La gîte

Caroline Pageaud
Les filles en-barquent
3 min readDec 16, 2019

La gîte : phénomène transdimentionnel d’attraction des corps. Autrement dit : mouvement aléatoire du bateau pendant la navigation subissant vagues et vent.

Qu’on se le dise, bien qu’on porte notre corps tous les jours (d’une manière plus ou moins gracieuse d’ailleurs) le phénomène de la gîte n’a rien de naturel pour nous, pauvres bipèdes vertébrés que nous sommes.

Dans un bateau tout peut gîter… Vous penserez peut être au film « l’Odyssée de l’espace » où tous les éléments flottent de manière lente et gracieuse autour d’un personnage serein et léger comme l’air. Et bien non rien à voir, notre « Odyssée de l’espèce » à nous, ne repousse aucune limite de la gravité et nous fait bien “grav(g)îté”!

Pour comprendre, imaginez une petite bille coincée dans une boîte d’allumettes, celle ci posée sur une jument au galop. Vous l’avez? À votre avis combien de fois la petite bille va toucher le bord de la petite boîte d’allumettes en 24h ?

On appelle ça nous “l‘effet flipper”, pour tenter de trouver un équilibre horizontal et espérer dormir, on invente des chorégraphies qui n’existent pas encore dans le monde de la danse contemporaine. On se réveille parfois d’un micro sommeil quand nos jambes font un bon au dessus de notre nombril ou quand un orteil au détour d’un creux de vague a eu la chance de rencontrer la poignée de porte !

Bref des nuits comme ça on les aime comme notre première fois ! Et pour être sure de pas oublier ces folles nuits rocambolesques les nombreuses écchymoses sont là pour nous les rappeller et soigner le style « bleu marine » (avec aucun clin d’œil à la fille du borgne hein !)

Car détrompez vous la gîte ce n’est pas seulement la nuit, la gîte agite aussi le jour. La gîte mange, trinque, bois du café, fini les bouillons et le reste de semoule… et nous les dégueule bien visé sur les genoux dès qu’on a lâché une minute d’attention ! La gîte a l’estomac fragile et rend tout ce que notre appétit a laissé sur la table.

Ça marche aussi avec les objets d’ailleurs, et là fallait plutôt être bon en jeux de ballons au collège car les loupés sont parfois fatals ! Un conseil si vous voyez un opinel en l’air, fermez les yeux !

Autre petit truc sympa de sa « mer » la gite… C’est le doux son qu’elle nous propose en entrechoquant tout ce qui est susceptible de produire du bruit! Dans les finalistes du top 50, on vous propose le concert de plats et casseroles, la symphonie des bocaux, et comme grand gagnant, le concert philharmonique de l’impact d’une vague en travers sur la coque ! Fameuse claque qui produit l’effet « jambe au dessus du nombril » ! Ça secoue et ça fou bien les pétoches!

On n’oubliera pas évidemment de préciser que la gîte donne un peu prêt l’équilibre d’un vieillard ivre, autant dire qu’aller aux toilettes, mettre un pantalon, faire un café, ouvrir une boîte de sardines ou se brosser les dents n’est pas sans dommage collatéral…

Bref et quand pendant un instant elle vous laisse tranquille, que votre corps se relâche enfin par épuisement et vous laisse glisser sans cogner dans les bras de Morphée… Une petite lanterne rouge s’approche de vous et vous susurre : « c’est l’heure de ton quart ma poule, réveilles toi! »

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