What’s Up ? #1 Louise Gamichon, fondatrice de LaïCités et des Moustachus 1905

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Le Tank media
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8 min readFeb 4, 2019

Une fois par mois, Le Tank media prend des nouvelles de ses ancien.ne.s incubé.e.s et de leurs médias sous la forme d’une interview en cinq questions.

Louise Gamichon, fondatrice de la lettre numérique LaïCités et des Moustachus 1905

Pour ce premier What’s Up, on retrouve Louise Gamichon, incubée de la S01E02 et fondatrice de LaïCités, la lettre numérique mensuelle qui décrypte et revient sur l’actualité de la laïcité et des faits religieux. Passée par Fait-religieux.com et Le Monde des Religions, Louise est journaliste spécialisée faits religieux et laïcité depuis 2012 et a lancé LaïCités en Octobre 2016. Lors de son incubation au Tank media, Louise avait pour objectif de prendre pleinement sa position de cheffe d’entreprise et de trouver un équilibre économique pour son projet. Alors, trois mois après la fin de son incubation, What’s Up Louise ?

Salut Louise, quoi de neuf ?

Beaucoup de choses ! J’ai réalisé pendant l’incubation que le besoin de mes lecteurs et de mes lectrices était plutôt du côté du décryptage de l’actualité actif et régulier. D’ailleurs, en y réfléchissant, c’est vrai que ma lettre numérique LaïCités est peut-être un peu trop formelle et austère pour le grand public. Il fallait que je mette en place quelque chose de plus pop et fun. J’ai donc décidé de lancer Les Moustachus 1905.

L’opération des Moustachus a commencé par un kit virtuel pour rendre hommage aux pères fondateurs de la loi de 1905. Ce sont tous des personnages attachants, qui n’étaient pas forcément d’accord sur tout, mais qui ont réussi à trouver un terrain d’entente avec la loi de 1905. Et ils ont dit de très belles choses qui sont toujours d’actualité aujourd’hui. J’ai donc décidé de peindre leur moustache en bleu pour symboliser ce trait commun. Cela m’a permis également d’adopter une position beaucoup plus radicale en terme de visuel. Il fallait que j’arrive à faire de la laïcité un sujet moins austère. Je me suis rendue compte pendant l’incubation que c’était un sujet très technique sur lequel on pouvait avoir du mal à me suivre et où, en ayant des discussions informelles, on pouvait faire du décryptage de façon tout à fait accessible.

Le kit a finalement été publié à l’occasion de la journée de la laïcité, le 9 décembre. Parallèlement à cela, j’ai mis en place une campagne de crowdfunding pour lancer la newsletter bimensuelle des Moustachus, ayant pour but de décrypter l’actualité sous l’angle de la laïcité.

L’idée c’était aussi d’ouvrir LaïCités, ma lettre numérique qui s’adressait principalement aux enseignant.e.s. Au final, j’ai bouclé le crowdfunding des Moustachus 1905 avec succès, en partie grâce à l’aide reçue au Tank media. Avant l’incubation, le crowdfunding m’avait toujours effrayée. Je m’étais jurée de ne jamais en lancer. Finalement, cette expérience m’a permis de réaliser des choses que je ne me voyais pas faire avant.

D’une certaine façon, je suis en train de révolutionner mon média ! C’est un parcours très rock’n’roll, dense pendant l’incubation, plus encore après, mais cela m’a permis de vraiment changer les choses et de trouver l’orientation que je voulais.

Présentation du projet Les Moustachus 1905 au Tank (Paris)

Aujourd’hui, te sens-tu plus cheffe d’entreprise ou journaliste ?

C’est une question qui me taraude depuis assez longtemps. Les journalistes qui lancent des médias ont tendance à continuer à se présenter comme des journalistes et à se comporter comme tels en continuant d’écrire beaucoup. Me concernant, j’avoue que cette incubation a renforcé ma posture d’entrepreneuse.

Aujourd’hui, je ne me présente plus en tant que journaliste. Je suis cheffe d’entreprise. J’ai créé un média. J’ai appris à me détacher de la rédaction et je me suis rendue compte que mon média n’en était pas plus mauvais et que personne ne s’en portait plus mal. Avec l’incubation, j’ai vraiment eu l’impression de sauter le pas.

Pendant que je m’occupais des Moustachus, je remplissais aussi des dossiers de subventions et de financement que je n’aurais pas forcément osé faire avant ou que j’aurais fait avec beaucoup plus de mal. J’ai appris à prendre de l’épaisseur en tant que cheffe d’entreprise et à gérer la boîte parce qu’une entreprise, c’est une responsabilité. Au début, je voulais déléguer les questions liées à la prospection et à la vente mais finalement, personne ne connaît mon produit mieux que moi et je me suis emparée de ces sujets.

Être une femme jeune n’a sans doute pas facilité les choses. Les femmes ne représentent toujours aujourd’hui qu’une petite partie des entrepreneur.se.s. Pourtant, ce sont elles qui réussissent le mieux sur le long terme statistiquement. Il reste difficile de parvenir à être prise au sérieux dans ce milieu. Lorsque l’on n’a pas beaucoup confiance en nous, au pire, on ne nous écoute pas, souvent, on trouve notre ambition et notre projet “mignons”. D’ailleurs, je continue d’aller à certains rendez-vous accompagnée d’un collaborateur.

Et si c’était à refaire ?

