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Non, nous ne sommes pas en guerre!

Catherine Leduc
Lézamimo
Published in
3 min readMar 27, 2020

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Ah! Comme il est pratique ce discours! Nous voilà sur un tarmac militaire désormais. Qu’elle est facile cette rhétorique virile, ce verbiage de bon père de famille, comme on se sent protégés! Que cette posture est facile oui, si bien rôdée, les points dans les sondages vont regrimper. Car s’il y a bien une guerre à mener pour ces messieurs dames, la seule bataille dans ce monde de là-bas, ce vieux monde de là-haut, c’est celle de l’opinion. De la véritable “bataille”, dans les hôpitaux, dans les cabinets de généralistes, les maisons de retraite, on en parle du bout des lèvres. Ne vous inquiétez pas braves gens on gère, ne vous inquiétez pas on sait ce qu’on fait, ne vous inquiétez pas tout est sous contrôle. Parole, parole, parole. Car ça souffre ici, ça a peur, ça part au travail en bricolant. Des promesses, ça ne voit rien venir. Aujourd’hui la dotation du médecin généraliste par chez moi est de 6 masques FFP2. Six. Jusqu’à… et bien… sine die.

Et l’on réclame l’unité, tous derrière et lui devant, et l’on se drape dans sa dignité pour masquer l’impuissance, l’irresponsabilité, l’absence d’anticipation, l’insouciance, cette vision du monde coincée en 1990, sa doctrine qui craque de toutes parts depuis des mois et des mois. Parce que ça ne ruisselle pas non, les petites gens ne voient pas la couleur de l’argent non. Mais l’on dispute sa marmaille qui vraiment n’obéit pas aux règles qu’on vient tout juste de pondre. Et on promet des sanctions, petits délinquants vous serez confinés en prison, là au moins vous serez sûrs de rencontrer le virus. Et puis ça y est, on en appelle aux portes-avions, aux navires de guerre, opération Résilience donc. Déploiement des militaires pour faire la chasse au virus avec des mitraillettes!

Le ridicule est à son comble mais personne n’a envie de rire. Rire jaune sinon. Parce que vraiment non, nous ne sommes pas en guerre. S’il faut un “plan Marshall” pour l’hôpital, pour tout le système de santé, c’est maintenant. Tout de suite. Des milliards tout de suite. Pas pour les banques. Pour les soignants, les gens qui travaillent, les personnes malades. Masques. Tests en masse. Respirateurs. Renouveler le personnel épuisé, le payer justement. Parce que ce virus se fiche totalement de la doctrine. Parce que ce virus tue les employés. Ces fameux employés des fameuses entreprises en péril. L’économie réelle.

Ah! Qu’il est facile ce vocabulaire des premières lignes, le front commun en bon ordre de bataille, réserve sanitaire, bénévolat solidaire! Qu’il est facile de dire merci, gratitude infinie! Qu’il est facile de fustiger les propagateurs de fakenews quand deux semaines plus tôt l’opération médiatique du déni était une splendide réussite! Comme il est simple de redorer son blason! Promettre, promettre, promettre. Quoi qu’il en coûte.

Mais on est prudent tout de même, on s’abrite derrière son armée de fusibles, face caméra, les yeux dans les yeux, on promet qu’on tirera toutes les leçons. Mais après. Après quoi? Après la bataille, soldat! Toi qui va mourir pour sauver la patrie. Nous te le devrons bien. On se croirait dans une pub pour du shampoing.

Mais enfin quoi! Est-ce cela un bon père de famille? Sans blague!

Le monde d’après ne sera plus comme avant, non, ce n’est pas possible. Cette crise sanitaire démontre de façon criante tout ce qui a une vraie valeur: la santé, l’éducation, les conditions de vie décentes, la culture, l’écologie. Ce sont nos jours 4–3–2–1. Tous les scénarios sont possibles. Choisir la gestion de crise en mode viril, c’est non seulement indécent, vulgaire, mais tout simplement stupide.

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Catherine Leduc
Lézamimo

Passionnée idéaliste en quête de sens et d’énergies. J’aime les renards et les petits princes #utopieréaliste (et j’adore mon métier d’orthophoniste!)