2020 : passer de la « transformation numérique » à l’activation de projets.

Depuis une dizaine d’année les médias gèrent la transition. Réorganisation des équipes, nouveaux outils, formations à de nouvelles compétences, mais aussi restrictions budgétaires drastiques et licenciements nombreux. Tous les acteurs n’en sont pas au même point, mais l’enjeu majeur est le même pour tous : basculer dans une phase de développement de nouveaux projets. Il faut passer des « bonnes intentions » en interne à des projets concrétisés.

18 mois que nous accompagnons des entrepreneurs, des salariés, des étudiants avec la méthodologie développée lors de nos programmes d’incubation. Et à chaque fois, cette impression d’être confrontés à des gens qui, au fond, pensent que leur projet n’aboutira pas.

Les étudiants pensent que leur projet ne peut être viable qu’en passant par le filtre d’un grand média. Les entrepreneurs ont le sentiment que les compétences à acquérir pour mener à bien leur projet sont trop nombreuses. Chez les salariés, c’est généralement la défiance envers la direction qui l’emporte : trop de projets lancés et jamais aboutis, trop de temps perdu en « transformation numérique », ateliers, réunions diverses, trop de camarades partis pour cause de réduction d’effectif… et le sentiment parfois qu’il n’y a pas vraiment d’issue.

Du Medialab de l’ESJ aux projets montés avec des médias « traditionnels » comme Le Point, en passant par nos parcours entrepreneuriaux et nos formations, nous retirons une fierté : celle de voir la majorité des gens accompagnés repartir avec ces mots à la bouche : « C’est possible, on l’a fait. »

Nous sommes dans un changement de phase. Il faut avancer. Il faut arrêter de se retourner sur un passé disparu et enfin construire l’avenir. Et cela implique de quitter l’ère de la « transition numérique » pour entrer dans « l’activation de projets ».

Il faut faire, lancer, tester, régulièrement, âprement, avec méthode et dans une économie de moyens.

Les plans de transition numérique étaient utiles. Il fallait basculer d’un monde à l’autre. Repenser des organisations internes qui n’avaient pas bougé depuis des décennies. Repenser des process, des outils, des compétences. Et réaliser tout cela dans un contexte économique difficile.

Mais le fait de donner du sens a beaucoup été oublié, au passage. Ces changements : dans quel but ? Pour produire quoi ? Pour qui ? Avec quels revenus ?

« Il faut que les journalistes papiers écrivent pour le web ! Il faut former tout le monde au SEO ! Il nous faut un backoffice commun. »

Ok. Bien sûr. Utile et souvent indispensable. Mais une fois que les journalistes papiers ont un backoffice commun avec le web, qu’ils font eux-même une belle titraille SEO-compatible et qu’ils écrivent régulièrement sur le site, une interrogation surgit souvent : « So What ? »

Ces outils, ces process, ces compétences ne valent rien si le média n’a pas en profondeur repensé son rôle, ses objectifs, ses canaux de distribution et d’acquisition, etc.

Si tous ces savoirs nouvellement acquis ne sont pas là pour servir un projet concret.

Pour cela, il faut accompagner et former des générations de dirigeants et de managers à repenser de façon plus entrepreneuriale leur média. A ne plus juste gérer la chute — ou la transition au mieux- mais à construire la suite. Et c’est une posture radicalement différente, sur laquelle nous reviendrons.

Mais l’accompagnement des équipes via la lancement de nouveaux projets doit à nos yeux être au centre. Reconstruire le média en embarquant la base. Proposer aux journalistes d’acquérir de nouvelles compétences et permettre aux lecteurs/auditeurs/téléspectateurs de tester, réagir, s’engager. Puis, ajuster le projet en fonction des retours des uns et des autres.

Prenons LE projet du moment dans beaucoup de médias : le podcast. « Il faut qu’on se mette au podcast ! » Généralement, c’est le brief. Avec souvent trois approches principales :

• Faire appel à un studio de podcast externe : une belle production, léchée, une arrivée remarquée sur ce marché. Des équipes internes qui n’y connaissent toujours pas grand chose et un apprentissage limité de ce nouveau canal de distribution.
• Former les gens : prise de son, montage, parler dans un micro. Ils reviennent tout guillerets dans leur entreprise, forts de leur savoir. Plusieurs mois après, le podcast n’est pas sorti, ou mal : le projet n’a pas été pensé dans son ensemble, la personne a été prise par ses tâches habituelles, édito / marketing / régie n’ont pas su se mettre d’accord sur les objectifs.
• On y va, on se lance, on achète des micros et on n’a besoin de personne. Je vous laisse les écouter sur Itunes :)

Un peu caricatural ? Sans doute. Si seulement.

Et c’est valable pour : « Il faut se diversifier / lancer de nouvelles newsletter / lancer un événement physique / passer au Membership / lancer nos abonnements payants / être présent sur Snapschat-tiktok-instagram » et j’en passe.

Basculer en mode intrapreneurial autour d’un projet.

C’est l’approche que nous proposons dans nos parcours d’accélération, de formations et dans nos missions de conseil. Considérer que quelle que soit la forme choisie, les personnes qui passent entre nos mains doivent repartir avec certains acquis :

• La certitude qu’ils sont en capacité de faire aboutir le projet.
• La conscience que ce projet doit être mené avec des objectifs clairs, avec toutes les équipes concernées, pour des résultats mesurables.
• L’ambition de bien mener ce projet pour le destinataire final, pas pour l’interne.
• La méthodologie pour gérer la mise en place du projet avec toutes les parties prenantes.
• La technicité nécessaire pour le mener à bien.

Chez l’immense majorité de nos interlocuteurs, on sent l’envie de lancer des projets, on voit les idées circuler, on observe les tentatives de mise en place… mais on constate aussi les réticences, souvent un mélange entre : « Chez nous ce n’est pas possible, on n’est pas assez agile », « On n’a pas d’argent », « On a déjà formé untel et untel et ça n’a rien changé », « Non mais là on repense notre organisation donc on réfléchira à nos projets plus tard (sic !) », etc.

En 2020, lançons des projets.

Réapprenons aux équipes à travailler ensemble sur des objectifs communs. Apportons de nouvelles compétences aux salariés mais en leur permettant de les exprimer immédiatement. Sortons de la phase auto-centrée de la transformation numérique pour nous tourner de nouveaux vers nos publics en leur proposant de nouvelles façons de nous consommer. Proposons à nos audiences de nous lire / écouter / voir / rencontrer différemment, en les impliquant dans nos processus créatifs.

Donnons-nous les moyens d’activer des projets et de les concrétiser.

Envie d’en discuter ? Un petit mail (mathieuatletank.fr) et un café.