La philanthropie : un rôle catalytique dans l’atteinte des ODD
#Convergences, mardi 6 septembre, 15:00. Notre Dame des Victoires
Le monde de la philanthropie change : la charité fait place à l’investissement et la coopération avec les Etats atténue le rôle supplétif qu’endossaient jadis les fondations. Est-on à l’aube d’un changement de paradigme dans lequel philanthropie, entrepreneuriat et Etats agiront de concert pour l’atteinte des ODD (Objectifs du Développement Durable)? La conférence du mardi matin au Forum mondial Convergences donnait quelques éléments de réponse.
Philanthrope, Bill Gates l’est assurément. La dotation record de sa fondation d’un montant de 42 milliard d’euros est à ce point élevée que l’organisation a la possibilité d’imposer son tempo et ses sujets de prédilections à ses partenaires dont l’ONU fait partie. Beatrice Nere qui représente la Fondation Bill et Melinda Gates en Europe intervenante à la conférence explique: “la fondation porte la marque de son fondateur avec une approche et une stratégie “Business” qui oriente la philanthropie vers une gestion orientée investissements. Le retour est important et il pourrait l’être davantage : nous pourrions encore diviser la mortalité infantile par deux d’ici 2030 ”, précise-t-elle.
Dans ce contexte la mesure d’impact social est considérée comme stratégique, chaque dollar investi devant prouver son efficacité et son efficience. Un constat régulièrement avancé dans les conférences du forum. Jusqu’à agacer ce dirigeant associatif présent dans la salle ce matin-là: “d’accord mais la mesure d’impact a coûté 10 000€ au budget associatif et a occupé une partie de mon temps et de celui de mes équipes … n’est-ce pas disproportionné ?! ”.
La coopération, condition sinequanone pour l’atteinte des ODD
Un non-sens que Bathylle Missika ne récuse pas. Conseillère principale auprès du Directeur et Chef de l’unité des partenariats et des réseaux du Centre de développement de l’OCDE, elle œuvre pour que les fondations collaborent entre elles et avec les Etats. Plus que la mesure d’impact, ce serait d’après elle la condition de leur réussite et de l’atteinte de leurs objectifs.
Pour Clare Woodcraft, Directrice de la fondation Emirates pour les jeunes en détresse, c’est essentiel : “on ne peut rien faire seul, nous devons absolument travailler en collaboration et coordonner nos actions avec les pays dans lesquels nous travaillons”. Et d’ajouter “nous avons appris à parler la langue des organisations étatiques bien que pour nous, la bureaucratie excessive et la vision court-termiste de ces organisations mériteraient d’être revue. Là où les Etats accordent des subventions d’un an — on ne peut rien changer en un an ! — , nous accompagnons des initiatives sur le long terme, sur plusieurs années en prenant des risques”. Une différence culturelle, mais aussi une complémentarité dans l’approche.
Matt T. Reed de la fondation Aga Khan soulignait justement que la diversité des instruments et approches dans la manière de résoudre des problématiques sociales appelle à des solutions hybrides et des partenariats publics-privés. Et d’ajouter “parfois les innovations ne tiennent pas à grand chose. En Afghanistan nous n’avons pas innové techniquement quand nous avons répliqué des solutions locales qui fonctionnaient pour que les filles puissent aller à l’école”.
Les organisations doivent donc apprendre mutuellement en collaborant ensemble. C’est l’objet du Framework (environnement de travail commun) développé par le réseau netFWD. En 2012, l’OCDE lançait ce réseau de fondations engagées dans l’optimisation de l’impact de la philanthropie pour le développement. Sa mission est de faciliter le dialogue et les partenariats entre les fondations et les gouvernements. Un travail parfois fastidieux, les fondations étant des acteurs libres et déconnectées du politique : ce qui fait leur force et parfois aussi leur faiblesse.
Renouveler le logiciel du développement
Il correspond cependant à une tendance de fond et une envie d’efficacité portée par la jeunesse. Clare Woodcraft le rappelle : “la jeunesse attend de l’efficacité. A titre d’exemple, nous savons que de nombreuses fondations travaillent de manière isolée sur la question du chômage qui est elle-même portée par les gouvernements … travaillons ensemble pour plus d’efficacité”, plaide-t-elle.
Habituées à manier des outils et méthodes proches de l’entrepreneuriat ou du marché avec flexibilité comme le co-financement de projets et le développement de partenariats, dans les social impact bonds britanniques par exemple, les fondations peuvent aujourd’hui contribuer à renouveler le logiciel du développement. Le rôle que l’OCDE joue aujourd’hui peut permettre à la philanthropie et à l’action publique d’agir dans le même sens : aiguiller leurs actions pour que la coopération entre acteurs créé des synergies et optimise leur impact.