Aventure : mot romantique pour dire galère (#1)

Coline Cuirinier
Les filles en-barquent
4 min readOct 27, 2019

Cette journée commença par une biscotte suspendue au dessus d’une tasse de thé : “oh regardez… une mini tornade” !

Oups.. on aime pas trop ça :/

Après le passage de Gibraltar, nous jetions l’ancre dans une baie non abritée de la houle… la nuit fut donc agitée (normal). La rencontre avec l’océan commence bien !

Cette mini tornade se dissipera au loin, nous attendrons sagement que le petit orage qui s’ensuit nous passe à tribord pour lever l’ancre et parcourir quelques milles à la voile jusqu’à la ville de Barbate.

Trop heureuses de fêter enfin notre venue en Atlantique, nous faisons péter le champagne devant un coucher de soleil des plus rougeoyant avant de jeter l’ancre dans le mouillage à côté du port de Barbate !

Après un bel apéro et un épisode de notre série fétiche, rideau. Nous mettons les dames dans le torchon comme dirait ma Céc.

2h du matin “C’était un éclair ça ?” “Non, non c’est le phare”

2h01

Bon la nuit va être longue… Le vent monte, et la houle aussi. Nous faisons des bonds dans nos couchettes ! Je me lève régulièrement pour aller voir la tension de la chaine, notre position dans le mouillage, l’intensité du noir dans le ciel… Finalement je reste sur le pont pour “veiller au grain”. Et les grains ne manquent pas, hein ! “Bon dès que le vent baisse on file au port les filles !” (je pense très fort et parle à mon bateau pour le rassurer)

Pauline me trouve dépitée à 6h du matin, à la barre avec le moteur pour soulager la chaîne qui tire et se soulève à chaque série de vagues. Elle prépare calmement le bateau pour le port : pare-battages*, amarres… On est prêtes. Sauf que le vent est toujours fort, les rafales dépassent 30 noeuds.

Cec sort une tête de la cabine (arrière) “ ah bon y a tant de vent que ça ?”.

7h40, nous sommes toutes les 4 sur le pont ! Le vent baisse subitement à 8 noeuds, vite on lève l’ancre ! Caro et Popo sont à l’avant, la tête dans la baille à mouillage. Impossible de remonter l’ancre, la chaine dérape, se déloge du guindeau* et file à la mer ! Descendre, remonter, descendre, remonter. Attention aux pieds ! L’ancre est coincée… Cec prend la barre.

“Coline, on laisse tout là, on reviendra demain tant pis ! On trouvera bien un pêcheur ou quoi”

“euh….” je reste hagarde. Impensable pour moi d’abandonner l’ancre et la chaine.

“Coline, regarde devant !”

Je lève la tête, deux éclairs pètent dans une masse noire. Oh-oh.

“ça vient sur nous les filles” Caro nous rassure à l’arrière.

“ok ok ok, Caro envoie un gros couteauuuuu ! Tu sais celui du papi de Popooooo”

Je coupe le bout* (cordage) qui retient la chaine, on lâche le tout à l’eau !

8h40, Pen Kaled est amarré au port. C’est tellement calme, plus plat tu meurs. Devant ma tasse de café je me répète “j’ai coupé le bout, j’ai laissé l’ancre j’y crois pas !”

“Va te coucher, on s’occupe de trouver un type et un bateau”

— co(co)ma —

11h48 “Coco c’est bon on y va !”

“Quoi?” j’ouvre un oeil et m’extirpe de la cabine…

Juan Diego et “Kilo” (on apprendra les prénoms plus tard) n’ont pas tardé à venir nous secourir : “4 chicas francesas c’est pas courant !” Et hop on file (à 10 noeuds en 10 secondes) sur les lieux du drame.

Ni une ni deux, Jean Jacques (sisi la version française de Juan Diego) plonge tel un cabris, repère l’ancre, la démêle… En 5 minutes, elle est sur le pont. En 15, remise dans sa baille à mouillage. Émotions.

Tout est bien qui finit bien, on surnommera désormais notre ancre “Diega” !

Diega, c’est elle !

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