A la croisée des chemins ou la charge mentale de l’entrepreneur

David Medioni
5 min readJul 1, 2019

--

Le journaliste et l’entrepreneur, ep.5

« Le chemin est dans la montagne », dit un proverbe. Antonio Machado écrivait, dans le même esprit, que le chemin venait en marchant. Rarement proverbe ne s’est si bien accordé avec la vie d’un entrepreneur. Ernest a deux ans. Depuis deux ans, les chemins empruntés, imaginés, espérés et réalisés sont nombreux : site sur abonnement, box de livres, récemment un club, visites dans les librairies, pub en ligne, partenariats sur des festivals etc, partenariats avec des médias étudiés mais finalement avortés etc…

Depuis deux ans, certains chemins sont plus florissants que d’autres. Depuis deux ans, le parti pris que je chéris avec Ernest en tant qu’entrepreneur est d’explorer tous les chemins. Sans exceptions. C’est dans cette logique que nous avions imaginé l’offre fête des pères avec Bapbap.

Si je garde toujours cette idée d’explorer les chemins divers et variés, c’est parce que je me souviens de mon travail de journaliste média à CB News et de ces groupes de média qui, eux aussi face à la déferlante numérique, étudient toutes les pistes possibles. En somme, ma philosophie d’entrepreneur pourrait presque se résumer à : « l’ensemble des petites rivières finira par faire un fleuve ».

Reste qu’au bout de deux ans l’entrepreneur est tel le randonneur au milieu de l’ascension : un brin sonné. Sonné par la fatigue et l’énergie dépensée, sonné par l’ampleur de la montagne qu’il reste à gravir, sonné par ce chemin escarpé qui dès que l’on croit l’avoir enfin apprivoisé fait des siennes pour se rappeler à notre bon souvenir, sonné aussi par l’immensité des choses qui — chaque jour — assaillent celui qui entreprend. C’est là d’ailleurs le point de différence avec la randonnée. Quand celle-ci allège notre esprit en lui permettant de faire le point sur le flot de pensées, l’entrepreneuriat, lui, ne permet pas de faire la mise au point. La charge mentale devient toujours plus lourde.

Dans cette charge mentale, il y a la question cruciale : comment faire pour aller plus vite, faire mieux, stabiliser l’activité et atteindre enfin le premier plateau de l’ascension. Celui qui permet de souffler et de se poser — un peu — sereinement pour réfléchir à l’avenir.

Il y a aussi évidemment, le quotidien. Usant. Harassant. Quel papier, pour quand ? Par qui ? la relecture, la mise en ligne, la promotion sur les réseaux sociaux, les commandes de livres pour les boxs etc etc etc…Tant de choses qui mis bout à bout sont une somme monumentale.

Mais ce n’est pas tout. La charge mentale est toujours plus chargée. Un peu comme si le sac à dos du randonneur au lieu de s’alléger au fur et à mesure du parcours devenait de plus en plus lourd à porter et se remplissait toujours plus.

Dans ce sac qui s’alourdit, il y a la trésorerie. L’argent sort plus vite qu’il ne rentre. Comment tenir ? Il y a aussi les mauvaises nouvelles. Celle par exemple de l’arrêt des confrères des Croissants que l’on pensait pourtant solides. Arrêt qui vient rappeler à l’entrepreneur en ascension que jamais, jamais le chemin n’est réellement apprivoisé.

Le premier événement de l’Ernest Club

Évidemment, dans cette charge mentale, il y a aussi les questions stratégiques. L’une des convictions forgées cette année et prouvée par le réel, c’est que clairement Ernest a une voie de développement dans la mise en place effective et régulière de l’Ernest Club.

“Il est temps de s’alléger de certaines choses”

Reste que pour mettre cet Ernest Club en vitesse de croisière, il faudrait pouvoir s’alléger de certaines choses. Lesquelles ? Certainement l’une des petites rivières qui montre des effets stagnants. Pas simple. Et pourtant le conseil d’Eric Fottorino résonne souvent : “Less is more”.

Alors que deux ans ont sonné et que l’ascension est toujours en cours, voilà donc l’entrepreneur que je suis à la croisée des chemins.
Faut-il changer ? Oui, évidemment. Mais quoi ?
Faut-il oser chambouler en profondeur un chemin qui — certes — est plutôt en bonne voie, mais où le temps manquera peut-être ?
Et si on change ou l’on amende, vers quoi va-t-on ?

Des questions permanentes. Intenses. Qui font parfois oublier les essentiels. Le reste. Depuis 15 ans, je roule à scooter. Longtemps, j’ai raconté à mes amis parfois ébahis que c’est sur le scooter alors que j’enclenchais la poignée d’accélération après avoir contemplé la beauté de Paris, que je trouvais les meilleures idées d’attaque de mes papiers de journaliste ou que j’imaginais les meilleurs stratagèmes pour mener au mieux mes enquêtes les plus compliquées. Depuis que je suis entrepreneur, ce sont toutes les questions qui tournent sur la route. Parfois des réponses émergent. Mais même pour la créativité propre au scooter, il est clair désormais que la charge mentale est trop immense pour être résolue ainsi.

Au final, alors que la troisième année d’Ernest démarre les questions sont plus nombreuses encore que lors du lancement qui était pourtant un saut dans l’inconnu.
Au final, cette troisième année est celle de la croisée des chemins. Celle où les choix pèsent plus lourd encore. Celle où finalement les dés seront jetés de manière plus précise encore. Celle où la charge mentale sera plus importante encore. Reste à savoir si les yeux fatigués mais aguerris de deux ans d’expérience de l’entrepreneur sauront entrevoir le chemin le plus direct vers le haut de cette première montagne. Voilà encore une question… Charge mentale un jour, charge mentale toujours.

Évidemment ce billet pourrait paraître pessimiste. Il n’en est rien. Accepter de poser ces mots là sur le ressenti est aussi un moyen de le formuler pour le dépasser. Accepter de poser ces mots, c’est aussi se dire que toute aide pourrait être la bienvenue. Accepter de poser ces mots, c’est aussi s’obliger soi-même à muter, à changer, à transformer. Accepter de poser ces mots, c’est aussi — peut-être — parler à l’autre entrepreneur parfois solitaire qui adore ce qu’il tente de toutes ses forces de construire mais qui parfois se sent bien mal équipé.

Maintenant que le sac est allégé. Je vous laisse, j’ai des réponses à tester.

--

--

David Medioni

Journaliste. Entrepreneur, fondateur d’Ernest www.ernestmag.fr, le nouveau mag littéraire en ligne. Ex-Arrêt Sur images.net et CB News. Amoureux des médias.