Emmanuel Macron : indemniser le travailleur démissionnaire

Benjamin Dasnois
L’Oeil Ailleurs
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4 min readMar 20, 2017

Emmanuel Macron propose dans son programme de permettre à tout travailleur de démissionner et de toucher le chômage, chose impossible actuellement. Passons cette idée au microscope.

L’outil de travail de nombreux travailleurs

Les Objectifs

L’objectif annoncé est assez simple et plutôt louable : des employés se sentent mal au travail mais n’osent pas en partir car ils ne bénéficieraient alors pas du chômage ; il s’agirait donc de leur donner ces indemnités afin qu’ils puissent quitter leur emploi et se sortir de leur mal-être au travail.
Le deuxième objectif annoncé est de pousser les employeurs à prêter attention au bien-être de leurs employés par la peur du départ de ceux-ci puisqu’ils pourraient, selon M. Macron, quitter plus facilement leur emploi.

Un coût inconnu

Comme pour la quasi-totalité — si ce n’est la totalité — des mesures proposées dans les 31 pages du programme d’Emmanuel Macron, celle-ci n’est pas chiffrée et les risques ne sont pas évalués.
Il semble par ailleurs difficile de chiffrer celle-ci car il est quasiment impossible, d’estimer le nombre de personnes qui feront le choix d’utiliser ce nouveau droit, bien qu’il semble qu’ils risquent d’être peu nombreux pour des raisons que nous allons expliquer plus loin.

Rappelons aussi que l’Unedic, qui gère l’assurance chômage, est déjà déficitaire, non pas à cause des indemnités versées mais de sa partition au financement, notamment, de Pôle Emploi, point qui a son importance car Pôle Emploi devrait avoir pour charge nouvelle de contrôler que les personnes démissionnaires respectent les obligations fixées avec de nouveaux pouvoirs.

Des limites et obligations strictes

Ce droit nouveau verrait néanmoins des limitations et obligations strictes l’encadrer et, peut-être, le rendre quasiment inopérant.

La première limitation, pas des moindres, est que ce droit ne pourrait être utilisé qu’une fois tous les 5 ans. Hors cinq années peuvent être bien longues si le mal-être au travail s’installe et il y a fort à parier qu’un employé se sentant mal se dise tout de même qu’il va préférer garder ce droit pour plus tard, au cas où une situation encore plus difficile se présenterait. Quant à ceux qui en sont arrivés à l’état de dépression ils n’en useront sûrement pas, ou bien trop tard, car ce serait un symbole plus fort encore d’échec.

Mais pour ceux qui s’aventureraient à quitter leur travail sans en avoir déjà trouvé un nouveau, le risque serait fort : en effet, ils n’auraient le droit de refuser que deux offres faites par Pôle Emploi, la troisième serait à accepter obligatoirement sous peine de perdre ses indemnités.
Deux offres, c’est très peu quand on a alors perdu son droit à démissionner avec indemnités, car nul n’est à l’abri de choisir une offre dans une entreprise qui ne lui conviendrait pas du tout au final.
Par ailleurs, si la durée d’indemnisation n’est pas indiquée, il faut prendre en compte que pour beaucoup la recherche d’un emploi est un long chemin de croix, ce que les travailleurs n’ignorent pas et qui les fera longuement hésiter.

Des problèmes fondamentaux non-résolus

En réalité, ce droit nouveau, s’il peut partir d’une idée honorable, ne résout pas les deux soucis fondamentaux qui empêchent les gens en situation de mal-être de quitter leur emploi.

Le premier problème, nous l’avons déjà abordé, se manifeste par la crainte de passer beaucoup de temps sans emploi. Sa cause réelle est en fait le manque d’offres d’emploi par rapport à la demande ; il est évident que cette idée ne résout pas ce souci.

Le deuxième problème, auquel aucun homme politique ne pense, est la période d’essai. En effet, celle-ci peut durer jusqu’à 8 mois pour les cadres. Techniquement, on dit qu’elle dure 4 mois maximum mais peut être renouvelée une fois.
Le souci fondamental, au-delà du risque de perdre son emploi durant cette période, est la situation de blocage dans laquelle elle place le salarié : impossibilité d’accéder à un crédit à la consommation, impossibilité d’accéder à un crédit immobilier, impossibilité de chercher un nouveau logement car les propriétaires sont regardants… Le coût de la démission va donc bien au-delà du salaire et inclut une composante de temps perdu et de blocage dans des situations qui parfois déplaisent et participent au mal-être général de la personne.
Là encore, il est évident que cette nouvelle loi ne règlerait pas cette problématique.

Il semble donc que cette mesure, dont le coût n’est pas estimé et dont l’utilisation semble peu probable, ne règle en réalité pas les problématiques de fond qui empêchent les travailleurs de quitter des situations les faisant souffrir.

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Benjamin Dasnois
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