Et si c’était ma vie ?

de Agnès Ruiz

Éditions Numeriklivres
Littérature sentimentale

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Une belle histoire dans laquelle des liens multiples se font et se défont entre les personnages, qui tous, à un moment ou à un autre, vont devoir affronter leurs démons, démêler les fils du passé qui s’enroulent autour de secrets que les années alourdissent. L’amour ici joue un rôle majeur, et répand sa lumière pour sublimer les êtres.

Agnés Ruiz

Mady fait des rêves étranges depuis quelque temps. Elle se revoit avec Guillaume, son grand amour de jeunesse. Il lui assure qu’ils peuvent refaire leur vie ensemble. Au réveil, la réalité est toute autre. Guillaume est toujours au Canada et Mady en France. Pire, Sarah, sa sœur, lui annonce que leur père vient de mourir. Mady ne pourra plus jamais savoir pourquoi son père s’est montré si cruel envers elle pendant toutes ces années. Mady doit refermer une porte, la porte de son passé si trouble. Il lui faut éloigner l’ombre de ce père malfaisant qui demeure un peu trop présent, même mort… Il est temps pour elle de revoir Guillaume une dernière fois, et tenter de comprendre ce qui a pu le pousser à disparaître aussi brusquement de sa vie alors qu’elle était enceinte. Et pourquoi Maurice, l’oncle de Mady dont elle ignorait l’existence, refait-il surface après une si longue absence ? Que sait-il de leur histoire ? Pourra-t-il répondre aux silences oppressants, éclaircir une fois pour toutes ce mystère qui l’a emprisonnée dans la douleur pendant tant d’années ? Et si c’était ma vie est la suite de Ma vie assassinée (Le Cherche Midi, 2011), grand succès d’Agnès Ruiz, qui nous offre encore une fois une belle histoire dans laquelle des liens multiples se font et se défont entre les personnages, qui tous, à un moment ou à un autre, vont devoir affronter leurs démons, démêler les fils du passé qui s’enroulent autour de secrets que les années alourdissent. L’amour ici joue un rôle majeur, et répand sa lumière pour sublimer les êtres.

Un avant-goût

Habillé tout de sombre, Arthur Martinon traversait la route, en pleine campagne normande, une bouteille presque vide à la main.

Témoin de ses pas incertains, la lune offrait le seul éclairage en cet endroit. L’alcool embrumait son esprit et altérait ses perceptions sensorielles. Aussi, lorsqu’il entendit un bruit, ou plutôt un grondement, il se retourna en titubant. La violente lumière des phares manqua de lui faire perdre l’équilibre, et, par réflexe, il leva le bras droit pour protéger ses pupilles dilatées. Il cligna des yeux avant d’être frappé de plein fouet par la voiture.

Tout se passa très vite.

Projeté violemment dans les airs, Arthur Martinon retomba lourdement quelques mètres plus loin, sur le bas-côté de la chaussée.

Il ne perdit pas connaissance pour autant. Dans sa torpeur, il put sentir que du sang glissait déjà le long de sa joue et s’infiltrait lentement dans la terre dure du fossé où il reposait dans une position bien peu confortable. Abruti par le choc, mais aussi par l’alcool, il releva péniblement la tête et jeta un regard hébété devant lui. Il crut alors distinguer les feux arrière du véhicule comme si celui-ci s’était arrêté.

Arthur Martinon soupira, mais réalisa presque aussitôt que le conducteur n’avait pas l’intention de se porter à son secours. Dans un ultime appel à l’aide, la victime leva tout de même un bras. En pure perte ! La voiture s’éloigna, l’abandonnant dans ce misérable fossé.

L’homme laissa échapper un son guttural :

— Au secours…

À part la lune et le chauffard en fuite, absolument personne n’avait été témoin de son accident. Mais comment s’était-il retrouvé dans ce coin perdu ? Était-il ivre au point d’avoir marché autant sans même s’en rendre compte ? Arthur Martinon n’en avait aucune idée.

À présent, le silence de la nuit l’entourait. En même temps que sa tête, son bras se rabattit lourdement sur la terre compacte. Il ressentait une douleur vive et lancinante, mais ne pouvait dire de quelle partie de son corps elle émanait précisément.

Il s’évanouit…

Deux heures plus tard, le froid piquant lui fit ouvrir les yeux, il soupira… Il faisait si noir autour de lui ! Du coup, un vieux proverbe arabe lui vrilla les tempes, comme un leitmotiv : Dans la nuit noire, sur la pierre noire, une fourmi noire. Dieu la voit.

— Et moi, qui donc va me voir ? souffla-t-il avec difficulté.

Sa bouche avait le goût de la terre. Son corps semblait hurler de douleur. Sa tête s’emplissait d’incessants bruits de tam-tam. Réels ou imaginaires ? Il n’aurait su le définir. Il voulut crier pour mettre fin à ce vacarme, mais il en fut incapable, assailli par de violents frissons qui le firent gémir… Profitant d’une accalmie, il projeta de ramper vers la route afin de se rendre plus visible… Il agrippa, avec une énergie qu’il croyait perdue, les pierres scellées dans le sol durci de janvier. Il progressa lentement. Après avoir parcouru une courte distance qui lui parut pourtant des kilomètres, il s’arrêta, épuisé. En plus de la terre, un goût poisseux lui venait à la bouche. C’était son sang ! À ce constat, la peur le saisit.

