13 Novembre 2016

Benjamin Dasnois
L’Oeil Ailleurs
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4 min readNov 13, 2016

J’ai décidé d’assumer un édito un peu différent de ce que nous avons l’habitude d’écrire sur L’Oeil Ailleurs tant la sujet traité est émotionnel et intime.

Il y a un an la France était frappée dans sa capitale, dans sa jeunesse, dans sa folie, dans sa liberté. Il y a un an j’étais dans le sous-sol d’une boîte de nuit londonienne quand, à la faveur d’un peu de réseau passant à travers ses murs, je reçus soudain une notification parlant d’explosions et de coups de feu à Paris.

C’est alors la course, mon sang ne fait qu’un tour, pourtant je suis loin, en sécurité. Je saute dans un taxi, pas un mot après avoir annoncé ma destination : chez moi. “C’est la BBC?” m’entends-je demander au conducteur qui me répond par l’affirmative “Vous pouvez monter le son?” c’est alors que le chauffeur me regarde dans son rétro et me demande l’air triste “Vous êtes français? C’est à Paris… plusieurs bombes au stade de France… des tirs dans des restaurants, une salle de spectacle”. J’essaie de garder ma contenance pendant que mon chauffeur, presque aussi hébété que moi sans doute, ne cesse de répéter “bastards”. Je pense à mes amis, à cette jeune femme si importante à mes yeux, j’ai peur pour eux, j’ai peur de ne jamais les revoir… Certains pourraient très bien être à un concert, pour d’autres c’est moins probable… J’ai envie de les appeler pour avoir de leurs nouvelles mais la situation est-elle terminée? Pour le moment on ne le sait pas… faire sonner leur téléphone serait les mettre en danger s’ils sont pris en otages. Je décide d’attendre et finirai par leur écrire un peu plus tard.

Arrivé à la maison je suis resté, comme beaucoup de français ce soir là, fixé sur les chaînes d’info en continu françaises qui, pour la première fois de leur histoire, ré-ouvraient l’antenne en pleine nuit de façon impromptue pour traiter d’un événement qui se passait chez nous. Durant des heures à espérer que le plus de monde possible s’en sorte, durant des heures à échanger avec d’autres pour rassurer, pour dire, déjà, que nous devions résister à l’horreur et rester un peuple fort et vaillant. Quelques heures, je l’avoue, à me demander si ce monde pourrait encore être le même le lendemain. Je pense aussi aux policiers, aux secouristes, aux journalistes aussi et assiste impuissant à l’opération “porte ouverte” durant laquelle des parisiens accueillent des gens perdus, choqués ou ne pouvant simplement pas rentrer chez eux. Je me dis qu’au moins de toute cette horreur rejaillit de la bontée et repense à cette phrase du poète Paul Dorey, parlant au nom de la Normandie, inscrite au fronton du Mémorial de Caen, ma ville natale : “La douleur m’a brisée, la fraternité m’a relevée, de ma blessure a jailli un fleuve de liberté”. De la pire des horreurs le Peuple français est capable de faire quelque-chose de beau en étant humain, en accueillant ceux qui à ce moment en ont besoin, sans chercher qui ils sont, sans avoir besoin de connaître leur histoire ou s’ils ont toujours été parfaits ; ils sont simplement nos frères humains. Fraternité.

Quelques jours plus tard, comme quelques mois plus tôt, des milliers de français et leurs amis se réunissaient à Trafalgar Square en mémoire des victimes et en signe de combativité. Immobiles pendant des heures, affrontant le froid, ne voulant plus se quitter, ils se rassuraient et défiaient, épris de liberté, ceux qui cherchaient à les mettre à genoux en leur ayant parfois fait perdre un ami ou un proche.

Depuis, je suis retourné à Paris, j’y suis allé au théâtre. Presque un acte militant, même si j’aime y aller de toute façon. À chaque fois néanmoins cette petite appréhension trottait dans ma tête : et si soudain des gens armés entraient? On ne va pas s’arrêter de vivre pour eux, on n’arrêtera pas de se cultiver, de s’amuser, de passer une soirée en bonne compagnie pour ces monstres mais ce serait mentir que de dire qu’on n’y pense pas.

Jeudi 14 Juillet, je suis au bureau. Nous allons manger avec les collègues, alors que je leur explique que ce jour marque notre fête nationale et qu’il y a un défilé militaire l’un d’eux plaisante, nous passons même devant une caméra de BFMTV postée au coin de notre rue. Heureux que le défilé se soit bien passé — je ne cache pas que je craignais un acte malveillant durant celui-ci qui est télévisé et très suivi — je me détends et plaisante aussi. Le soir, après le travail, je décide de me joindre au groupe Les Républicains qui organise un apéritif dans un pub situé sur un bateau à l’occasion de ce 14 Juillet. Soudain nos téléphones sonnent : un nouvel attentat vient de toucher la France. Notre fête nationale, comme on pouvait le craindre, a été attaquée. Les chaînes d’information se mettent en branle, des journalistes se rendent sur place, certains, sous le choc commettent quelques erreurs. À nouveau le Peuple est endeuillé.

Le soir du 12 Novembre 2016 le Bataclan réouvre, en grande pompe, une polémique sur l’exclusion du chanteur de Eagles of Death Metal, suite à ses propos polémiques, se lève mais reste étouffée.

En somme la vie reprend : les élections approchent, les primaires ont commencé, les divisions au sein de la société française réapparaissent, mais notre histoire compte désormais de nouvelles cicatrices.

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Benjamin Dasnois
L’Oeil Ailleurs

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