La Crowdculture ou le pouvoir des communautés sur les marques

Esther Diane Naah
Les Mbindis Réflexions de Esta
7 min readJul 22, 2019

Je suis une passionnée de branding et j’étudie les mécanismes que les marques comme Nike, Apple, Red Bull, Coca Cola ou Fenty Beauty utilisent pour impacter des millions et des générations de consommateurs à travers le monde.

Un autre sujet qui m’intéresse particulièrement ce sont les médias sociaux et leur impact sur le comportement des utilisateurs.

Leur essor a provoqué des changements dans le rapport consommateur-marque. Les consommateurs, en recherche d’authenticité et se méfiant des promesses des marques, se référent à des proches, à des individus ou des groupes qui leur inspirent confiance avant de prendre une décision d’achat. Dans cet article, je vais aborder la notion de crowdculture et vous expliquer en quelques lignes son impact sur la manière dont les marques communiquent aujourd’hui.

Il y a quelques jours je suis tombée sur une histoire qui a particulièrement retenu mon attention.

Anna, une jeune fille âgée de 18 ans, mariée à un militaire, s’ennuyait dans la caserne dans laquelle elle vivait. Pour occuper son temps et sortir de la solitude, elle s’est abonnée des comptes Instagram qui publiaient des fanfictions autour des boysbands préférés des jeunes filles. Inspirée par ses lectures, elle finit par se lancer et elle crée un personnage masculin basé sur Harry Styles, le leader du groupe One Direction. Elle commence à publier un chapitre par jour sur la plateforme sociale Wattpad qui permet aux utilisateurs de partager, depuis leurs smartphones, leurs créations et de s’inspirer des commentaires de leurs lecteurs pour façonner la suite de leur histoire. Au bout de quelques mois, les épisodes d’Anna ont été téléchargés par des millions de personnes. Une véritable communauté de passionnés de fanfictions s’est créée autour d’elle. Les histoires d’Anna sont devenues un véritable mouvement et ont donné naissance à un roman en plusieurs tomes, lu par des millions de personnes dans le monde. Aujourd’hui Anna Todd a un contrat de plusieurs millions de dollars avec une maison d’édition et son roman-fiction “After” a été adapté au cinéma en avril dernier.

Le développement de la crowdculture

Les êtres humains se sont toujours organisés en clans, en tribus, en communautés unies par la même culture, la réligion, la politique, le sport, la musique, des causes etc. Internet et le Social Media ont renforcé ce besoin d’appartenance avec le développement des communautés en ligne en levant les barrières géographiques.

Les médias sociaux sont également devenus des plateformes d’expression pour des groupes autrefois marginalisés (mouvements artistiques, culturels, idéologiques). Ils ont démocratisé et développé les sous-cultures. Auparavant, les gens devaient se rassembler physiquement avec des moyens limités pour communiquer sur des sujets de niche. Maintenant, il y a des communautés autour de pratiquement tous les sujets: les mangas, le véganisme, les nappys, le e-sport, le bricolage etc. Grâce aux médias sociaux, ces groupes s’étendent sur le monde, permettant aux gens d’interagir et de partager des idées, des produits, des pratiques. C’est ce qu’on appelle les crowdcultures.

L’auteur Douglas Holt a posé les fondements de ce phénomène dans son livre “ How brands become icons ?”. Il définit les crowdcultures comme des contre-cultures ou sous-cultures en opposition à la culture de masse de l’ère industriel, des minorités qui pensent et agissent différemment, et qui l’affichent, la revendiquent. Les contre-cultures ne sont pas nouvelles, on peut citer le mouvement hippie dans les années 70 avec des artistes comme Andy Warrol, Jimi Hendrix, Pink Floyd ou Bob Dylan.

Au début des années 2000, on a vu émerger un collectif « hacktiviste » qui se pose en défenseur de la liberté d’expression, Les Anonymous. Icône de la culture digitale, ils sont l’un des exemples les plus marquants de la contre-culture du début du 21 ème siècle.

Les médias sociaux ont permis à des communautés minoritaires de devenir des sources actives d’influence en les rendant visibles et en leur donnant une reconnaissance sociale. Ils portent un message visant à créer des comportements nouveaux ou à modifier les comportements existants, provoquant le changement, l’innovation. En psychologie sociale, on parle d’influence minoritaire.

Ces communautés produisent et créent du contenu qui engage et connecte les gens. Plus authentiques, ils sont devenus de véritables concurrents pour les contenus produits par les marques.

Les marques l’ont bien compris, ne pouvant pas rivaliser, elles collaborent avec ces créateurs de contenu pour bénéficier des valeurs attribuées à ces derniers et augmenter l’impact de leurs messages. C’est l’une des raisons qui expliquent le potentiel énorme du marché de l’Influence Marketing.

