Moins, c’est plus de valeur. Prouver que de nouveaux modèles sont possibles — Portrait d‘Allan

Edith Maulandi
Les Joyeux Audacieux
9 min readApr 20, 2018

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Dans cet article, tu apprendras qu’il est possible de dépasser les limites établies si l’on s’en donne les moyens et qu’on le fait pour soi et les autres, qu’arrêter de posséder peux t’emmener beaucoup plus loin, et qu’entreprendre pour une valeur sociale, ça marche, preuves à l’appui.

Cet article fait partie d’une série de portraits de Joyeux Audacieux (que nous réalisons avec Lily Gros) qui ont osé se mettre en audace, prendre des risques et aller un pas de plus vers leur propre bonheur.

Quand j’appelle Allan, il est au milieu d’un trajet à vélo pour rallier Lyon depuis Dijon avec un compère de voyage, Alexandre. Ni l’un ni l’autre ne possède ou loue de logement. Plus de logement à soi, plus de voiture non plus. Ce trajet vers Lyon est à la fois un voyage et un déplacement pour utiliser des modes de transports plus responsables comme le vélo et le train. Ça plante bien le décor.

Minimaliste, mais aussi multi intra-entre-preneur social, Allan dépasse un peu plus de croyances à chaque projet et montre que de nouveaux modèles sont possibles. Tour d’horizon :

  • Decathlives : le réseau interne de Décathlon équivalent à Couchsurfing, pour accueillir ou se faire accueillir lors de ses déplacements professionnels ;
  • Spores Homes : des co-propriétaires — une maison — ouverte à tous pour co-créé ce lieu et générer beaucoup plus que simplement la valeur de possession : du partage, de l’apprentissage et du bien-être — en savoir plus ;
  • RiSE : une plateforme pour mieux connecter les sans-abris et les citoyens et faciliter l’entraide ;
  • Sheepy : une communauté et un test pour questionner et faire évoluer son mode de vie et son rapport aux autres, hors de la zone par défautcommencer à réfléchir à son rapport à l’argent ici

C’est bon vous avez tout digéré ?

Rencontre.

De belles rencontres avec pour les Décathloniens du monde entier avec Decathlives

Pour te décrire, on va te demander un exercice pas facile. Si tu étais un endroit dans le monde ?

L’endroit où nous allons ouvrir la deuxième Spores Homes, à Tenerife. C’est un lieu qui a une résistance naturelle à la déculturation. Avec son parc naturel, ses monts culminés par le Teide, on a la nature qui en protège l’accès en quelque sorte.

J’adore cet endroit car il fait toujours autour de 25 degrés, les journées sont longues et lumineuses. On peut y pratiquer tous types de sports, de la rando au kayak, et il est aussi facile d’y cultiver ! C’est un endroit à taille humaine, les gens sont accueillants, c’est simple.

Quelle est la dernière chose que tu as apprise ?

Cadrer sur un plan, en photographie. J’apprends petit à petit, je veux me focaliser sur l’apprentissage de la photographie cette année. J’aime capturer le bon moment.

Depuis plusieurs années, tu as démarré une démarche minimaliste. Tu donnes tes affaires, abandonne la propriété, ta voiture. Pourquoi ? Quel a été ton déclic au départ ?

C’était un été, j’avais 21 ans et je gagnais beaucoup d’argent. Ce n’était forcément facile à gérer. Lors d’une soirée, une connaissance me demande ce que je veux boire. Un gin tonic. Et pendant qu’elle repartait, je me suis demandé :

Comment est-ce que je peux savoir si cette personne est authentique avec moi ?

Pour certaines personnes, je n’avais pas de doutes, mais pour lui et d’autres si. Chacun a une part consciente d’être attaché à une autre personne. Mais il y a aussi une part inconsciente d’intérêt vis-à-vis de notre image sociale. Et elle est beaucoup liée à nos possessions.

C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’abandonner ce que j’avais, mes biens matériels. Si je n’ai plus rien, qui restera et sera autour de moi ?

Comment as-tu démarré ? Quels ont été tes premiers petit pas ?

