Contexte glocal pour expérimenter des réalités réelles

L'Arbre qui Pousse
Les feuilles de l’Arbre
10 min readJul 29, 2020

Vous lisez Le Manifeste d’un Printemps, partie 3/8. Retrouvez-ici toutes les autres parties du Manifeste. Pour obtenir une version papier, vous pouvez aussi la commander en remplissant ce formulaire.
Bonne lecture à vous !

Le contexte qui nous a vu grandir et nous affirmer dans la démarche présentée aujourd’hui est un environnement rempli de questionnements et d’enjeux liés aux changements climatiques, aux crises économiques et sociales profondes et à la naissance d’une conscience de la finitude de nos ressources. Si chaque époque a eu son lot d’enjeux et de nouveautés, la nôtre met en évidence un dysfonctionnement majeur qui nous mène à des pertes bouleversantes : la perte de plus de 26.000 espèces d’animaux et de végétaux chaque année, la perte de nos petites exploitations agricoles et donc de la paysannerie, la perte de sens et de repères dans les milieux du travail, la perte de liens au spirituel, la perte du grand confort lié à l’abondance des ressources fossiles…

Nous avons choisi notre implantation — ou notre implantation nous a choisi — parce qu’elle transpirait l’odeur du terreau adapté et juste, parce que notre projet a l’ambition de toucher là où il faut. Une ville, un village, un entre-deux : nous sommes au coeur d’un contexte à multiples facettes, un contexte qui n’attend que de belles propositions pour faire face aux enjeux globaux qui nous touchent et nous questionnent tou•te•s.

Inclusion

Au cœur de ces grands bouleversements — qui n’en sont pas vraiment pour les moins de trente ans, puisque nous avons toujours vécu dans cette incertitude du monde de demain -, les actrice•eurs d’une nouvelle histoire se font entendre et déploient les ailes de leurs idéaux pour offrir à la société un récit plus riche et plus créatif que l’apocalypse qui est actuellement au menu. On parle de micro-fermes, de paysage de résilience, d’épiceries collaboratives, de reforestation, d’entrepreneuriat social, d’architecture bioclimatique, de décroissance, de permaculture, … de reconnexion au monde vivant. Nous pouvons nommer le mouvement de la Transition comme image de ces belles entreprises.

Nous voyons émerger des nouveaux modèles de production. En créant un environnement particulièrement riche et productif, la ferme du Bec-Hellouin est devenue une référence dans le domaine de l’écoculture. Par la générosité et le partage des informations dont elle fait preuve, cette micro-ferme inspire, forme, et offre de belles perspectives pour des jardinie•re•s-maraîcher•e•s qui démarrent leurs productions un peu partout dans le monde.

Nous voyons émerger des communautés apprenantes, en recherche de savoirs et de savoirs-faire qui ont du sens. Inspiré du Schumacher College en Angleterre, les Schumacher Sprouts proposent à leur manière des formations et des séminaires touchant à l’écologie profonde, à l’émergence de la pensée systémique, à la permaculture humaine.

Nous voyons émerger des modèles d’éducation inspirants. En remettant les principes de pédagogies actives au goût du jour, les écoles démocratiques fleurissent un peu partout. Dans notre région, l’école démocratique de l’Orneau devient elle-même un pôle de soutien et d’accompagnement dans la création d’autres structures et dans l’essaimage de leurs valeurs de transmission.

Nous observons l’essor des réflexions spirituelles et des groupes de travail au service de l’épanouissement de nos sociétés. En partageant les pratiques de pleine-conscience aux plus jeunes, en invitant des personnalités inspirantes pour partager leur vision du monde et en favorisant un cadre de bienveillance et d’épanouissement à grande échelle, des initiatives comme le réseau Émergences ou l’asbl Terre et Conscience sont des organismes pionniers et inspirants dans la matière en Belgique.

Nous voyons émerger des réseaux d’accompagnement et de soutien aux entreprises sociales. Des banques collaboratives comme NewB, des structures d’accompagnement offrant des crédits aux petites entreprises comme Crédal, le terreau se fertilise et se prépare à accueillir les germes d’un monde plus soutenable, plus heureux, plus connecté.

L’Arbre qui Pousse s’inspire et fait partie de ce paysage d’émergence de nouveaux récits. Nous souhaitons l’amplifier, le challenger et le compléter, le mettre au-devant de la scène pour stimuler son émergence au sein d’une nouvelle société.