L’exemple le plus courant pour montrer l’impact des crowdcultures est celui du youtubeur suédois PewDiePie. Il réalise des vidéos dans lesquelles ils jouent à des jeux vidéos tout en commentant dans un ton humoristique (il existe tout un genre le gaming comedy). Sa chaîne Youtube comptabilise 97 millions d’abonnés et plus de 22 milliards de vues. C’est la deuxième chaîne la plus suivie au monde. En comparaison, une marque comme Apple enregistre 8 millions d’abonnés pour 500 millions de vues.

Avec des budgets marketing moins importants, les contenus liées à la culture et l’entertainment créent plus de tractions que celles des marques.

Branding is dead, long live Crowdculture

Connecter et Inspirer

Tout récemment, vous n’êtes sûrement pas passé à côté du choix de Virgil Abloh (DJ, créateur de la marque OffWhite, ami et Creative Director du rappeur Kanye West) dans le rôle de Directeur Artistique de la marque de luxe Louis Vuitton ou de la collaboration entre Puma et Jay Z. Les marques s’inspirent de la culture Hip Hop et de ses codes pour se réinventer.

D’après Douglas Host, le défi pour les marques aujourd’hui, plus que jamais, est de s’appuyer sur ces sous-cultures pour créer du contenu qui ait du sens et qui résonne auprès des consommateurs. La marque se transformera alors en véritable porte-parole et agent culturel au-delà de l’aspect commercial.

Gary Vee dit souvent “The best marketing strategy is care”. Les marques doivent redevenir plus humaines et s’intéresser aux gens. Quelles sont leurs croyances? Quels sont leurs combats? Quelles sont leurs passions?

Prenons l’exemple de Spotify et du programme Black History Month. Spotify a décidé de célébrer l’histoire, ainsi que de mettre en avant les actions et les contenus d’artistes et créateurs noirs. Une cause qui a un impact positif sur la communauté afro-américaine dans un climat où cette dernière revendique l’égalité de droits et la justice à travers le mouvement “Black Lives Matter”. La culture est un levier puissant de pertinence pour les marques.

“I think what’s so amazing about Spotify, and why this is so important, is because it really shows a very authentic and dedicated approach to this idea of, not only celebrating Black History beyond February, but going into communities and using music and their resources to inspire young people.” — Jayanta Jenkins, Twitter lobal group creative director

Un autre exemple de marque qui a su intégrer la crowdculture à sa stratégie est Under Amour. À travers la campagne “I Will What I Want” avec la danseuse de ballet Misty Copeland et la top model Gisele Bündchen, la marque remet en question le regard de la société sur ce qu’est la représentation de la féminité et l’égalité des genres. Un positionnement sur un sujet clivant et porté par une communauté en particulier, les féministes. Résultat? plus de 5 Milliards d’impressions générées sur les médias sociaux, une augmentation de 28% des produits femmes de la marque.

Comme l’explique Seth Godin dans son livre “Tribes: We Need You to Lead Us”. Il ne s’agit pas pour les marques d’inventer des causes ou des intérêts, ils existent déjà. Elles doivent relever le challenge de créer du contenu qui leur permettra de partager avec leur cible un territoire articulé autour d’attentes, de motivations, d’intérêts et d’imaginaires communs.

Si vous souhaitez appliquer cette approche et engager votre audience, vous devrez avant tout prendre en compte que vous vous adressez à des personnes qui ont un système de valeur. Identifiez quelles sont les valeurs qui composent ce système et ce qui leur tient à cœur.

De cette façon vous augmenterez vos chances de raconter des histoires qui sauront connecter les gens à votre marque, fédérer une communauté, créer un mouvement et avoir un impact sur votre environnement.

Merci de m’avoir accordé 5 précieuses minutes de votre temps.

Vous retrouverez ci-dessous quelques liens pour enrichir cette lecture. N’hésitez pas à partager votre avis en commentaire ou à me rejoindre sur Twitter pour continuer la conversation @esta__

Under Amour, “I Will What I Want” campaign https://droga5.com/work/under-armour/

Spotify, Black History Month https://www.fastcompany.com/40551253/spotify-knows-every-month-is-black-history-month

Le branding culturel, (web)marketing de la fierté des communautés: explications et cas http://comunity.paris/branding-culturel/branding-culturel-marketing-communaute/

The tribes We Leads, Seth Godin https://www.youtube.com/watch?v=589tH-wtCak

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Esther Diane Naah
Les Mbindis Réflexions de Esta

Creative Project Manager • Small Business Owner • Consultant • I talk about life, Branding and Entertainment.