Buffles — Le Polaris

Les Rats Des Planches
Les Rats des Planches
3 min readJul 5, 2019

Bonus: une critique du mois d’avril qui n’avait pas encore vu le jour!

Source de l’image

Vendredi 05/04/19: Buffles
Le Polaris (Corbas)
Compagnie Arnica
Texte: Pau Miró
Traduction: Clarice Plasteig (aux éditions Espaces 34)
Mise en scène: Emilie Flacher
Dramaturgie: Julie Sermon
Avec: Guillaume Clausse, Claire-Marie Daveau, Agnès Oudot, Jean-Baptiste Saunier, Pierre Tallaron
Marionnettes et univers plastique: Emilie Flacher, Emmeline Beaussier, Florie Bel
Création sonore: Emilie Mousset
Scénographie: Stephanie Mathieu
Construction et régie générale: Pierre Josserand
Costumes: Florie Bel
Collaboration artistique: Thierry Bordereau
Responsable d’administration: Laurie Bardet
Chargée de production/diffusion: Maud Dréano
Chargée des actions culturelles: Véronique Labeille
Tarif normal : 15€ ; tarif réduit : 12€ ; tarif très réduit : 9€

L’écueil avec les marionnettes, c’est de se retrouver à faire de l’esthétique qui ne sert aucun réel propos. Je n’ai personnellement rien contre l’art pour l’art — mais j’ai toujours pensé que la marionnette avait un pouvoir immense, celui de pouvoir défendre et transmettre des idées auprès de tous les publics… Un pouvoir qu’on lui laisse pourtant rarement, à se concentrer sur le visuel plus que sur le fond. La Compagnie Arnica (créée en 1998 sous l’impulsion d’Emilie Flacher et implantée dans l’Ain) nous prouve cependant avec Buffles qu’allier les deux est non seulement possible mais que ça peut être fait avec talent. Bienvenue au Polaris (association qui a pour objet l’animation et le développement culturel de proximité via un lieu qui propose spectacles, séances de cinéma et expositions) où vous trouverez régulièrement des petites pépites du théâtre!

Le spectacle est tout d’abord cousu autour d’une intrigue poignante qui m’a personnellement beaucoup parlée. On voit évoluer sur scène le silence qu’il peut y avoir dans une famille autour d’événements lourds qui deviennent tabous pour tous ses membres. Ici c’est la mort d’un frère puis la disparition d’une mère, mais on sent que la situation pourrait s’appliquer indifféremment et métaphoriquement à bien d’autres contextes générateurs de non-dits. A l’heure des familles séparées, recomposées, compliquées, on nous parle d’enfants délaissés par leurs parents à la suite d’événements tragiques et qui n’ont pas d’autres choix que de s’en sortir seuls. On nous décline leurs réactions, d’abord collectives puis de plus en plus personnelles et individuelles, puis leurs chemins de vie, près ou loin de leur blanchisserie familiale, qui peuvent véritablement parler à chacun d’entre nous. Plongé dans cet univers très particulier, le public accepte d’emblée la cohabitation du monde des buffles, dans une cosmologie animalière explicite, et celui des humains: ils s’hybrident principalement au niveau du langage, au-delà de l’anthropomorphisation des buffles. Le suspens, moteur indispensable et rondement mené de cette pièce, amène les spectateurs aussi bien que les personnages vers la révélation finale: l’explication des comportements des deux parents, troubles jusqu’alors, qui permettra ou non aux enfants de s’en sortir et d’avancer. On attribue donc de nombreux bons points à ce texte dense, riche de sens et très bien travaillé dans tout son déploiement scénique.

Il convient de s’attarder sur les marionnettes elles-mêmes, fruits d’un long travail de réflexion, d’observation et de recherche. Les Rats ont, en effet, eu la chance de visiter l’atelier de fabrication de marionnettes de la compagnie Arnica à l’occasion de la Nuit de la Marionnette de Bourg-en-Bresse (01). Un espace assez magique où l’on pouvait voir les croquis préparatoires, les premiers essais, les structures des squelettes de buffles, et toute la préparation nécessaire à un rendu aussi réaliste des marionnettes de buffles sur scène et de leur manipulation! Les études étaient précises, le travail minutieux et l’on ne pouvait qu’admirer toute l’analyse faite en amont pour arriver à un tel degré de perfection dans la forme. Ce temps de rencontre passé dans le lieu de fabrique de la compagnie nous avait d’ailleurs grandement teasés. Quand on voit le résultat sur scène: marionnettes (adultes et enfants buffles), masques à taille humaine et décor mobile et perpétuellement en mouvement de la laverie familiale, on ne peut que dire: chapeau bas!

RATure

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