Les alliances qui changent les territoires: comment répondre ensemble aux défis de l’avenir?

#Convergences, mardi 6 septembre 2016, 11h45, Salon Napoléon

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Conférences, tables-rondes, rencontres, remises de prix et workshop pour l’atteinte des 3Zeros… Le 9ème Forum Mondial fut aussi le théâtre du lancement d’un MOOC important pour l’avenir des dynamiques locales: « Les alliances qui changent les territoires ». L’occasion pour Charles-Benoît Heidsieck, fondateur du Rameau et Thierry Sibieude, Professeur titulaire de la Chaire Entrepreneuriat Social de l’Essec, créateurs de ce cours en ligne, de réunir acteurs locaux et experts nationaux pour montrer la puissance et le potentiel des nouvelles alliances sur les territoires.

Le salon Napoléon du Palais Brongniart. Crédits photo: Yann Castanier

Les territoires sont confrontés à des enjeux économiques, sociaux et sociétaux majeurs, auxquels aucun acteur ne peut plus répondre seul. Face à ces défis, l’alliance au local entre organisations, quel que soit leur statut et leur objet, apparaît comme une voie prometteuse pour répondre de façon innovante et efficiente aux problématiques rencontrées.

Le collectif Sylver Geek, en Poitou-Charentes, est emblématique de ces mouvements locaux créateurs d’innovation au profit des plus fragiles d’entre nous. Le projet est une expérimentation régionale ciblant les structures qui accueillent ou touchent des personnes âgées. Il vise à rompre l’isolement des seniors et à favoriser le lien social intergénérationnel en utilisant les outils numériques dernier cri : Console de jeux, tablettes numériques, etc.

« Sylver Geek est le fruit d’une mobilisation très large incluant entreprises, acteurs publics et associations dans le cadre d’une dynamique régionale pour répondre ensemble aux enjeux du territoire », explique Karen Toris, chargée de projets au sein du programme de solidarité numérique Solidatech, porté par les Ateliers du Bocage, entreprise d’insertion membre d’Emmaüs France.

« Le collectif n’a pas d’existence juridique, la gouvernance est tout à fait collégiale, c’est du co-pilotage intégral avec pour seul moteur la construction du bien commun. Il n’y a pas de porteur attitré. Chacun participe à hauteur de ses moyens et de son métier. L’ensemble des partenaires se place dans une posture d’égalité, avec son champ d’expertise. ça génère la confiance indispensable à la créativité », explique-t-elle.

« La structuration juridique implique nécessairement une structuration financière. Et ça, c’est la partie la plus Rock’n Roll », indique de son côté Pascal Charrière, directeur de l’action coopérative de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes, qui accompagne au local un certains nombre de projets collectifs. « Une des clés, c’est la bonne volonté partagée, qui doit être le préalable de tout. Il faut oser et se lancer. Ensuite, pour répondre à des problématiques locales, il faut procéder localement, avec des gens du territoire et à la manière du territoire »

Et Pascal Charrière de citer l’exemple du projet Lyonnais, « La vie grande ouverte » qui réunit dans le cadre d’un partenariat ambitieux, université, bailleurs sociaux, hôpital et associations œuvrant auprès des personnes âgées. « Un projet fou qui a consisté à reconvertir les prisons Saint Paul et Saint Joseph de Lyon, désaffectées depuis 2009, en un ensemble hors norme, accueillant commerces, familles, étudiants et personnes âgées. Un lieu ouvert sur la cité, inventant de nouvelles relations citoyennes entre des populations différentes », explique le banquier.

Pour Emmanuel Dupont, responsable de l’animation scientifique et de l’innovation au Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET), « c’est la volonté de jouer collectif qui est à la base de toutes les initiatives réussies. Et la subvention n’est pas forcément le bon modèle. Celui-ci a tendance à formater, au détriment de la créativité. Et il est éparpillant: il place les uns en position de financeurs et les autres en position de financés », explique-t-il.

Avec l’essor des nouvelles alliances, la place de la puissance publique est nécessairement appelée à évoluer dans les process d’innovation. “On s’achemine vers une époque où l’argent public ne servira plus à financer, mais plutôt à garantir l’investissement dans le cadre d’expérimentations plus nombreuses, qui deviendront elles-mêmes prescriptrices en matière de politiques publiques locales et nationales », assure-t-il.

« C’est intéressant dans le champ social et solidaire où les démarches d’incubation et de R&D sont quasi-inexistantes, explique Emmanuel Dupont qui ajoute: le mouvement a d’ailleurs déjà commencé. J’entends déjà des maires me faire part de leur désarroi : « on ne me demande plus de subvention ! »

Pour lui, l’Etat doit par ailleurs avoir un rôle d’ensemblier, en repérant, expertisant et capitalisant l’innovation en allant bien au-delà des simples fiches d’expérience. “ Il s’agit de mutualiser cette information sur tous les territoires, afin de ne pas inventer l’eau chaude à chaque fois, et faire en sorte que les expériences réussies fassent jurisprudence au niveau administratif, au local, dans les services déconcentrés de l’Etat partout en France », poursuit-il.

Pour Charles-Benoît Heidseick, président et fondateur du Rameau, « le tout Etat ou le tout marché sont à eux seuls insuffisants pour répondre aux très nombreux défis que charrie l’avenir. Il faut à présent considérer que les innovateurs ont une co-responsabilité dans la fabrication des politiques publiques. Et les organisations privées et associatives ont elles aussi un rôle à jouer dans la construction du bien commun », explique-t-il.

“Il ne s’agit pas d’une injonction morale, les résultats sont là, évalués, démontrés. Associations et entreprises peuvent jouer un rôle d’éclaireur pour la démocratie. Dès lors, la rencontre entre acteurs sur les territoires est fondamentale, comme c’est le cas en Alsace avec le Labo régional des partenariats, afin de créer des écosystèmes favorables à ces nouvelles alliances qui produisent des actions transformatrices », assure-t-il.

Aujourd’hui, en France, 37% des entreprises s’inscrivent dans cette dynamique d’alliances. “Le mouvement est en marche sur les territoires et il continue inexorablement. Mais il nous faut encore être patient, car la clé du succès pour que les enjeux soient compris par un nombre plus important d’acteurs, c’est le temps”, explique le président fondateur du Rameau en conclusion de la séance.

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Seb Poulet-Goffard
Les temps forts de #Convergences 2016

formateur - auteur - consultant #ESS et #solidarités. Ancien travailleur social. Aux manettes de la CGA, avec quelques Autres