S’assurer contre le risque de crises : une voie vers la transition humanitaire ?

#Convergences - Mardi 6 septembre, 11 :30. Salon d’honneur.

Farah Priv
Les temps forts de #Convergences 2016
5 min readSep 9, 2016

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Acteurs publiques, ONG, représentants du secteur privé ou académiques, tous s’accordent aujourd’hui autour de l’idée que la prévention des risques et la planification préalable des interventions en cas de catastrophes naturelles permettent d’alléger les conséquences humanitaires et de faire de précieuses économies. Au côté des politiques publiques et des recours à l’aide traditionnellement utilisés, des mécanismes assurantiels se sont récemment développés dans les stratégies de prévention des pays les plus vulnérables aux catastrophes, et notamment sur le continent africain. C’est sur la base de ce constat partagé que s’est ouvert la conférence sur les nouveaux acteurs et enjeux des systèmes assurantiels, outils encore peu connus dans le cadre de la transition humanitaire.

De gauche à droite : Christiane Rafidinarivo, Assia Sidibe et Tanguy Touffut

Co-organisée par le Fonds Croix-Rouge française, l’intervention rassemble trois intervenants, à différentes échelles : Assia Sidibe, Country Engagement Manager en charge de l’Afrique Centrale et de l’Ouest à l’ARC (African Risk Capacity), Tanguy Touffut — Directeur du département d’Assurance Paramétrique d’AXA Corporate Solutions (un des réassureurs de l’ARC), et Christiane Rafidinarivo, docteure en sciences politiques dirigeant actuellement des recherches sur le Bureau National de Gestion des Catastrophes Naturelles (BNGRC) à Madagascar.

L’Assurance : une nouvelle frontière en Afrique ?

La Mutuelle panafricaine de gestion des risques (ARC) est une institution spécialisée de l’Union africaine, créée par et pour les états africains afin de les accompagner dans la réduction des risques de pertes et dommages causés par des évènements climatiques extrêmes et désastres naturels affectant les populations du continent, via une solution globale et intégrée.

Celle-ci combine quatre éléments essentiels : l’alerte précoce, la planification (plans de contingence), l’assurance et le mécanisme de financement adapté pour une réponse rapide.

Basés sur le modèle de l’assurance paramétrique, notamment la définition d’un indicateur de sécheresse et de paramètres climatiques établis avec les états membres, les mécanismes assurantiels mis en place par l’ARC offrent une gestion dynamique des risques, économiquement plus rentable et efficace. L’ARC permet ainsi de renforcer le lien entre les systèmes d’alerte précoce existants et les plans de contingence nationaux en garantissant, en cas de besoin, une disponibilité immédiate des fonds.

C’est d’autant plus important que, comme l’indique Tanguy Touffut, « les modèles montrent que pour sortir du cycle de pauvreté, les interventions sur le terrain doivent s’opérer dans un délai moyen de 3 mois. »

African ownership and leadership

En transférant la gestion des risques climatiques à l’ARC, les Etats sont ainsi plus aptes à renforcer la résilience de leur population et à mieux planifier, préparer et répondre à des événements climatiques extrêmes.

« C’est une réponse fondée sur l’African ownership and leadership, et sur le principe de solidarité. Les états membres travaillent ensemble à l’élaboration et à l’évolution d’un outil qu’ils s’approprient, multidisciplinaire et fédérateur dans la mesure où il implique différents acteurs publics au sein de l’appareil étatique. Notons que les états signataires paient une prime d’assurance prise sur le budget de l’Etat, ce qui constitue une décision politique courageuse au regard d’un outil aussi novateur que l’assurance en Afrique » souligne Assia Sidibe.

Actuellement 7 pays sont assurés. L’objectif stratégique de l’ARC est d’élargir le nombre de pays membres de sa compagnie d’assurance affiliée ARC Insurance Company Limited (ARC Ltd) à 30, en leur fournissant une couverture maximum d’assurance contre les risques de sécheresse, d’inondations et de cyclones, à hauteur de 1,5 milliard de dollars US.

Cet objectif ne semble pas illusoire et est d’autant plus pertinent que, comme l’indique Tanguy Touffut, « Le changement climatique va augmenter considérablement la volatilité des extrêmes météorologiques. Aujourd’hui le coût global des risques liés au changement climatique représente entre 5 et 20% du PIB mondial. »

Transition humanitaire : l’autonomisation des gouvernements

Cependant, comme le rappelle Assia Sidibe, faisant écho aux propos du docteure Christiane Rafidinarivo sur le cas particulier de Madagascar, «l’assurance contribue à une meilleure gestion des risques mais ne constitue pas une réponse unique et isolée à la transition humanitaire. D’ici 40 ou 50 ans, l’Afrique aura encore besoin de s’appuyer sur l’apport des institutions de l’ONU et d’autres acteurs humanitaires (ONG). Il nous faut donc continuer à travailler avec les Etats et les professionnels de l’humanitaire pour construire des outils durables, qui s’inscrivent dans les mécanismes publics et non en parallèle. »

C’est dans cet objectif de promotion d’une meilleure allocation des ressources internationales plus rentable et opportune que s’inscrit l’initiative REPLICA, portée par l’ARC, basée sur la duplication des contrats d’assurance des pays aux acteurs humanitaires, notamment les institutions de l’ONU.

La définition du statut du Bureau National de Gestion des Catastrophes Naturelles (BNGRC) à Madagascar exposée à travers la présentation de Christiane Rafidinarivo illustre assez bien cette réflexion sur l’encadrement et la gestion des ressources internationales dans un contexte de crise politique et humanitaire prégnant : « le nouveau rôle du BNGRC voté par l’Etat est notamment de coordonner les plans de contingence et de s’assurer de la traçabilité et de l’utilisation des fonds humanitaires internationaux sur le terrain, ce afin de garantir une meilleure synergie entre acteurs publics, humanitaires et politiques. Transition politique et transition humaine sont liés. »

C’est enfin sur une note constructive que le Fonds Croix-Rouge française clôt la séance indiquant qu’à l’issue de cette rencontre, il travaillera en collaboration avec les 3 intervenants présents à la définition et au financement de projets de bourses de recherche ciblés sur la transition humanitaire et les systèmes assurantiels.

Vers les 3Zeros — REPLICA

En dupliquant les contrats d’assurance des pays, les ressources internationales en provenance des institutions de l’ONU (organisations internationales) et autres acteurs humanitaires (ONG) seront utilisées de manière plus rentable grâce à la participation au système de gestion des risques dirigée par les pays de l’ARC, tout en doublant la couverture de l’assurance contre les risques climatiques. Les pays qui manquent de capacités financières et opérationnelles pour l’expansion de leur couverture au-delà de celle dont ils ont fait eux-mêmes l’acquisition, bénéficieraient ainsi de l’apport par les acteurs humanitaires internationaux d’un financement accru fondé sur l’assurance et d’une mise en œuvre opérationnelle mise à l’échelle, coordonnée et rapide. Dans ce contexte, les plans de contingences des organismes humanitaires seraient soumis préalablement à l’approbation des pays africains permettant ainsi de garantir le maintien du leadership de l’Etat et une certaine transparence du système.

Farah Privé

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