L’heure du New Deal, pour les organisations françaises !

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Cette pandémie du coronavirus est l’illustration criante de nos dérives et nous trouve particulièrement vulnérables. Elle a déclenché l’obligation de ralentir, de faire une pause pour observer et analyser. La crise sanitaire, puis la crise économique qui va en découler, bouleverseront le cours de nos sociétés à l’échelle de continents entiers, pour la première fois de l’Histoire de l’humanité.

« Tout part d’un virus, d’une histoire d’animal sauvage »

Ines Léonarduzzi -fondatrice de « Digital for the Planet » dénonce ce constat univoque, qui arrange nos consciences. Le coronavirus n’est pas non plus un problème « exclusivement asiatique »! Si cette pandémie est effectivement partie du marché de Wuhan où sont entassés les animaux sauvages -dont les pangolins- dépecés alors qu’ils sont maculés d’urine, ce sont bien nos comportements qui expliquent également l’origine des pandémies, dont la fréquence s’accélère.

Nos modes de vie sont tout aussi responsables

L’émergence de ces maladies infectieuses est étroitement liée à l’action des sociétés humaines sur l’environnement et l’inexorable dégradation des écosystèmes, et de la biodiversité. Ainsi, des liens de causalité ont pu être établis entre la source du virus Ebola et la déforestation massive. L’empreinte écologique globale de l’humanité, a triplé depuis 40 ans nous expose à des catastrophes : « nous dessinons notre propre crise du vivant » dénonce Julie Kern rédactrice scientifique de Futura Sciences. La crise que nous traversons est bel et bien systémique, et nous invite à changer la plupart nos approches.

Notre système est défaillant !

Notre marché commercial globalisé, construit pour répondre à nos conditions, paraissait tout puissant, mais révèle maintenant toutes ses défaillances.
La consommation mondiale, a explosé depuis un siècle. Ce consumérisme forcené était en passe de se ringardiser dans les mentalités : déjà, depuis 2009, les Français, tendaient vers une rationalisation de leur consommation. Et, au beau milieu du confinement, une étude YouGov, pour Society révèlait que 65% d’entre eux envisageaient de changer leurs habitudes. Nos modèles, toute la chaîne de l’alimentation et de la production, doivent être revus. Nous savons pourquoi, nous savons aussi comment faire : en consommant plus local et en réduisant nos excès. Nous sommes plus que jamais conscients de devoir nous réintégrer à notre environnement, et de cesser ce que Chantal Gensse PhD, ancien chercheur au CNRS, appelle la « rupture des liens ».

La crise du coronavirus a dévoilé le meilleur de l’homme

Durant cette crise, les hommes ont également été acteurs du meilleur. Des initiatives inspirées des citoyens, entraînant collectivement dans les secteurs privé et public, on révélé des personnalités, des plus opportunistes aux plus généreuses. Leurs actions, témoignent d’un fort engagement, d’une magnifique solidarité et de générosité, valeurs qui rassemblent, formidables vecteurs d’enthousiasme. Tous ces actes que nous devons valoriser, les Français souhaitent en retrouver l’esprit, les perpétuer, dans leur quotidien, personnels et professionnels. Pour la reconstruction, les managers des entreprises doivent s’inspirer de cette remarquable implication des Français.

Les sociétés elles-mêmes ont démontré le meilleur

Certaines sociétés ont fait preuve d’une réelle responsabilité citoyenne, en décidant par exemple, de ne pas distribuer de dividendes ou en utilisant leurs moyens de production pour équiper les soignants : refusant d’utiliser les aides de l’Etat dans la mesure du possible, évitant de recourir au chômage partiel. D’autres, jusqu’alors concurrentes, ont uni leurs forces pour trouver un vaccin le plus rapidement possible. Elles ont ainsi manifesté leur raison d’être par des pratiques éthiques et agi d’une manière plus vertueuse et plus pérenne. Toutes les sociétés, PME comme grands comptes, seront attendues demain sur des prises de position et des engagements semblables.

La crise est un révélateur de nos failles

Combien de temps poursuivrons-nous cette course à la croissance, au progrès, à la productivité, aux profits financiers ? Il va falloir repenser notre monde économique, pour développer un système plus adéquat à nos valeurs. Un système qui reçoive notre adhésion, mais aussi celle de nos enfants. Les nouvelles générations ne portent plus aux nues cette notion de capitalisme. Notre rapport à la croissance peut évoluer. 69% des Français interrogés jugent nécessaire de « ralentir le productivisme et la recherche perpétuelle de rentabilité » d’après le sondage Viavoice « Coronavirus ».