Impact

1- Ottignies, ville en transition

Inspiré par ce contexte global, nous prenons racine dans un terreau bien local. La ville d’Ottignies, en plein coeur du Brabant-Wallon, est une ville soumise à une forte pression immobilière due à sa localisation à proximité de Bruxelles, de l’attrait relativement neuf de sa voisine Louvain-la-Neuve, et de sa connexion au réseau de mobilité publique en plein développement.

Ottignies-Louvain-La-Neuve est une commune qui a d’abord du sens pour nous parce qu’elle nous a vu grandir, étudier et qu’elle fut notre environnement familial, scolaire ou universitaire pendant de longues années. Nous y sommes attaché•e•s, non par revendication identitaire, mais plutôt parce que nous en comprenons les enjeux et les rouages, nous connaissons ses bosquets et ses étangs, ses bars, ses commerces, nous avons parcouru ses rues et joué sur ses terrains de foot, fréquenté son académie, exploré ses paysages avec ses mouvements de jeunesse…

Une commune qui représente aussi l’espoir d’une génération en Transition. Avec la venue du festival Maintenant en 2018 sur son territoire et son impact hors du commun, c’est une volonté citoyenne et politique qui se confirme : Ottignies-Louvain-La-Neuve est une commune en Transition, prête à mettre en oeuvre ses principes de mobilité douce, d’inclusion sociale, de démocratie participative, de développement régénératif.

2- Interface entre monde urbain et monde rural

Aujourd’hui, Ottignies-Louvain-La-Neuve représente pour nous une commune dont les enjeux de développement sont à la hauteur de ses qualités et de ses opportunités. Remplis d’idéaux d’habitats collectifs, de reforestation massive et de revitalisation des centre de villages, il aurait été plus simple d’ancrer notre vision dans un terroir plus reculé. Remplis d’idéaux de réappropriation de l’espace public, de cafés citoyens, de réinsertions des personnes marginalisées et de bouillonnement d’idées et de solutions pour notre monde en transition, il aurait été plus simple de mettre notre énergie dans un milieu plus urbain, Bruxelles pour ne nommer qu’elle.

Deux mondes bien différents, bien opposés à l’égard de beaucoup. La ville dans ses remparts, la campagne sans limite… (jusqu’à la prochaine agglomération.) Le monde urbain aime la campagne et s’en fait une idée bucolique, mais tout de même, n’irait pas y vivre de peur de s’embêter. Le monde rural jalouse la ville pour ses bars et ses opportunités d’emploi, mais tout de même, n’irait pas y vivre de peur de trop s’y sentir à l’étroit. Et puis il y a ce monde entre les deux, qui prend différents visages. Tantôt Banlieue-dortoir, zone résidentielle explicite, environnement délaissé par les urbanistes parce que trop loin de la ville et délaissé par les agriculteurs parce que soumise à une trop grande pression foncière. Une zone grise, reléguée entre les mains de quelques développeurs immobiliers sans scrupules.

Et pourtant, à la lisière de la ville et à l’orée de la campagne, il y a un monde plein de promesses capable de concilier les deux dans une grande harmonie. À nos yeux, c’est ici que se jouent les enjeux majeurs de notre transition écologique et sociale, ici que les solutions ont le plus de chance d’éclore, ici que les grands fossés entre la folie “bétonnante” du monde urbain et l’isolement du monde rural se réduisent… Car c’est à l’interface de deux écosystèmes que la richesse de la biodiversité s’exprime.

Par sa densité de population moyenne, la commune permet une rencontre évidente entre pouvoirs publics, citoyens et secteurs privés. Elle ne souffre pas de la sur-ingénieurisation technocratique de l’aménagement urbain, ni du manque de vision commune des regroupements ruraux. C’est dans cet équilibre entre les dynamiques “bottom-up” et “top-down” que nous voyons le potentiel de notre commune.

Ottignies-Louvain-La-Neuve a, à nos yeux, le potentiel d’un point d’acuponcture pour prendre soin du paysage belge, une bouffée d’air frais pour un système en manque d’oxygène.

