Réenchanter le monde des médias

MMDP
Le Tank media
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5 min readApr 29, 2019

Il y a quelque chose de profondément psychologique qui se joue dans les médias actuellement. Bientôt 20 ans de bouleversements liés à la montée en puissance du numérique. 20 ans de transformations des métiers, des modèles économiques, de la distribution, du lien avec les lecteurs / auditeurs / spectateurs. Et c’est loin d’être terminé. « Les médias sont la nouvelle sidérurgie » me disait un interlocuteur récemment, entre fatalisme et provocation.

20 ans que la déprime s’installe dans les rédactions, « entre des jeunes (déjà) usés et des vieux qui espèrent (enfin plus grand chose) » pour paraphraser Patriiiiick. Et au final une Ligue du LOL qui éclate à la figure du milieu et où se mêle un peu tout ce qui ne fonctionne plus dans les médias.

« L’avenir des médias est radieux », aime-t-on proclamer au Tank media, tel un mantra, dans un exercice d’auto-conviction. De rencontres en programmes d’incubation, d’événements en accompagnements de médias dit « traditionnels », nous y croyons plus que jamais. Et heureusement, nous ne sommes pas les seuls, toute une génération de créateurs, d’entrepreneurs (et au-delà) partage notre conviction. Ou se bat pour qu’elle advienne. Mais il va nous falloir convaincre plus large et embarquer tout le monde. Cela ne va pas être évident de (re)convaincre nos camarades déprimés et désormais persuadés que leur avenir est plus dans la boucherie Vegan ou la biérologie que dans les médias.

Cette semaine, les incubés du Tank media rencontraient leurs cousins belges de Pilote.Media, autour d’un petit déjeuner avec Julien Neuville, co-fondateur avec Lauren Bastide du studio Nouvelles Écoutes.

Qu’il soit encore ici remercié pour son temps, son énergie et son sens du partage, qui nous inspirent et nous encouragent.

12 projets de médias autour de la table et autant de personnalités derrière, de parcours, d’envies, de frustrations. Des journalistes — mais pas que — bien souvent « en décrochage » des médias traditionnels dans lesquels ils ont usé plus ou moins longtemps leur fond de culotte. CDI ou pigiste, radio ou web, France ou Belgique : peu importe, ce qui ressort, c’est une immense frustration. Management d’un autre temps, perte de sens dans la production d’informations, difficulté à lancer de nouveaux projets, pression constante à produire plus et plus vite, sur plus de supports ou sur plus de réseaux sociaux… pour un public qui se détourne jour après jour de ces journaux, de ces radios, de ces télés qui diffusent une information jugée de moins en moins crédible, de moins en moins rigoureuse…

Attention, loin de nous l’idée de mettre tous les médias dans un même sac et de secouer, la réalité est bien sûr plus complexe, les médias bougent, plein de talents y travaillent et tentent encore de changer les choses de l’intérieur, mais la vue d’ensemble reste hélas inquiétante. Surtout de leur propre point de vue.

Avec Damien van Achter (aka Davanac, co-fondateur de Pilote.Media) nous avons souvent échangé sur ces sujets, tentés de faire évoluer les choses en interne dans ces médias, puis fait le choix d’essayer de le faire en passant par l’extérieur, en s’intéressant à cette génération qui crée et entreprend dans les médias, au sens très large du terme. Pilote.Media accompagne des personnes qui veulent lancer un projet. Le Tank media accompagne des projets lancés par des entrepreneuses et des entrepreneurs. Deux approches différentes mais un même but : favoriser l’émergence d’un nouvel entrepreneuriat dans les médias.

Au Tank media, cette énergie que l’on met à accompagner ces médias ou que l’on synthétise à leur contact, nous sommes convaincus qu’il y a des façons de la transmettre à ceux qui vont / se sentent / se vivent / se projettent mal. Notamment en les aidant à recréer de l’enchantement en interne, en remettant de l’intrapreneuriat et des projets au cœur de la vie collective.

Il n’y a pas de fatalité à regarder ceux qui font les médias, qui tentent d’y croire malgré tout, s’enfoncer dans un quotidien qui leur paraît de plus en plus morose et bien souvent vain. Mais en revanche, il faut remettre les mains dans le cambouis et accepter de faire différemment.

En acceptant que le numérique est au cœur de tout et en apprenant à maîtriser les outils qu’il propose pour lever des fonds, tester des projets, remettre du collaboratif dans le quotidien, gérer les abonnements, le marketing, les données… ou organiser des événements physiques. Même pour vendre du papier. Surtout, pour vendre du papier.

Accepter l’idée que l’on ne peut plus gérer ces boîtes comme on le faisait il y a 30 ans, avec une verticalité hors d’âge dans la prise de décision.

Accepter de lancer et de tester plus de projets, mais le faire avec agilité et résilience en associant les communautés et publics concernés.

Et allez, soyons fous, accepter d’inventer des produits que les gens vont avoir envie de consommer. Pourvus d’assez de valeur ajoutée, et pas uniquement sur le plan éditorial, pour qu’ils soient financés par leurs audiences. Car oui — attention, spoiler — il existe des modèles économiques dans la presse. Les gens achètent encore des journaux, s’abonnent, payent pour des événements, regardent de la pub, soutiennent via du don, financent avec le crowdfunding, s’impliquent grâce au membership, consomment des services, des applis, etc.

L’intrapreneuriat, ce n’est pas transformer chaque journaliste en entrepreneur comme on aime souvent le répéter, pour mieux l’évacuer. L’intrapreneuriat c’est redonner à chacun un pouvoir créatif dans son média. C’est réapprendre le sens du collectif dans la façon de bâtir les projets en mettant autour de la table la rédaction, le marketing, la pub, les opérations spéciales, le social media… et la direction. C’est réapprendre à sortir et à tester des petits projets, modestes, peu coûteux, mais en les construisant avec ceux à qui on les destine pour mieux les tester, les modifier, les améliorer. Certainement pas en allant chercher des batteries de consultants dans des boîtes de conseil, à qui il faut commencer par expliquer ce qu’est un article et comment on le fait, mais en s’appuyant sur ceux qui sont déjà dans ces médias et qui ne demandent qu’à retrouver un peu d’espace pour s’exprimer et un peu de vision pour comprendre où ils vont.

L’avenir des médias, même traditionnels, est radieux. Il suffit de le construire pour mieux le réenchanter.

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