“Tout va bien, y a juste un trou dans le bateau » (mes)aventures #2
Lundi 28 octobre 2019.
Nous quittons enfin le continent européen pour rejoindre les îles d’Atlantique. Apres avoir attendu une semaine la bonne fenêtre météo et de ne pas être vendredi, et de ne plus avoir mal à la tête) nous larguons les amarres de Pen Kaled à Cadix avec une météo mitigé mais pas défavorable. Seul impératif de cette 1ère navigation hauturière dans la grande mer:arriver avant samedi soir pour éviter un coup d’ouest qui nous obligerait à finir la nav au près (le près est l’allure à laquelle le vent nous fonce dessus, droit devant et oblige le bateau à se pencher pour avancer, à « gîter »)
Les premiers jours furent ensoleillés et bruyants, il n’y a pas de vent, nous avançons grâce à tonton perkins ( le moteur).
Parfois tonton s’emballe un peu, nous lui accordons alors des pauses et profitons du calme et de la dérive pour se baigner.
Mercredi 30 octobre — Jour 3
Le vent arrive enfin ! Nous passons une 1ere nuit avec la douceur du vent dans les voiles et la magie des dauphins dans les planctons. Nous ne les voyons pas vraiment, nous devinons leur présence grâce aux planctons qui s’illuminent lors de leur passage dans l’eau. Ainsi, leur mouvement devient lumière et des milliers de paillettes dansent autour de nous !
Au matin, retour à la réalité, nous avons consommé plus de la moitié de nos résevres en énergies électriques. Finit le frigo, finit Arthuro le pilote auto, place à Hercule le regul ! (le regul est un régulateur d’allure : il s’agit d’une structure fixé à l’arrière du bateau qui permet, mécaniquement, d’avancer en gardant le bateau dans une même direction au vent. Nous le réglons, par exemple, pour être à 90° du vent, il dirige alors la roue du voilier, avec un système de renvoie et de poulie, pour conserver cette allure à 90° du vent appelé « travers », ainsi, nous n’avons besoin ni de barrer, ni électricité!)
Le soir le vent est toujours là, nous hissons la trinquette (petite voile avant) et prenons 2 ris à la Grand Voile (GV) pour réduire sa surface de voile et ainsi sa puissance.
Un petit oiseau nommé Pistache, vient trouver refuge derrière les huiles d’Olive où il passera la nuit avant de reprendre a route vers le Maroc.
Samedi 2 novembre — Jour 5 — l’avenir est écrit, nous n’arriverons pas aujourd’hui… La météo n’a pas respecté ses engagements t notre navigation a pris plus de temps que prévu initialement, nous devrions accoster tout de même dans la nuit. Nous avons consommé tout notre réservoir de Gasoil, nous passons nos bidons de réserve.
La journée continue par de petites réparations, Coline s’affaire sur un coulisseau de la GV pendant que je rapièce mon pantalon grâce à un « coulcousite » (comme le dit si bien Yvonne ma mamie!)
La journée passe tranquillement, nous alternons GV avec 1 ris et tonton perkins puis toutes voiles dehors : artimon, GV et trinquette, nous faisons route vers notre 1ere escale insulaire, à plus de 550 miles nautique du vieux continent.
Cécile à la barre, le soleil entame sa courbe vers l’horizon, nous filons vers l’ouest dans la joie quand tout à coup, « PAK » un bruit sec derrière nous, suivi du brouhaha de l’artimon, la voile arrière qui fassaye. Nous voyons l’écoute se débattre en l’air et constatons que le chariot qui la fixe au bateau a lâché. Nous comprendrons plus tard, pour l’instant, il faut affaler la voile (la faire tomber rapidement pour la ranger), retrouver le silence et nos esprits. Heureusement, il n’y avait personne sur sa trajectoire et l’artimon n’est pas essentiel pour avancer ! Nous continuons donc notre route, cap au 260, avec 2 ris dans la GV et la trinquette.
Un peu déçu de ne pas être à terre ce soir et pour nous remettre de nos émotions, sans savoir que ce n’était pas les dernières, nous décidons de nous offrir un petit apéro tout doux, tout beau.
Cécile toujours à la barre, 20 nœuds de vent, au près (allure à laquelle le vent vient sur nous à 30° du bateau et nous oblige à gîter), ça la fait marrer. Le soleil rencontre enfin l’horizon et nous offre un magnifique paysage rougeoyant, nous filons dans la joie vers l’ouest quand d’un coup « PAK », un bruit sec devant nous, brouhaha de la voile avant qui fassaye. Cette fois c’est la voile entière qui se débat… Nous comprendrons plus tard, il faut aller voir ce qui se passe, ramener la voile à bord et retrouver le calme. Lorsque nous arrivons à l’avant, nous constatons qu’il y a un trou dans le bateau… Une partie du pont s’est tout simplement arraché et avec lui toute la base de l’étai largable sur lequel est accroché la trinquette (la voile avant qui fassaye).
La pénombre s’installe, nous nous démenons pour affaler la voile et amarrer pour la nuit. Nous revenons dans la cockpit, un peu abasourdie » tout va bien, y a juste un trou dans le bateau »
Par chance, le trou donne dans la baille à mouillage (coffre à la pointe avant dans lequel est rangé la chaîne de l’encre)il n’y a donc pas de voie d’eau, les vagues qui arrivent sur le pont et qui s’engouffrent dans notre jolie trou, s’évacue tranquillement par 2 petits trous en bas du caisson, prévu pur cela, sont malins ses marins !
Nous reprenons notre route face au 20 noeuds de vent, avec pour seule toile, la GV au minimum, tonton perkins en soutien, nous arrachons difficilement 3 noeuds de vitesse…
L’avenir se ré-écrit, nous devons passer encore une nuit en mer. Nous nous relayons à la barre, PK et tonton fidèle à leur poste, nous arrivons finalement à Funchal, dimanche 3 novembre 2019, à 10h du matin. Fatiguée mais heureuse d’avoir réussi cette 1ere longue navigation ensemble, le souvenir de pistache, le petit oiseau requinqué, des dauphins paillettes qui viennent jouer avec Pen Kaled et de ces nuits étoilées à l’infini.
138 heures, 555 miles nautiques, 74 heures de moteur, 160 litres de gasoil, plus moyen d’utiliser l’artimon, ni la trinquette, un trou dans le bateau…
Nous posons un pied à terre, fort, fière, et deter ! Ce dimanche 3 novembre est le notre, Madere n’est pas prête ! Il paraît que les grands-mères le racontent encore à leur petits enfants !
Pauline