Nos principes organisationnels se meurent

Construits « brique après brique », pour répondre aux besoins successifs, nos principes organisationnels ont abouti à l’incohérence de la complexité. Figés, ils empêchent la collaboration et grèvent les budgets. Nous avons créé cette complexité, résultant de principes séculaires de management vertical. Il n’est qu’à voir les organigrammes publics démentiels, dans les domaines de la santé ou de l’éducation, cumulant les comités, des commissions, sans interconnexion, comme dans certaines entreprises privées. Les prises de décisions sont freinées par les hiérarchies : il faut compter en moyenne sept étapes pour valider une décision ! Responsables de ces systèmes, comment les modifier ?

Commençons par reconnaître les conséquences de ces choix antérieurs. Prenons exemple sur les nouvelles entreprises et start-ups qui se développent depuis 15 ans sur des structures plus ouvertes et agiles. Réduire les niveaux hiérarchiques, cultiver la confiance, atténuer les cloisonnements, est impératif, non seulement pour alléger les processus, mais pour libérer la productivité !

Comment établir une culture de la collaboration et de la coopération ?

Inspirons-nous de la communauté de biologistes, d’ingénieurs et de développeurs qui a émergé sur la plate-forme Just One Giant Lab pendant la crise du coronavirus. Sa vocation est d’être un institut de recherche virtuel ouvert : il permet à des communautés de se coordonner et de collaborer, par des mises en parallèle des besoins et des ressources requérant diverses compétences ainsi que des connaissances « de terrain ». Ainsi Ola Söderström Professeur en Géographie sociale et culturelle de l’ Université de Neuchâtel, qui affirme que « pour faire naître de l’intelligence, nous avons plus que jamais besoin d’une expertise réellement interdisciplinaire ».
Par ailleurs, pour susciter l’engagement des salariés, l’entreprise ou l’institution doivent créer les conditions d’une véritable autonomie, initiant des collaborations, ce qui implique aussi d’abandonner le management patriarcal, autocratique. Bill Gates aimait à dire que « les leaders du nouveau siècle seront ceux qui autonomisent les autres. »

Parmi les vœux, du sens

Selon l’étude menée par la socio-anthropologue Fanny Parise, 42% de la population aspire à changer de vie après cet épisode dans lequel nous plonge le COVID-19. L’attente émane aussi des collaborateurs. Ainsi 73% des salariés âgés de 35 à 49 ans considèrent que les entreprises devraient avant tout se préoccuper de l’effet de leurs « actions sur l’environnement, l’harmonie sociale et l’épanouissement de leur personnel ». La prise en compte de ces aspirations participera à l’engagement des salariés et des citoyens.

Expérimentons la puissance de nos intelligences connectées, par des collectifs. Ce qui passe par des transformations non seulement structurelles mais aussi de nos cultures. Mieux que la critique, j’invite à des remises en question en profondeur de nos systèmes de gouvernance. Rappelons cette pensée d’ Albert Einstein « la folie, c’est de se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent ».

La voie à suivre ? Celle du collectif !
Oui, nous pouvons réinventer notre façon d’être au monde, notre façon d’être intelligents, de travailler. Nous avons créé ce système, dans lequel tout est relié et interconnecté. Nous devons intégrer cette approche de manière systémique.

Cette crise nous exhorte à l’action. Or, selon Axelle Lemaire ex-secrétaire d’état chargée du numérique, membre conseil stratégique Roland Berger, « nos institutions se révèlent inadaptées pour répondre de manière empirique, innovante et collaborative à ce défi de l’implication citoyenne ». Le collectif devra être l’une des nouvelles priorités du gouvernement. Durant cette période de transition, de réadaptation avec de nouvelles perspectives, déterminons aujourd’hui les valeurs de cette décennie ! Imaginons-les, ces mouvements à propulser, à partir de grands projets : des projets collectifs, dont chacun s’emparera.
Parmi les thèmes qui détermineront notre avenir : la santé, l’éducation et l’environnement, me paraissent être éminemment prioritaires.

Avec de nouvelles gouvernances, inclusives et collectives, embrassons une véritable transformation systémique pour une économie sociale, régénérative, durable.
Profitons de l’opportunité de cette aventure, ayons l’audace du collectif !

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fabienne billat
L’heure du New Deal pour les organisations françaises !

Communication, stratégie numérique. Speaker — Membre conseil digital @CaissedesDepots Founder @FemmesduNum Lyon https://fabiennebillat.com/