Jamais à bout de souffle, l’équipe infographie des « Echos »

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lesEchosLeParisien
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5 min readSep 26, 2022

Emmanuel Macron a enfin inauguré jeudi 22 septembre, près de Saint-Nazaire le premier parc éolien en mer de France, censé incarner « l’ambition de la France pour le développement à grande échelle des énergies renouvelables » : « 80 éoliennes d’une puissance de 480 MW capables de répondre à 20 % des besoins en électricité de la Loire-Atlantique », annoncent « Les Echos ». Une ambition encore mesurée, donc.

La France ne peut que faire mieux à l’avenir.

Il existe néanmoins un léger souci pour l’éolien, repéré par la rédactrice en chef chargée des enquêtes aux « Echos », Lucie Robequain : les vents faiblissent en Europe de l’Ouest. Ils ont rarement aussi peu soufflé depuis quarante ans, comme l’explique le dernier rapport du programme Copernicus, European State of the Climate 2021.

Le vent souffle au sud-est de l’Europe…

De l’Irlande à l’Allemagne, en passant par le Royaume-Uni et le Danemark, soit là où se trouvent le plus de parcs offshore, la moyenne annuelle de la vitesse du vent a même baissé jusqu’à 10% par rapport à la moyenne enregistrée sur la période 1991-2020. Certes, ils forcissent ailleurs, dans le sud-est du continent, les Balkans, la Grèce, la Turquie, là où l’équipement éolien est minimal…

…mais les éoliennes ne sont pas là pour en faire de l’électricité.

Pour aller plus loin que ce gros titre alarmiste (Pétole !) et des conclusions qui en découlent (inutile de construire des éoliennes), il fallait donc entrer dans le détail des données fournies par Copernicus — et le programme européen n’en est pas avare : pour chaque quart de degré de latitude et de longitude (4 × 360 × 4 × 360 = 1.036.800 points), à 10 et à 100 mètres (vent de surface) pour chaque demi-heure de 1959 à 2021 (62 ans × 365,25 jours × 24 heures × 2 = 1.086.984). Arrondissons à 1.127 milliards de données, horodatées et géolocalisées.

Pythagore rencontre Python

Comment traiter et visualiser une telle masse ? Un travail pour l’équipe de Jules Grandin, au service infographie des « Echos ». D’abord circonscrire l’espace qui nous intéresse (l’Europe, 68° de longitude, 46° de latitude, soit un peu plus de 50.000 points, 20 fois moins que pour l’ensemble du globe), la mesure (la vitesse du vent à 100 mètres d’altitude seulement). Et faire intervenir celui que l’on surnomme en toute simplicité « le sorcier du Javascript » (du Python, dans ce cas, mais on ne change pas comme ça le nom de l’artiste), Tom Février. Sans oublier les graphiques de contexte qui permettent d’interpréter la carte, dévolus à Geneviève Thibaud.

Hélas, se lamente Tom Février, il manque des données à 100 mètres de hauteur : « Seules sont disponibles les composantes du vent, c’est-à-dire sa vitesse horizontale u (en direction de l’est) et verticale v (en direction du nord). Pour recalculer la vitesse du vent, c’est-à-dire la magnitude du vecteur du vent, il faut utiliser… le théorème de Pythagore.

Pour chacun des plus de 50.000 points de la zone (271 longitudes / 185 latitudes), il faut alors recalculer la vitesse du vent à partir de u et v pour chaque heure (8760 par an), et prendre la moyenne. Deux fois. »

Cinq heures de calcul plus tard, on obtient une carte des anomalies (là où le vent souffle plus fort ou moins fort) par paliers de 5% en projection isométrique (chaque quart de degré fait la même taille, ce qui fait que le pôle, qui n’est qu’un point représente toute la largeur de la carte). C’est là qu’intervient le cartographe (Jules Grandin) pour rétablir la rondeur de la Terre et une représentation conforme aux distances réelles.

Astucieux, ce cadre qui fait comprendre au lecteur la projection rectifiée.

En prime, pour la version Web, deux animations, inspirées de la carte des vents de Fernanda Viégas et Martin Watterberg (tous deux professeurs à Harvard et membres de la Google’s People+AI Research initiative), permettent de voir, mieux encore, les vents s’écouler différemment en 1959 et en 1921 et les flux qui augmentent ou diminuent (notamment au large du Finistère, dans les zones Ouessant, Iroise et Yeu ; au débouché du Rhône, zone ligure ; frôlant le Portugal, zone Sao Vicente ; le Péloponnèse, zone South Ionio ; et toute l’Asie mineure, zones mer Noire occidentale, Marmara et mer Égée — réminiscence d’anciennes écoutes des bulletins de la météo marine à la radio). « Concrètement, on génère plusieurs milliers de particules qui vont se déplacer dans la bonne direction et à la bonne vitesse en fonction de leur position dans le champ de vecteurs (= la grille de 50.000 points), en laissant une traînée derrière elles », détaille Tom Février.

Allez voir la version animée sur l’article web des « Echos », lien au bas de l’article.

L’enquête de nos trois infographes, à retrouver dans « Les Echos » du jeudi 22 septembre 2022.

et sa version web enrichie :

Comment la baisse des vents contrarie l’éolien

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