— Je ne vais tout de même pas crever ici ! s’insurgea-t-il.

Et encore ce proverbe lancinant : Dans la nuit noire, sur la pierre noire, une fourmi noire. Dieu la voit.

À moitié délirant, Arthur Martinon se mit à voyager dans le passé. Son esprit s’enflammait tandis que son corps s’engourdissait de froid et de douleur. Il songea brusquement à cet enfant qu’il avait renversé avec sa voiture.

C’était si loin…

Pour la première fois depuis longtemps, il se remémora la scène et reconnut qu’il aurait pu lui sauver la vie. Ce soir-là, en compagnie de son épouse, Gisèle, il revenait d’une fête de famille bien arrosée. Elle avait commencé vers treize heures et s’était éternisée à la faveur de l’ivresse. La nuit était déjà tombée. Le couple avait pris la route.

« C’était à peu près à la même saison », se rappelait-il.

Il se souvenait vaguement que sa femme avait tenté de le dissuader de prendre le volant. Offusqué, il lui avait ordonné sèchement de se mêler de ses affaires et, pour la provoquer, avait démarré à toute allure. Dans la voiture, l’atmosphère, déjà particulièrement lourde, avait rapidement pris la tournure d’une dispute acharnée. Peu encline à se laisser malmener sans souffler mot, Gisèle n’avait pas décoléré et lui avait servi un chapelet de reproches et de sarcasmes. Il avait bu plus qu’à l’accoutumée, et ça, Arthur Martinon s’en souvenait très bien, malgré les années passées.

Il revoyait encore ses mains crispées sur le volant. Et la voix acerbe de Gisèle… Son seuil de tolérance atteint, il avait levé la main sur sa femme… Au lieu de se taire, celle-ci, le visage déformé par la frayeur, s’était mise à crier de plus belle en pointant un doigt tremblant devant elle. Le temps pour lui de tourner la tête et il était trop tard…

Dans le reflet des phares, il revoyait clairement les yeux brillants du garçon, surpris et innocents. Puis le choc, tout aussi brutal que celui qu’il venait de vivre ! Ensuite, l’espace d’une fraction de seconde, il se rappela avoir distingué par son rétroviseur le bras levé de l’enfant en direction de la voiture…

C’est là que les choses s’étaient gâtées pour de bon. Au lieu de faire face à la situation, paniqué et perdu dans les effluves de l’alcool, et ce, malgré l’insistance emportée de sa femme, son seul geste avait été d’enfoncer la pédale de l’accélérateur.

Arthur Martinon émit un gargouillis de la gorge en évoquant ce souvenir.

« Pourquoi ne suis-je pas descendu pour lui venir en aide ? s’interrogea-t-il. Par lâcheté, comme ce conducteur qui vient de me rendre la pareille ? »

Ce passé lointain lui faisait terriblement mal. Sa concentration se dispersait à la recherche d’une parcelle de chaleur. Dans ses rares moments de lucidité surgissait une petite voix intérieure… sa propre voix :

— C’est à cause de cette histoire que tu ne t’es pas arrêté ce soir-là ! Derrière ton volant, tu étais habité par ta haine et ton besoin de vengeance.

— Oui, c’est ça ! cria Arthur Martinon avec un grotesque râle de gorge qui amenuisait le peu d’énergie qu’il lui restait. Oui ! Je voulais me venger pour le mal qu’il m’avait fait !

— Mais te venger de qui ? reprit la voix, insidieuse. Pas de ce pauvre enfant ! bien sûr que non ! lui n’avait rien à voir dans tout ça. C’est seulement qu’il t’a fait penser à l’autre…

— Ça suffit ! cria encore son esprit chancelant.

— À quoi bon nier maintenant puisque tu vas mourir ! Avoue que tu as tout gâché ! Tu n’es qu’un raté et tu n’as causé que la souffrance autour de toi ! Qu’est-ce qui a bien pu te rendre aussi médiocre, aussi vil ?

— Laisse-moi tranquille !

— Mais vas-y, dis-le ! continua une partie de lui. Tu vois bien qu’il n’y a personne d’autre ici à part toi… et la mort qui se rapproche.

— D’accord ! vociféra de plus belle Arthur Martinon. C’était de mon frère que je voulais me venger ! J’aurais dû me débarrasser de lui quand nous étions jeunes…

La douleur physique et morale devenait de plus en plus intolérable pour le père de Mady et Sarah.

« Es-tu vraiment sûr que tu voulais te venger de ton frère ? Tu te caches derrière cette demi-vérité. Ton frère n’était pas un ange, c’est vrai. Mais toi ? La vérité, c’est que tu n’as jamais pu affronter la réalité en face. Tu as toujours préféré la fuite, les mensonges et les duperies. Toute ta vie, tu t’es cherché des excuses pour tes échecs. Mais voilà, il te fallait des coupables. La belle affaire ! Combien de vies as-tu prises finalement pour assouvir ta haine et ta vengeance ? »

Dans un dernier effort, Arthur Martinon se hissa sur ses avant-bras et serra très fort les mâchoires. Puis il hurla dans la nuit :

— Par pitié, aidez-moi !

Tous droits réservés. Agnès Ruiz et Numeriklivres, 2014 — 411 pages-écrans

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