivement ! Pour autant, ce bilan ne vaut pas satisfecit pour Charlotte Bougenaux : “On a été précurseurs sur un sujet dont l’ampleur ne cesse d’être démontrée chaque jour. En 2013, le travail des fondateurs était de convaincre qu’il y avait un enjeu sur le sujet du numérique et aujourd’hui, on a gagné ce combat. Notre projet est désormais de passer de plus en plus par la participation citoyenne pour démultiplier les actions car la e-citoyenneté va devenir de plus en plus un sujet de préoccupation. Beaucoup de nouveaux sujets vont surgir, et il va falloir s’en emparer »
L’intégralité de la rencontre avec Charlotte Bougenaux est à (re)voir sur Youtube :
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