COVID-19 : un bon exercice de télétravail pour se préparer au pic pétrolier ?

Rémi Doolaeghe
L’ingécolo
Published in
5 min readMar 12, 2020
Photo by Caryle Barton on Unsplash

Le corona virus, COVID-19 de son petit nom, apparaît comme une sorte d’entraînement du monde à la gestion de crise à grande ampleur. Alors que le nombre total de victimes s’élève à plus ou moins 4000 au moment d’écrire ces lignes, les mesures gouvernementales drastiques partent dans tous les sens et la population s’affole.

On constate déjà que certains produits de première nécessité sont achetés en masse par les consommateurs. Des peurs de pénuries s’insinuent dans les esprits, alors même que la grande distribution se veut rassurante.

Les compagnies aériennes commencent déjà à tirer la langue alors que les vols sont annulés en masse par les voyageurs ou à l’initiative des gouvernements.

Les marchés financiers deviennent fous, avec des dégringolades spectaculaires. Le CAC 40 a perdu 25% en trois semaines. Le Dow Jones est dans les mêmes approximations. L’économie est dans la tourmente.

Et pourtant, le COVID-19 a fait à peine quelques pour-cents en nombre des victimes annuelles de la grippe. La nouveauté du phénomène fait peur, et les réactions sont disproportionnées.

Certaines entreprises, dans lesquelles des cas ont été avérés, ont vu leurs bâtiments frappées de mesure de confinement. Tout le monde à la maison, soit au chômage technique, soit en télétravail pour les secteurs du tertiaire qui peuvent supporter un tel mode de fonctionnement.

Sauf que le télétravail ne s’improvise pas. Il nécessite d’être pratiqué avant de pouvoir être exécuté en bonne efficacité. Une équipe habituée à être colocalisée (travailler dans un même bureau) recourt abondamment à la communication orale et possible à tout moment. Tout est à disposition, notamment l’outillage (bien souvent numérique, par ailleurs).

Si, du jour au lendemain, tous les collaborateurs d’un même site se voient confinés chez eux avec pour seule possibilité de travailler à distance, le choc est rude. Comment communiquer avec ses coéquipiers ? Où chercher de l’information ? Quels canaux de partage ? Comment faire marcher les outils, pensés et configurés pour fonctionner sur un réseau interne à l’entreprise ? Comment s’organiser quand l’autre n’est pas à portée de voix et interruptible à loisir ? La transition et l’adaptation est violente et non maîtrisée. Chacun doit trouver ses marques, de son côté. L’initiative collective est difficile, et les nouvelles pratiques mettront du temps à pouvoir être implémentée. La situation est brutalement subie et la productivité s’effondre.

Pourtant, certaines entreprises ont vu dans le télétravail une opportunité formidable, et en tirent des avantages non négligeables. Le recrutement est facilité (plus besoin de chercher quelqu’un dans le vivier local, il peut être n’importe où dans le monde). Un équilibre vie perso/vie pro renforcé et un bonheur au travail à l’allant. La réduction drastique des interruptions qui tuent la productivité et épuisent. Des horaires adaptés au rythme de chacun. Un travail par définition basé sur l’asynchronisme, où chacun peut organiser son emploi du temps au plus efficace, tout en se fatigant moins. Une réduction drastique de réunions à la valeur ajoutée plus que douteuse. Une réduction franche des coûts liés au fonctionnement des bureaux, qu’ils soient liés au coût de location des bureaux, leur chauffage, eau, entretien… L’entreprise Basecamp, par exemple, est composé de collaborateurs entièrement en télétravail, toute l’année, tous les jours de la semaine. Et leur succès n’est plus à prouver avec leur 3,3 millions de clients pour quelques dizaines d’employés. Le télétravail est au coeur de leur stratégie.

On pourrait penser que l’épisode du COVID-19 n’est que passager, et que tout rentrera dans l’ordre. Oui, mais pour combien de temps ? Un nouvel élément perturbateur nous pend au nez. Seule la date de sa première manifestation est imprévisible. Selon Jean-Marc Jancovici, la production de pétrole finira par atteindre un pic (voire même l’a déjà atteint), autrement dit un maximum. Cette production finira par décroître jusqu’à devenir nulle sur un horizon lointain. La démonstration de ce fait est mathématiquement trivial quand on considère le pétrole comme un stock limité, qui ne se renouvelle pas, et dont la consommation est non nulle. Il arrivera donc un jour où le pétrole viendra à se raréfier, que ce soit choisi (diminution volontaire des importations pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, par exemple) ou subi (la production ne suffira plus pour tout le monde, certains seront laissés sur le banc de touche).

Lorsque la décroissance se fera sentir, le télétravail deviendra une évidence plus que jamais. Une solution simple pour réduire la consommation de carburants est de réduire la quantité de déplacement. Et du déplacement, c’est justement ce que font des millions d’actifs en France chaque jour de la semaine. Qu’il soit choisi et préparé, ou au contraire subi et imposé, le télétravail deviendra une norme professionnelle et sera une réponse évidente à la baisse de disponibilité du déplacement. Se rendre sur son lieu de travail pour le simple plaisir de pouvoir être vu par les autres deviendra un non sens complet.

Une entreprise qui aura instillé une culture du télétravail, ainsi que les bonnes pratiques l’accompagnant, verra son activité peu ou pas perturbée par ce changement de mode de fonctionnement. Quant aux entreprises qui auront préféré résister, la chute sera difficile. Etant donné les difficultés économiques qu’une baisse d’approvisionnement en pétrole induira, certainement bien plus dures que le COVID-19, et sans espoir de fin de crise, il vaudrait mieux être bien armé pour faire face à ces nouveaux défis.

Le télétravail se prépare dès aujourd’hui.

Sources

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Rémi Doolaeghe
L’ingécolo

Développeur freelance avec une appétence pour le numérique responsable : accessibilité, écoconception, sobriété numérique...