Singa : Comment créer du lien avec les réfugiés

THOMAS VIRZI
#LePlateau
Published in
4 min readJul 12, 2019
Alice Barbe & Souad Nanaa & Valentin Pringuay

Souad Nanaa est syrienne et habite en France depuis 3 ans.
Quand on la questionne sur son parcours professionnel, elle affiche un large sourire en expliquant que la réponse pourrait être longue. Elle le résumera pourtant en quelques minutes en nous parlant de ses expériences à Dubaï et Abu Dhabi en tant que business developer pour des entreprises de la restauration collective.
En 2016, Souad se retrouve soudainement sans emploi à Dubaï à la suite d’une crise économique.
« Je me suis retrouvé sans emploi, nous explique-t-elle. Et sans pays… Parce que mon pays était en guerre. Je ne pouvais pas rentrer. »
Elle se retrouve alors avec le choix de partir en France ou aux Etats-Unis (elle possède un visa américain).
Elle choisira rapidement la France « parce que c’est le pays des Droits de l’Homme ». De plus, Souad parle déjà la langue et son fils avait été au lycée français.
« Et dans ma tête, je me disais qu’en un mois j’allais pouvoir trouver un job, nous confie-t-elle. J’avais l’expérience, les langues, tout ça… »
Elle va pourtant vite déchanter. Elle reçoit peu de réponses, toutes négatives.

Aujourd’hui Souad a lancé Sama for All avec la mission d’accompagner et de sensibiliser les personnes réfugiées aux opportunités professionnelles dans le monde de la culture. En effet, Souad a pu se rendre compte du manque de guides touristiques dans les musées en plusieurs langues. Au Louvre notamment, qui possède l’une des plus grandes collections d’art du Proche et Moyen-Orient, il n’y a jamais eu une seule visite en arabe.
« Je me suis dit : comme je n’ai pas trouvé de travail… alors je vais aider les autres à en trouver un ».

Le parcours de Souad Nanaa est un bel exemple de ce que peut réaliser Singa, une association dédiée à la meilleure inclusion des nouveaux arrivants.
Les nouveaux arrivants, ce sont ceux que l’on a l’habitude de nommer migrants ou réfugiés.
Des termes qu’Alice Barbe, CEO de Singa, utilisent avec parcimonie.
« Je ne connais pas une seule personne réfugiée qui a envie d’être considérée comme réfugiée, lâche-t-elle avec force. On essaye donc de développer un autre narratif. »
Changer le regard de la société, tout l’enjeu est là. Singa multiplie alors les initiatives et les rencontres pour permettre aux nouveaux arrivants et aux sociétés d’accueil de se rencontrer. Mais pas pour parler de migration… pour mettre en avant les communs, les similitudes plutôt que les différences : parler yoga, football, équitation et se faire des amis sans se soucier qu’ils soient réfugiés ou non : « le but est de fédérer à travers le lien social »
Alors bien sûr, ce n’est pas toujours simple et il faut savoir dépasser certaines différences culturelles. Mais c’est justement le moyen d’apprendre les spécificités des autres cultures… les rendre plus familière, moins lointaines et donc moins effrayantes.

C’est l’histoire du Tarof (NDR : ou T’aarof), anecdote qu’Alice adore partager.
Quitterie, membre de la communauté Singa, organise un jour un dîner pour cinq amis afghans.
Elle passe la journée à faire la cuisine pour ce dîner et elle fait un gâteau. « Mais genre THE cake », précise Alice pour bien signifier combien il était décadent.
Le dîner se déroule sans anicroche jusqu’au moment du dessert où elle apporte le gâteau à table et demande : « Qui en veut ? »
Les réponses sont unanimes : « non merci ça ira ».
Quitterie est frustrée d’avoir passé tant de temps à préparer cette pâtisserie dont personne ne veut et, même si elle en aurait bien pris une part, elle décide de le remettre au frigo par politesse.
Le dîner prend fin et chacun rentre chez soi.
Ce qu’elle ne sait pas, c’est que ces cinq amis afghans étaient aussi frustrés qu’elle parce qu’ils auraient adorés manger du gâteau.
En effet, elle découvrira un peu plus tard la tradition du Tarof, un terme qui signifie politesse en Persan.
« Il s’agit d’une manière d’être poli en refusant systématiquement quelque chose qu’on nous offre, explique Alice. Il faut donc insister, jusqu’à ce que les convives disent oui. Ce qu’aurait du faire Quitterie c’est « vous voulez du gâteau » ? Non. « Non mais j’insiste ». Non merci. « Allez s’il vous plaît » et ils auraient finis par accepter. »

L’intégralité de la rencontre avec Souad et Alice est à (re)voir sur Youtube :

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