Monde de la finance et changement sociétal : quel rôle et quelle place ?
#Convergences, lundi 5 septembre, 11h30. Grand Auditorium.
Pour résoudre nos défis sociétaux et environnementaux de grande ampleur, le financement des initiatives porteuses de solutions est un enjeu majeur. Comment passe-t-on de l’idée à la réalisation pour au final faire système? Dès son ouverture, le 9e Forum mondial Convergences a questionné la capacité de “l’industrie financière” à contribuer à la transition en cours.
Ca n’a pas échappé aux participants qui ont assisté à la table ronde : un changement de modèle semble amorcé. Si l’on en croit les intervenants qui ont tenté de répondre, chiffre à l’appui, à cette question qui leur a été lancée : “comment la finance fait aujourd’hui face à une demande croissante d’éthique?”.
Transparence et confiance : des éléments clés pour réhabiliter la finance
Joaquim Levy, manageur des risques financiers pour la Banque mondiale, souligne d’entrée de jeu : “Bitcoin, Blockchain, Crowdfunding constituent des tendances de fond et traduisent le besoin des citoyens de se réapproprier le financement de leurs activités et d’innover”. Dès lors les acteurs historiques doivent s’adapter à ces mutations.
Pour Jean-Louis Bancel, président du Crédit Coopératif, c’est une question stratégique. “Les clients votent avec leur pieds et quittent une banque qui ne satisfait pas ce besoin d’éthique”. Les dépositaires souhaiteraient de plus en plus que leur argent soit utilisé à des fins utiles, en témoignent l’évolution positive de la finance solidaire et des Investissements Socialement responsables (ISR). Le banquier articule sa réflexion autour de la formule des 3C : Confiance, Cohérence et Constance pour construire une finance éthique durable.
Une réflexion que mène également la BNP, consciente que la transparence est une exigence nouvelle mais complexe à mettre en oeuvre dans un milieu traditionnellement régi par le secret et la confidentialité. “Il y a une volonté d’ouverture de la banque avec la mise en place d’un comité d’éthique composé en partie de personnes extérieures à la banque”, indique Laurence Pessez, Déléguée à la RSE. “Pour répondre aux besoins de financement des entreprises sociales, nous avons par ailleurs mis en place une véritable machine de guerre, avec 70 personnes spécifiquement dédiées et plusieurs millions d’euros de crédit déjà accordés en France”, ajoute-t-elle.
La Banque Européenne d’Investissement (EBI) est quant à elle le premier bailleur de fonds au monde pour le financement de projets favorables au climat dans le cadre des politiques européennes, avec 20,4 milliards en 2015 et 100 milliards dans les cinq prochaines années. A titre d’exemple, elle a financé le projet sans précédent de centrale solaire de la région de Ouarzazate qui approvisionne près de 200.000 Marocains en électricité verte. La banque de l’Union européenne et ses 70 milliards de projets financés, tâche d’intégrer la mesure d’impact social et environnemental de ses financements de manière transversale.
“Actuellement, le monde est en passe de rendre obligatoire l’éthique dans la finance et cela va tout changer”. Matt Christensen. Axa.
L’éthique devient-elle mainstream ?
“L’engagement des institutions financières se transforme aujourd’hui en réelle imprégnation”, explique Nicolas Blanc, présent au titre de la Caisse des Dépôts et del’ORSE (Observatoire de la responsabilité sociale des Entreprises) dont il est administrateur. L’organisation promeut l’Investissement Socialement Responsable (ISR) dans le cadre de la démarche RSE des organisations financières et pallie leur manque de méthode et de transversalité en éditant des guides pratiques. “La Caisse des Dépôts traite par ailleurs tous ses portefeuilles d’actifs en les examinant avec le critère de la décarbonation”, précise-t-il .
“Actuellement, le monde est en passe de rendre obligatoire l’éthique dans la finance et cela va tout changer” affirme quant à lui Matt Christensen, chef des investissement responsables d’Axa. L’engagement de l’assureur pour le désinvestissement progressif des énergies produites à base de charbon aurait par ailleurs permis une annonce-déclic lors du Climate Finance Day.
Il semble en tout cas que la place financière de Paris assiste à une mobilisation inédite de ses acteurs. “La Green Finance et ses obligations vertes ainsi que l’Investissement Socialement Responsable (ISR) sont des outils essentiels pour faire de la finance un acteur responsable.” indique Arnaud de Besson, délégué général d’Europlace. L’expertise de cabinets comme Vigeo en matière de notation des organisations et de conseil en investissement responsable, de même que la labellisation par des acteurs comme Finansol de ce type de produits semblent être des appui précieux pour faire progresser la finance éthique avec davantage de confiance et de transparence.
Financer avec éthique? Une question de moyens mais également de méthode. Les Social impact Bonds, nés au Royaume-Uni et actuellement en cours d’expérimentation en France (Contrâts à Impact Social), font actuellement couler beaucoup d’encre.
La question de l’éthique est pour une grande part liée à la mesure efficace et pertinente de la “performance” des actions sociales. Définir ces notions et critères reste un chantier d’ampleur.
Actions 3Zéros
Deux actions qui contribuent à atteindre l’objectif zéro carbone, zéro exclusion, zéro pauvreté labellisée Contrât à Impact Social.
La sauvegarde du Nord
La Sauvegarde du Nord est une association recensant 1500 professionnels autour de 5 pôles : inclusion sociale, handicap, addictologie, santé et protection de l’enfance. C’est sur ce champ d’activité qu’elle expérimente les contrats à impact social. La Sauvegarde du Nord propose de missionner 10 travailleurs sociaux, qui interviendront en complément des équipes habituelles, auprès de familles dont la situation rend possible un placement des enfants. Ce programme permettrait de passer d’un taux de placement 6,42 % (taux moyen sur les 3 dernières années) à un taux compris entre 5,42 et 5,92. Soit 35 à 70 placement évités par an (100 à 200 placements évités sur les 3 ans). Soit une économie de l’ordre de 4 à 8 millions pour la collectivité, pour un cout estimé à 1.4 millions sur 3 ans. Les investisseurs privés (BNP pressentie) + CDC pourraient bénéficier d’un taux de retour sur investissement compris entre 0 et 6 % en fonction de la réussite du programme.
Passeport Avenir
Passeport avenir propose un programme de tutorat individuel visant à réduire le risque de décrochage scolaire de jeunes défavorisés en milieu rural. Son savoir-faire a été évalué et reconnu, mais Passeport ne parvient pas à s’implanter en milieu rural, les tuteurs y étant difficiles à trouver. L’association a donc choisi de lancer un contrat à impact social, reposant sur l’accompagnement, pendant cinq à six ans, de 450 élèves de terminale (filières technologique ou professionnelle), boursiers échelon 6 et 7 (les plus défavorisés), dans des zones difficiles d’accès. Le projet, d’un montant de 2,4 millions d’euros est porté avec BNP Paribas qui se positionne également comme investisseur et d’autres partenaires devraient suivre. Le taux de rendement annuel qui leur sera servi devrait être inférieur à 5 %, ce qui est très peu pour un investissement à risque.