À partir de cette décision, le changement a été assez radical et profond. J’ai arrêté la construction de ma maison déjà démarrée. J’ai vendu mon deuxième véhicule. J’ai donné énormément d’affaires, de meubles. J’ai loué un appartement. C’est tombé à un moment où je changeais de pays. Cette phase où j’ai enlevé les gros cailloux matériel s’est déroulé assez naturellement.

Il y a une période où je me suis retrouvé dans un appartement vide et un grand dressing. Il restait l’image d’une personne coquette, chez les autres et chez moi, qui était en dissonance avec ce que j’étais. J’ai réalisé que le déguisement que tu portes amène les gens que tu rencontres.

C’est ça, et le fait de prendre conscience du temps que me prenaient tous ces vêtements, qui m’a fait passer à l’étape suivante.

Si tu pars du principe que tu laves 50 fois un habit avant de ne plus l’utiliser, il t’a pris 8h de ta vie. Calcules combien ça te donne pour un grand dressing.

Puis j’ai arrêté de louer, j’ai réduit de trois valises d’affaires restantes à deux, puis à une. J’ai aussi vendu la voiture qui me restait. Le pas le plus dur et le plus long a été de passer à une unique paire de chaussures. Beaucoup plus que tout ce que j’avais donnée ou vendu au début. La seule chose que j’ai rajouté c’est un vélo, pour faciliter mes déplacements.

Quels ont été les effets sur les autres ? Sur toi ?

Je suis devenu plus authentique, plus transparent, plus responsable, j’assume plus comme je suis.

80% des personnes de mon entourage d’avant ne sont plus là aujourd’hui, mais ça agit comme un filtre naturel.

J’ai rencontré de nouvelles personnes extraordinaires, et je suis très bien entouré aujourd’hui !

Les personnes que je rencontre maintenant, il y en a trois types :

  • Les Rangeurs : ce qui me casent directement dans une boite “Ha oui mais tu fais ça parce que X” et passent leur chemin ;
  • Les Curieux stade 1 qui s’arrêtent, regardent, ne comprennent pas trop et partent pour ne pas trop se remettre en question ;
  • Les Curieux stade 2, qui s’intéressent vraiment à la démarche, et c’est généralement là que les belles rencontres se font !

Tu mènes de belles aventures entrepreneuriales avec Decathlives, Spores Homes, RiSE. Est-ce que tu as fait des choses que les gens pensaient impossible, au delà de leur croyances — et de tes croyances ?

Dans tous ces projets, l’important a été de démontrer par les faits qu’un modèle qui créer de la valeur sociale est viable, avec peu ou pas de marge économique.

Avec Spores Homes, on montre qu’un modèle de propriété partagée et ouverte est possible. Que l’homme est bon et collaboratif par défaut. Que l’on peut entreprendre socialement, créer de la valeur avec un modèle gagnant-gagnant.

Et c’est en faisant que je me le suis prouvé aussi à moi-même. Que l’on pouvait quitter l’entrepreneuriat purement économique pour aller vers un entrepreneuriat social où on travaille pour un impact. Que l’on peut se bouger le cul pour ses valeurs.

La 1ère Spore Homes à Cullera, en Espagne

Avec Decathlives, on voit aussi que l’on peut dépasser les freins d’un grand groupe, de la hiérarchie et qu’entreprendre avec passion et détermination est possible. Même en partant de zéro, en hackant les choses.

Comment as-tu fait pour continuer à évoluer, à aller plus loin que certaines limites établies ?

J’ai développé ma capacité à entreprendre, à être audacieux constamment pour aller chercher de nouveaux business qui ont une vrai raison d’exister.

Et c’est important car il y a un moment où il faut sauter le pas, se donner les moyens. Pour développer Decathlives, j’ai décidé de passer à un contrat symbolique d’une heure en temps partiel et de vraiment y dédier du temps. J’étais persuadé de la valeur du projet, ça a été le moment le plus démonstratif de cette conviction, et c’était nécessaire pour aller plus loin.

