No Rose — Petit Théâtre de Gadagne

Les Rats Des Planches
Les Rats des Planches
4 min readJul 5, 2019

Samedi 02/03/19: No Rose
Compagnie L’Ateuchus
De et avec Virginie Schell et Gabriel Hermand-Priquet
Auditorium du Musée des arts de la marionnette — Lyon (MAM) — Musée Gadagne
Tarif plein: 10€ ; tarif réduit: 8€ (le billet donne accès à une visite gratuite du musée)

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“Je ne suis pas sûre que c’était vraiment pour les enfants…” Dans l’auditorium du musée Gadagne en ce samedi, de nombreux parents et grands-parents venus à la recherche d’une distraction pour les plus jeunes. L’ “effet marionnette”, sans aucun doute. Mais sur toutes les lèvres, dès la fin de la représentation, des questions, des murmures et un grand débat: un spectacle peut-il être à partir de 7 ans s’il parle de la mort?

Il faut savoir, tout d’abord, que la compagnie L’Ateuchus qui nous présente No Rose, n’en est pas à son coup d’essai. Créée en 2003 par Virginie Schell et Gabriel Hermand-Priquet, elle cherche avant tout à travailler une écriture contemporaine de la marionnette et est d’ailleurs partenaire du MAM (Musée des Arts de la Marionnette) avec qui elle a travaillé en tant que membre du comité scientifique à la refonte des collections du musée: une remise à neuf, littérale comme figurée, d’un espace dédié à un art à la fois ancestral et actuel. C’est sur ce point précisément que L’Ateuchus souhaite mettre l’accent à travers ses créations, ce qu’on retrouve très présent dans le spectacle No Rose. La marionnette à gaine chinoise, parfaitement maîtrisée par Gabriel qui l’a étudiée plusieurs années auprès d’un maître chinois (Yeung Faï), se révèle un terreau traditionnel tout à fait propice au développement d’une approche moderne du marionnetisme européen. Notamment lorsqu’il s’agit de traiter une thématique que l’on peut penser, de prime abord, délicate à aborder. La dimension rituelle qu’a pu endosser la marionnette, à son origine et dans d’autres pays comme la Chine, ressurgit alors dans un éclair contemporain: cette forme, qui était le plus souvent utilisée à l’occasion de fêtes religieuses pour la distraction des Dieux et devenue au fil des siècles un style d’opéra chinois miniature avec des particularités inhérentes à ce genre (chants, acrobaties, combats), accompagne le passage d’un monde à un autre comme un pont entre le monde des vivants et celui des morts, mais aussi comme un médium reliant la réalité des adultes à celle des enfants. Et si l’on s’attache de tout cœur à cette Rose qui ne veut pas partir, le spectacle nous accompagne doucement à l’acceptation de cette dure réalité… Grands et petits.

On ne peut être qu’admiratifs face à tous les détails qu’offre ce spectacle, puisque tout est « fait maison ». Le travail sur les marionnettes est impressionnant, je pense à l’articulation des mains de la 1ère Rose qui requiert d’ailleurs les deux mains du marionnettiste pour être manipulées et demande donc un long apprentissage pour être maîtrisée. Rose peut ainsi saisir des objets tels qu’une théière, un balai ou un plumeau au point qu’elle serait presque dotée des mêmes possibilités motrices qu’un comédien. Je pense aussi à la précision du combat entre Rose et la Mort, avec ces ralentis, ces changements d’armes et ces figures exécutées à la perfection. C’est aussi de plus infimes particules de décors parsemés dans le castelet, comme les fleurs qui finissent par pousser au contact du thé.

L’histoire est remplie d’humour, avec cette grand-mère à l’accent britannique qui parle et interagit avec tous les objets de son quotidien comme s’ils étaient vivants (sa lampe monte et descend sur commande pour éviter de trop la fatiguer!) jusqu’à en perdre parfois son latin. On en vient à rire de la Mort qui, ici, ne fait pas figure de personnage sérieux et grandiloquent: il nous est présenté, au contraire, sous un angle nouveau, comme un enfant qui refuserait la défaite parce qu’il n’a pas l’habitude qu’on lui résiste et qui serait prêt à en faire un caprice… Jusqu’à ce que le marionnettiste lui-même vienne à lui remonter le moral. Après tout, « la mort gagne toujours à la fin », et ce spectacle n’est pas une exception à la règle. Seulement la transition entre le monde des vivants et celui des morts se fait de façon très onirique et imagée, accompagnée par de nombreuses références visuelles notamment à l’art du cinéma, qui traverse toute la représentation, allant du western à Chaplin en passant par Matrix.

On sort de cette expérience émerveillés, mais aussi touchés, qu’un sujet aussi fort ait su capter l’attention de tout le public jusqu’au bout et éveiller les curiosités, notamment des plus jeunes. On entend encore tout un tas de questions qu’ils posent à leurs aînés, comme une occasion d’évoquer ce dont on ne prend jamais vraiment le temps de parler, surtout en famille. Les marionnettes ne sont donc pas vraiment des instruments à adoucir les mœurs… Mais les enfants apprécient qu’on leur parle enfin comme à des égals.

RATure

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