Dark Circus — Théâtre de la Croix-Rousse

Les Rats Des Planches
Les Rats des Planches
4 min readJul 3, 2019

Dimanche 16/12/2018: Dark Circus — Film d’animation en direct et en musique
Compagnie: Stereoptik
Lieu: Théâtre de La Croix-Rousse
D’après une histoire originale de Pef
Concept, mise en scène et interprétation: Romain Bermond et Jean-Baptiste Maillet
Production : Anahi
Tarifs : 5 à 27€ — Spectacle compris dans le programme Balises-Théâtres(une place achetée / une offerte).

Le théâtre de la Croix-Rousse, je crois que je n’y suis pas retourné depuis une sortie avec mon collège. La programmation, que je ne survolais il y a quelques années que d’un œil rapide, me montrait principalement des classiques scolaires, du boulevardier familial et surtout des spectacles musicaux de tous genres: opérettes et comédies musicales, à l’image des antécédents du théâtre liés à la maison de la danse et du genre de prédilection de son directeur, Jean Lacornerie.

Il semblerait que cette scène croix-roussienne mérite un regard plus méticuleux : la programmation s’axe plus sur la diversité d’un théâtre multi-modal, allant chercher dans le circassien, et plus à propos: dans le théâtre d’animation.

On ne présente plus Dark Circus, ni sa compagnie Stéreoptik, venue du Centre (soutenue par le Ministère de la Culture et la DRAC Centre-Val de Loire); leur théâtre d’animation de lumière et d’ombre mêlé au théâtre d’objet n’est pas au stade de l’introduction sur quelque unes des grandes scènes françaises: Les Costumes Trop Grands, Congés Payés (Chalon dans la Rue Off), Stereoptik et Dark Circus — dernière création (Création Festival Avignon 2015), tournent dans toute la France et de nombreux articles leur sont dédiés, à retrouver sur le site de la compagnie: stereoptik.com.

Mais tout de même. On a beau voir à quel point le spectacle est vendeur sur papier et en tête d’affiche, même précédé par la réputation de la compagnie, il reste bluffant. Inutile de s’épancher en adjectifs dithyrambiques: le théâtre était complet, et des enfants en bas age sur rehausseur au couple octogénaire à côté de nous, nous étions tous uniformément ébahis devant la beauté du spectacle, pas un caprice de petit gône, pas un raclement de gorge de catarrheux: l’attention captivée du levé de rideau au salut. Le plus agréable, c’est que ce n’est pas juste un “joli spectacle” comme on peut en trouver tant autour de Noël devant lesquels peut se réunir toute la famille ; celui-ci a plus de consistance, de contenu: un cirque morbide arrive dans un monde fait de noir et de blanc, où la beauté est tâchée de tristesse accompagnée de blues, l’humour est noir et le rire est parfois jaune. Le climat sur scène est beaucoup plus complexe qu’un simple admiration des ‘jolis dessins’, et ceci en grande partie grâce à la prestation musicale de Jean-Baptiste Maillet, l’un des deux sur scène. La musique est artisanale comme l’animation: faite sur scène en live, aidée de pédales de loop et d’effets mais surtout d’une petite pile d’instruments: synthés, guitares et percussions. Maillet enrichit l’espace scénique par un voyage de sonorités qui nous emporte assez loin du confort d’un spectacle familial.

Le plus impressionnant était de voir ce duo sur scène, Jean-Baptiste Maillet musicien et animateur secondaire d’un côté et Romain Bermond, animateur principal et artiste graphique de l’autre, tous deux à leur poste devant leurs établis comme deux chefs pâtissiers dans leur cuisine: ce sont des pros, dans la vaste étendue de formats artistiques, d’outils graphiques et d’instruments différents sur lesquels ils passent et reviennent, chaque geste respire la sérénité d’une conception méticuleusement réfléchie et travaillée à l’épuisement. Bermond va du dessin au sable, à l’encre, à l’eau, aux découpages d’ombres, de la rétroprojection, à la projection directe quand ce n’est pas à une caméra filmant à travers un aquarium… La vitesse et la fluidité des transitions sont parfois des tableaux captivants en elles-mêmes, on en vient même à regretter que leur établis et le travail de leurs mains ne soient pas plus mis en avant.

Une petite retouche que se permet un grand amateur d’expérimentations visuelles dans le théâtre d’animation se résumerait à ceci: la couleur, quand elle arrive, surprend par une arrivée brusque et soudaine. On passe du noir et blanc à un cirque colorié presque trop vivement. Après tant de techniques incroyables pour faire apparaître les formes et les contours par des nuances d’ombres et de lumières, je voyais un potentiel immense pour une apparition plus progressive des couleurs qui se mélangent, qui débordent et qui envahissent les tableaux pour vraiment clore avec un bouquet final digne de ce nom.

Quoiqu’il en soit, mon message est clair: le spectacle joue jusqu’à samedi 22/12. S’il reste des places, jetez-vous dessus.

GraT

Source de l’image

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