Alessandro Farnese, la papauté et la condamnation de l’esclavage

Max Jean-Louis
Les Oubliés de l'Histoire
4 min readFeb 28, 2021

En ce dimanche 28 février 2021, date marquant le 553e anniversaire de naissance d’Alessandro Farnese, devenu plus tard le pape Paul III, j’ai l’infime honneur de raconter ici l’histoire de cet homme, oublié de l’histoire, qui avait raison trop tôt…

La maison Farnese est une ancienne famille noble de l’Italie. Bien qu’il n’y ait guère de certitude, les historiens s’accordent pour dire qu’elle serait originaire des terres de Fartenum, en Lombardie.

Peu de temps après, la famille s’installe au nord de Rome dans la province actuelle de Viterbe. Les Farnese vont d’abord posséder quelques petites seigneuries telles que Tuscania et Orvieto…

Le premier Farnese « connu », le premier dont certaines informations ont été retranscrites dans des documents est Pietro, qui fut consul d’Orvieto en 984.

Du Xe au XIVe siècle, la famille ne cessera de gagner en respectabilité grâce à leur fidélité au pape, en tant que guelfe et vassal des Etats pontificaux. En 1340, de manière formelle, les Farnese jurent obéissance aux défenseurs du patrimoine de Saint-Pierre, au nord de Rome. En guise de récompense, de nombreuses possessions terrestres et une quantité de privilèges sont accordées à la famille par la chambre apostolique.

Ainsi, à la fin du XIVe siècle, la famille Farnese entretient de solides relations avec les autres familles de l’aristocratie romaine dont les Colonna, les Orsini, les Sforza, les Savelli, etc.

Toutefois, c’est au siècle suivant, le XVe, que le clan Farnese va asseoir durablement sa notoriété à Rome. Ainsi, en 1417, Ranuccio Farnese est nommé sénateur de Rome par le pape Martin V (Odonne Colonna). En 1434, le successeur de Martin V, Eugène IV honore la famille avec les insignes de la Rose d’Or et le gonfalon de l’Eglise. Ce souverain pontife leur concède aussi de nombreuses terres dont celles de Valturano et de Latera…

Alors, au XVe siècle la famille Farnese se retrouve à « jouer » dans la cour des grands en étant l’une des familles les plus importantes de Rome avec des richesses colossales et une sphère d’influence sans cesse croissante.

C’est dans ce contexte mielleux que voit le jour Alessandro Farnese, le 28 février 1468, soit 553 ans de cela, jour pour jour. Durant son enfance, il reçoit une éducation de qualité, d’abord à Rome puis à Florence. De très tôt, le jeune Alessandro est louangé pour sa grande érudition et son intelligence hors du commun.

C’est ainsi que le 20 septembre 1493, âgé de seulement 25 ans, il est nommé cardinal-diacre par le pape Alexandre VI (Rodrigo Borgia). Les mauvaises langues de l’époque le surnomment « il cardinale della gonnella» (le cardinal de la jupe, en français) insinuant qu’il n’ait obtenu cette responsabilité uniquement du fait que sa sœur, « La Bella » (La Belle) Giulia Farnese fut la maitresse du pape Alexandre VI…

En 1495, le cardinal Farnese achète un palais se trouvant à proximité du Campo de Fiori, à Rome. Il entreprend dès 1517, les travaux de construction d’un nouvel édifice qui deviendra plus tard le Palazzo Farnese (Palais Farnèse), l’un des plus somptueux palais romains, siège actuel de l’Ambassade de France en Italie (dont je vous recommande vivement la visite virtuelle ici ).

Il poursuit son ascension rapide dans l’Eglise jusqu’à devenir lui-même pape le 13 octobre 1534, à l’âge de 67 ans. Ce fut l’apothéose de la famille Farnese. En tant que souverain pontife, Alessandro prend le nom de Paolo III (Paul III, en français).

3 ans après son accession au trône de Saint-Pierre, Alessandro Farnese publie la lettre apostolique Veritas ipsa, le 2 juin 1537 suivie de la bulle pontificale Sublimis Deus, le 9 juin 1537, dans lesquelles il condamne fermement l’esclavage, institué par les colons européens en Ayiti (Hispanola) et ailleurs dans les Amériques. Ainsi, Paolo III, « exhorte et commande » aux envahisseurs de laisser les indigènes « aller libres pour le salut de [leurs] âmes ». Il va même plus loin, en proclamant que « les Indiens et tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts par les chrétiens, ne peuvent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils demeurent en dehors de la foi de Jésus-Christ. »

On connaît tous la suite de l’histoire…

Malheureusement, ces préceptes papaux, à cause des intérêts économiques, politiques et diplomatiques de ces « bons chrétiens », furent contournés ou tout bonnement ignorés durant les siècles qui suivirent…

Max Jean-Louis

Paul III. École Titien (après 1546). Kunsthistorisches Museum

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Max Jean-Louis
Les Oubliés de l'Histoire

MBA, Commissaire d'art, Journaliste et Spécialiste en Engagement Communautaire. MBA, Art Curator, Journalist & Community Engagement Expert