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Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à être designer?

Originellement, je suis artiste et j’avais la frustration de produire des choses qui si elles avaient du sens, n’avaient pas d’utilité directe pour les spectateurs… Ainsi quand j’ai découvert le design via la formation des Gobelins, j’ai toute suite voulue m’y former afin de réaliser des projets qui servent aux gens et qui améliorent leur vie.

Pour vous, qu’est-ce que “être” designer?

“Être designer, c’est comprendre les gens pour construire des projets leur facilitant la vie.”

J’ai travaillé chez Adobe pendant 4 ans. J’ai beaucoup travaillé pour les employés afin de leur faire gagner du temps sur des tâches administratives, complexes et par conséquent chronophages.

Aujourd’hui, on travaille sur des projets d’expériences employés et de transformation digitale. Avec un grand groupe hôtelier par exemple, nous allons faire des études ethnographiques afin de comprendre les points de douleur des employés dans leur propre expérience. Ainsi, nous allons pouvoir toucher du doigt les points qui les empêchent de faire leur travail de manière fluide et je dirais heureuse. Il s’agit ainsi de libérer ces noeuds et les rendre plus autonomes, plus intra-preneurs! Améliorer l’expérience que les employés ont de leur propre travail permet par conséquent de mieux satisfaire leurs clients. On ne fait pas forcément des sites ou des applications, mais nous cherchons à comprendre quelle est la meilleure expérience pour les utilisateurs du service et proposer des solutions pour y remédier avec le client pendant des ateliers de co-création que nous appelons les Design Sprints.

Du coup, vous êtes essentiellement UX designer ?

Oui, enfin le terme UX est assez large. C’est effectivement penser le scénario utilisateur idéal. Cela peut passer par des applications mais il y a beaucoup d’autres choses à mettre en place pour définir un scénario sans friction pour les utilisateurs.

J’ai cru comprendre que vous avez travaillé pour Google et que vous maîtrisez leur méthodologie du Design Sprint. En quoi diffère-t-elle de la manière dont vous travailliez auparavant? De quelles manières cette méthodologie à influencé votre processus de conception?

J’ai appris toutes ces méthodes à Londres chez Live|Work, O2, Detica et Amberlight. Puis aux Etat-Unis avec Adobe puis Google maintenant. J’ai commencé avec les méthodes du service design, puis j’ai développé l’Agile UX chez Adobe.

Chez Google, j’ai appris le format court du design sprint se déroulant de 1 à 5 jours consécutifs, c’est une suite de méthodes de créativité, de divergence et de convergence, qui viennent du Lean UX, de Gamestorming, du Design thinking… C’est un processus de conception de bout en bout, de la construction du brief passant par l’idéation jusqu’au test du prototype.

Mon rôle de sprint master est d’orchestrer la création et la conception, de la guider pour arriver très vite à des solutions puis les tester auprès des utilisateurs afin de commencer le cycle d’itérations permettant de construire le service qui soit le plus utile pour ses utilisateurs. Tout ça dans un même mouvement ! Ce ne sont donc pas des moments dans la conception qui sont séparés. Tout se fait dans les 2,3 jours, même la recherche utilisateur peut se faire très rapidement au sein du groupe. C’est intéressant de définir les problèmes avec le client, les experts du projet et les utilisateurs dans le même groupe de travail.

Après, les méthodes ne sont pas nouvelles, l’avantage est que le process est facile à vendre au client, et déjà packagé par Google, ce qui rend la démarche plus crédible! Souvent cette phase de conception est difficile à vendre au client, vu que le process est court et participatif alors le client se sent plus engagé dans le résultat, et surtout il est très content de savoir qu’en une semaine maximum ils ont un prototype validé par les utilisateurs. Ils peuvent ensuite implémenter les nouveautés au retour du sprint.

Ça vous arrive souvent d’utiliser cette méthode ?

Tout le temps, je ne fais plus que ça. Je fais moins de production, soit wireframes et prototypes, car mes activités à Laptop me prennent beaucoup de temps. Par contre je fais beaucoup de facilitation. Cela fait 10 ans que je fais ce métier maintenant et j’avoue que faire “accoucher” les idées, transformer les modes de travail et accélérer l’innovation m’excitent beaucoup plus !

Avez-vous travaillé sur des projets en rapport avec l’écologie ou la nature?

Non, je n’ai pas travaillé sur ces sujets là par contre ça m’intéresserait beaucoup, car il y a vraiment un besoin de changer les choses ici aussi!

Est-ce que l’écologie est une dimension que vous prenez en compte durant la conception des projets avec vos clients?

Que ce soit en start-up ou avec des grands comptes, le problème ne s’est pas encore posé. Ou maintenant que j’y pense, je ne l’ai pas peut-être pas intégré.

Dans la typologie de vos clients, vous préfériez travailler pour les grands comptes ou les start-ups?

C’est vraiment différent, pour les start-ups j’interviens très en amont dans leurs projets, et ils font avec les moyens du bord (ils ont des problématiques économiques différentes). Pour les grands comptes, il faut transformer des projets en cours, une manière de travailler.

J’aime bien les deux. Avec les petites structures, c’est moins politique et plus agile. J’ai plus l’impression d’avoir de l’impact immédiatement, du coup c’est un peu plus satisfaisant peut-être !

Vous ne vous êtes jamais dit que vous pourriez travailler sur un sujet qui vous soit propre ? Pas forcément travailler pour un client.

J’ai déjà mon sujet qui est le Laptop. Le lieu de co-working que j’ai créé. C’est quand même un gros projet en soi. C’est un projet que j’ai conçu avec les utilisateurs dans une logique de feedback continu. Aujourd’hui, j’organise formations, recrute des designers pour les agences et grands comptes, fédère une communauté de plus en plus grande de personnes pratiquant l’UX, expose de jeunes artistes, tout en gardant mon activité artistique, expositions et résidences.

Travaillez-vous souvent avec une équipe pluridisciplinaire?

Toujours! Je travaille beaucoup avec des users researchers qui dévoilent la problématique initiale d’une part, et les UI designers et développeurs qui donnent vie au projet au moindre détail près d’autre part. L’intérêt est de se compléter, construire un système intelligent qui sache dialoguer avec le plus grand nombre. La complexité des plateformes ne nous permet plus de travailler en solo. Et qui croit encore au Génie aujourd’hui ?!

Quels conseils donneriez-vous à un futur designer ?

L’empathie est très importante pour nos métiers.

À vrai dire pour tous les métiers c’est important. Je recommande vraiment, dès qu’on a une idée, dès qu’on doit produire quelque chose, de lâcher son ordinateur et d’aller voir les futurs utilisateurs, pour comprendre leurs usages. Il faut aussi prendre position par rapport au client, le designer a un rôle de facilitateur, aidez votre client à voir son problème différemment. Ne répondez pas au brief qu’on vous tend, remettez-le en question et coconstruisez-le avec les utilisateurs et le client.

Webographie

Pauline Thomas: http://www.paulinealapage.com

Le laptop : http://www.lelaptop.com/a-propos-de-laptop/le-projet/

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