Puis pour évoluer, il faut aussi se nourrir de ses frustrations. Avec Decathlives, j’avais constaté la dépendance au produit quand tu crées un projet. Je ne savais pas coder, je n’avais pas d’attraits particulier pour cela, mais mon besoin d’avancer comme je le souhaitais a été plus fort. J’ai fait le Wagon, une école de code, pour apprendre et monter en compétences, même si je n’y connaissais rien au début.

Le cœur c’est vraiment la passion, c’est ça qui génère la persévérance. Si tu le fais pour la fame, ça ne marchera pas.

Justement, tu passes aussi du temps au côté d’autres entrepreneurs pour les aider à passer de l’idée à l’action puis dans la réalisation. Tu leurs conseilles d’entreprendre non pas vers ce qu’ils aiment faire mais ce qu’ils sont. Pourquoi tu penses que c’est important ?

C’est primordial, ce qui résonne en toi est complètement lié à la persévérance. Il faut que ce que tu crées réponde à ton besoin.

Entreprend quelque chose qui améliores ta vie ou crée ce qui te manque et partage-le. Tu en auras besoin et tu ne lâcheras pas.

Decathlives, ça vient de mes convictions profondes. Spores Homes, c’était aussi créer un projet qui allait me servir. Développer RiSE et aider des sans-abris me donne aussi beaucoup de force.

Commence à donner avec RiSE

Tu as d’autres conseils pour les gens qui veulent passer à l’action mais n’ont pas démarré ?

Ne pas créer pour pouvoir dire “j’ai créé, j’ai fait ça !”. Poses-toi la question de pourquoi tu veux te lancer. Puis regardes déjà ce qui existe, apportes-y ton énergie, contribue au service du sens du projet.

Entreprendre c’est aussi co-créer et savoir fédérer autour des solutions qui existent.

Et ça te permettra en plus de mieux comprendre le terrain, les tenants et les aboutissants de la problématique.

Avec les ressources disponibles aujourd’hui, on peut tous commencer à créer un projet en 24h. Mais rien ne sert de le faire pour la gloire. La réussite c’est la somme de toutes les minutes passées sur un projet misent bout à bout. Mais plus largement, vas-y, essayes, casse toi la gueule, recommence.

Et demande toi toujours quelle est la valeur que tu crées, comment tu peux la quantifier.

Et enfin, entoures-toi de personnes qui y croient plus que toi. Ça demande de l’humilité. Mais s’entourer c’est aussi se soutenir, faire preuve de solidarité et se donner de l’énergie mutuellement. Et ça c’est juste nécessaire pour entreprendre.

Depuis peu, tu développes Sheepy, pour pousser les gens à sortir d’un mode de vie trop standardisé et connecter ceux qui en font la démarche. Quel serait ton message pour les gens qui ne connaissent pas encore Sheepy ?

Cela ne vous surprend pas d‘avoir le même mode de vie que des millions de personnes ?

Après, le but de Sheepy n’est pas de convaincre, plutôt de donner à réfléchir. On veut que que les gens questionnent leur mode de vie par défaut ! Et comme avant, c’est par l’exemple qu’on montre que d’autres voies plus souhaitables sont possibles, et elles sont déjà à l’œuvre !

Découvre les belles initiatives et démarches pour sortir du troupeau

Tu as déjà tout ces beaux projets en cours, c’est quoi ton ambition et/ou ton focus pour les prochains mois ?

L’année qui vient de passer a été beaucoup marquée par l’ouverture, l’audace : de beaux projet sont nés. Les prochains mois, même la prochaine année sera le temps de la consolidation pour moi. Decathlives est en train de devenir une entreprise, on va ouvrir la deuxième Spores Homes, RiSE grandit et on embarque de plus en plus de gens.

C’est une dynamique géniale, c’est le temps pour fédérer, entraîner encore plus de personnes exceptionnelles dans ces projets. C’est une belle aventure de créer une tribu, fédérer toujours plus !

Pour aller plus loin, on vous conseille les articles d’Allan sur le Less is more 👍

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Edith Maulandi
Les Joyeux Audacieux

In love with discovering and experiencing new universes and sometimes writing about it to share.