3- Folklore et culture locale

Au coeur d’une ferme brabançonne de cette taille, abritant divers espaces, il nous paraît juste d’y re-créer un lieu de rencontres, un lieu inclusif où une diversité grandissante de profils s’y retrouvent pour tisser des liens. Y déclencher des rencontres, en voilà un défi. Au confluent de l’intellectuel académique, l’Université de Louvain étant voisine, des industries et des cellules d’innovation des zonings de Wavre et de l’Axis parc de Louvain-la-Neuve, des zones plus défavorisées, à proximité de zones dédiées à l’agriculture (campagne ottintoise et Gembloux Agro-biotech), en lien avec des organisations culturelles du coin (Musée Hergé, Centre Culturel à Ottignies, capitale wallonne de la culture), les lieux pourraient devenir un véritable terreau permettant des interactions inédites, entre des publics qui ne se découvriraient pas ailleurs. C’est également l’occasion d’organiser des événements mixtes qui fusionneraient par exemples: des aspects de parcours nature, de l’entrepreneuriat conscient, des découvertes culinaires, de la musique d’ailleurs et d’ici, des pratiques de connaissance de soi, de rituels remis au goût du jour pour célébrer les solstices ou des fêtes propres aux anciennes guildes de savoirs-faire locaux, ou encore permettre des interactions récurrentes entre très jeunes et très âgé•e•s en plantant des haies. Du lien horizontal et vertical. Un bouillonnement au service de nouveaux récits et imaginaires, mais vécus et incarnés.

4- Mobilité et rayonnement

La ferme de la Balbrière a la chance extraordinaire de bénéficier d’un cadre vert et aéré tout en restant à proximité du centre urbain et à 20 minutes à pied de la gare ferroviaire de Ottignies, la gare la plus fréquentée de Wallonie. En choisissant de revaloriser ce patrimoine et son vallon, nous avons choisi de démontrer un modèle de vie semi-rural à 25 minutes de train de la capitale, à 8 kilomètres des deux centres entrepreneuriaux du Brabant-Wallon, Louvain-la-Neuve et Wavre, à un jet de pierre de la plus grande université de Wallonie, et ceci au coeur de la campagne centre-brabançonne. Ce point d’acuponcture dans le paysage Belge en est d’autant plus fort et percutant, prêt à recevoir et inspirer les acteur•rice•s de la ville, les étudiant•e•s de l’université, les cadres et les employé•e•s d’entreprises.

La ferme a pour objectifs de créer des partenariats forts avec les différentes facultés universitaires : études et recherches écologiques, développement de nouvelles techniques agricoles, expérimentations de modèles d’organisations collectives et intelligentes,… Les applications sont multiples, et les liens ne demandent qu’à être tissés.

Encore plus localement, le réseau très développé de sentiers pédestres et de chemins de randonnée permet d’accueillir naturellement les passant•e•s, les curieu•ses•x, les consommatrice•eur•s de nos paniers de légumes, ou tout simplement les habitant•e•s de la commune en recherche d’un banc sous un arbre ou d’un espace d’interaction. La qualité de notre environnement est aussi celle d’une commune dont la vision de la mobilité est douce et met le vélo au centre des aménagements. Nous soutenons activement cette vision en rendant toute la ferme accessible au public, en créant des sentiers qui la traversent et en offrant un espace de réparation de la petite reine.

Plus qu’une ferme agricole, c’est un véritable bouillonnement d’activités que nous souhaitons créer. La localisation du lieu et son accessibilité offre au projet tout le loisir de développer ses pôles pédagogiques, sociaux et démonstratifs.

5- Agriculture et écosystème

Dans le contexte élargi du développement territorial, nous pouvons observer le service qu’offre les zones périphériques urbaines aux grandes villes telles que Bruxelles : une ressource en nourriture, des espaces verts récréatifs et un stockage du carbone atmosphérique. Si la campagne ottintoise n’échappe pas à ce constat, il est bon de reconnaître que l’exportation massive est plutôt la norme, et que nous souffrons encore d’un manque de services de proximité. Aux vus des limites auxquelles le système agricole actuel fait face, il devient difficile d’envisager que cette même campagne tienne durablement le coup si elle ne subit pas de restructuration de fond au profit d’une plus petite agriculture de proximité, un retour à l’activité paysanne, et surtout une solidarité entre les acteur•rice•s de ces fameuses “ceintures alimentaires”.

En revitalisant la ferme de la Balbrière, c’est tout le monde agricole brabançon que nous souhaitons soutenir, toucher, rassembler.

Il est temps de créer des synergies, de (ré)appliquer des techniques de production à l’échelle humaine, de sa famille et de ses mains, d’impliquer le consommateur•rice direct dans la chaîne pour apporter compréhension et bienveillance dans l’échange avec le productrice•eur.

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