Je garderais ma bonne humeur et mon optimisme ! J’en avais en arrivant et j’en ai encore plus maintenant. Cela ne veut pas dire que c’est facile tous les jours, loin de là. Mais l’important, c’est avant tout de garder cette petite flamme qui fait que l’on s’est lancé dans cette aventure qui peut parfois paraître un peu folle : celle de faire un média. Il faut absolument la conserver, et l’incubation la renforce.

L’incubation remue énormément les process de travail et les contenus. Sont-ils adaptés aux lecteurs et aux lectrices ? D’ailleurs, qui lit ce média et en quoi est-il utile à ces personnes ? Je suis plutôt en ce moment dans une période de restructuration où j’essaie de repenser mes contenus et mes méthodes de travail. La seule chose qui n’a pas changé avec l’incubation, c’est ma conviction que le sujet est utile et qu’il y a un réel potentiel dans ce média.

Après, c’est la façon d’exploiter le potentiel qui a beaucoup changé, et mes méthodes de travail ne sont plus du tout les mêmes. J’ai beaucoup plus de réflexes maintenant notamment pour interroger mon lectorat et aller vers ma communauté. Donc si c’était à refaire, ce serait oui sans hésiter.

Que souhaites-tu accomplir pour l’année à venir ?

D’abord, je voudrais confirmer l’attrait des Moustachus, renforcer et tester cette nouvelle newsletter. C’est comme si je partais de zéro sans vraiment le faire parce que je lance les choses différemment, comme j’aurais pu les lancer à la base avec LaïCités. Aujourd’hui, je suis dans une optique de co-construction et de test avec mon lectorat.

Je vais beaucoup plus fonctionner dans une logique de partenariat. Cette petite révolution de mon média m’a fait prendre conscience de ce fait : je suis solo-preneuse, mais j’ai besoin de m’entourer davantage, de monter en compétences et de lancer des projets en partenariat avec d’autres structures.

Ensuite, je dois absolument me diversifier, c’est un impératif à la fois économique et éditorial. Les Moustachus sont un média grand public et ont plutôt pour but de rester gratuits. Mais je me suis rendue compte que le kit virtuel sur les Moustachus lancé pour la Journée de la laïcité avait bien marché et que cela vaudrait le coût de lancer un kit physique. Mais pas toute seule cette fois ! Je pense aussi à revoir LaïCités pour l’améliorer en fonction des partenaires.

J’aimerais me rapprocher de l’Éducation Nationale, voir ce que l’on pourrait faire ensemble et qu’ils évaluent la pertinence de mes contenus car ce sont les premiers concernés par ma lettre LaïCités. Il faut aussi que je me rapproche encore du terrain pour être au plus près des préoccupations des lecteurs et des lectrices. Je pense aussi à me rapprocher de structures médiatiques liées à l’éducation, à un cabinet de conseil plus proche des entreprises et à une maison d’édition pour éventuellement créer une ressource ensemble.

Cette année sera également l’occasion de produire du contenu plus visuel et plus didactique sur le sujet. Je pense à une box sur les Moustachus pour la journée de la laïcité notamment, et à évoquer plus particulièrement les règles juridiques de la laïcité en entreprise, trop peu connues et parfois un peu compliquées à comprendre.

Mon grand défi, c’est que tout le monde puisse s’emparer du sujet de la laïcité. Avec Les Moustachus, les réactions n’étaient pas du tout les mêmes qu’avec le mot laïcité, donc j’ai pu tester de nouvelles choses. Pour la 1re fois j’ai vu des gens sourire sur mon sujet alors qu’on en parle plutôt quand il se passe des choses graves. Il y a à mon sens toute une histoire à se ré-approprier.

Enfin, je veux continuer d’interroger mes lecteurs et lectrices. Au début, cela fait toujours peur, mais c’est très gratifiant car on a toujours de bonnes surprises et des remarques pertinentes. Il faut être transparent et sincère, car lorsqu’on présente son projet aux gens sincèrement, le retour est toujours aussi très sincère et constructif. Cela permet aussi d’aller dans le sens d’une meilleure confiance en général envers les médias. C’est un enjeu très important aujourd’hui sur lequel il faut travailler sans relâche.

Des conseils à donner aux futur.e.s incubé.e.s du Tank media ?

Le plus important, c’est de se rendre disponible complètement, ce qui n’est pas évident car en tant que journalistes on a tendance à vouloir continuer d’écrire. Rendez vous le plus disponible possible !

Ensuite, laissez-vous surprendre. On arrive toujours avec le flair de ce qui va, de ce qui ne va pas et avec des questions précises en tête. Il faut réussir à se laisser bousculer et ne pas attendre grand chose.

Entretien individuel personnalisé de Louise Gamichon lors de l’incubation au Tank media

Dans cette incubation, on ne trouve jamais exactement ce pour quoi on était venus. J’ai beaucoup échangé avec les anciens et anciennes incubé.e.s. Certain.e.s étaient venus avec des questions de business plan, et sont reparti.e.s avec autre chose qui à mon avis est bien plus précieux. Maintenant, tous savent quelles questions se poser. Celles qui sont adaptées à leurs propres méthodes, leur propre média et leurs propres process.

Laissez-vous bousculer au niveau du temps et de ce que vous pouvez apprendre, prenez tout, laissez-vous le temps de digérer tout cela et ne foncez pas trop.

Enfin, attendez-vous à ce que cela continue parce que même quand vous pensez que c’est fini, ce n’est, en réalité, jamais fini !

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