La Révolution Contraceptive de L’Afrique de L’Ouest: 5 Leçons pour la Communauté Internationale

Fatimata Sy
Looking Beyond 2020
6 min readApr 30, 2019

Par Fatimata Sy

Un prestataire dans un centre de santé au Sénégal est titulaire d’un contraceptif injectable. Crédit photo: PATH/Gabe Bienczycki, avec la permission de Photoshare.

Le Partenariat de Ouagadougou est une expérience unique. Cela fait six ans que j’ai l’honneur de diriger l’Unité de Coordination de cette Initiative de collaboration entre neuf pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, de nombreux bailleurs de fonds internationaux et les partenaires d’exécution locaux. Le Partenariat a été lancé en 2011 comme un moyen de mieux coordonner les objectifs et les financements pour la planification familiale dans la région, et pour répondre au fait qu’en Afrique femmes meurent en couches et pendant la grossesse plus que partout ailleurs dans le monde. Et puisque cette expérience a été concluante en Afrique de l’Ouest, pourquoi un partenariat similaire ne pourrait-il pas marcher dans d’autres régions du globe?

Au cours des six dernières années, j’ai été témoin de l’ingéniosité, de la collaboration et du travail rigoureux qui a permis à trois millions de femmes additionnelles d’utiliser la contraception moderne, ce qui est plus qu’au cours des 21 dernières années. Nous observons aujourd’hui une forte mobilisation des jeunes de l’Afrique de l’Ouest dans le mouvement pour la planification familiale, dont ils s’approprient la cause. Plus que jamais, les communautés rurales et urbaines, les chefs religieux et traditionnels, et les ministères de la santé travaillent main dans la main au nom d’une vision commune à savoir: une Afrique de l’Ouest francophone dans laquelle toutes les femmes et les filles peuvent utiliser la contraception moderne si elles le désirent.

“…et nous avons identifié où exactement le manque d’informations, de services et de droits entravent le bien-être de nos populations, presque à l’échelle des ménages.”

Alors, comment y sommes-nous arrivés? Pour le dire simplement, le Partenariat de Ouagadougou a su rassembler des pays vivant dans de mêmes contextes et partageant des normes sociales similaires pour développer une vision commune et un objectif à atteindre communément. En acceptant d’être mutuellement redevable les uns aux autres et de rendre compte sur ces objectifs conjointement à la communauté internationale et aux les bailleurs de fonds, une compétition saine s’est installée entre les pays membres. En particulier, il me semble que trois éléments ont contribué aux s progrès sans précédent enregistrés dans le relèvement de la planification familiale en Afrique de l’Ouest francophone: tout d’abord, les neuf pays membres du Partenariat ont élaboré des Plans d’Action Nationaux Budgétisés (PANB) en Planification Familiale qui leur ont servi de feuilles de route et de point d’ancrage pour poursuivre des objectifs et actions tangibles. Ensuite, le Partenariat a stimulé simultanément toutes les parties prenantes, facilitant ainsi les échange d’idées, de données et de ressources techniques entre ses membres pour obtenir des gains plus ambitieux, plus durables, et ce plus rapidement. Ces avancées ont à leur tour consolidé l’intérêt et l’engagement des pays dans le Partenariat. Enfin, le fait d’avoir mis en place une Unité de Coordination pour maintenir le momentum et une collaboration continue, assurer une gestion efficace du partenariat, veiller à ce que toutes les activités soient réalisées dans les délais impartis.

Mais le succès du Partenariat effleure à peine la surface de ce qu’il reste à faire; et nous pousse à penser au-delà de 2020. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Fort heureusement, nous savons ce qu’il faut faire, comment le faire, et où le faire. En effet, nous disposons de pratiques à haut impact pour améliorer rapidement la santé et les droits reproductifs dans la région; ces interventions ont été pilotées et passées à grande échelle avec succès dans de nombreux contextes; et nous avons identifié où exactement le manque d’informations, de services et de droits entravent le bien-être de nos populations, presque à l’échelle des ménages. En somme, nous disposons de tous les ingrédients pour accélérer les progrès au-delà de 2020.

“… Nous aurons toujours besoin d’innover, mais nous disposons déjà de preuves solides indiquant que ce type de modèle fonctionne.”

Alors que je me prépare à passer le flambeau à mon successeur et à me retirer de l’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou (même si je demeurerai toujours engagée dans la lutte!), je souhaiterais partager avec la communauté internationale cinq priorités que je pense essentielles pour maintenir l’élan, préserver ce modèle de réussite, et continuer de faire avancer l’Afrique de l’Ouest francophone vers la révolution contraceptive. La communauté de la planification familiale doit:

Accepter pleinement la multi-sectorialité: La planification familiale n’est pas qu’une question de santé; elle se tisse dans la société de multiples manières et influe sur de nombreux résultats dans des domaines aussi divers que l’éducation, la santé, les finances, les services sociaux, et dans bien d’autres secteurs encore qui déterminent la réussite sociale et individuelle. En soutenant pleinement la planification familiale, l’Afrique de l’Ouest démontre à la nouvelle génération que nous les écoutons et leur faisons confiance. Nous leur montrons que nous nous efforçons de réaliser un dividende démographique qui leur offrira des ressources sociales vitales lorsqu’ils grandiront et atteindront l’âge de la maturité.

Relier la Planification Familiale à d’autres agendas mondiaux: Dans la mesure où la planification familiale touche à bien plus que la santé des personnes et de la société, nous devons articuler la planification familiale à d’autres agendas mondiaux, tels que le changement climatique, l’immigration, l’autonomisation des femmes, et les droits humains. Ces mouvements ont des objectifs qui sont communs aux initiatives en planification familiale, et tout comme ces dernières ont la ferme volonté de coordonner leurs investissements et de se rendre mutuellement redevables dans la réalisation des engagements des pays. Nous devons imaginer des scénarios qui permettront aux agendas ainsi reliés d’aboutit à des impacts positifs universels.

Assurer l’égalité et l’équité à l’accès aux financements: Établir un mécanisme financier similaire au Fonds mondial ou à Gavi pourrait aider à combler les lacunes auxquelles font face les pays aux ressources limitées pour une promotion effective de la planification familiale. Nous avons vu que ce modèle fonctionne–et il fonctionne bien–pour les questions de santé, et aujourd’hui avec le Mécanisme de financement mondial, un nombre croissant de pays membres du Partenariat sont éligibles à des fonds additionnels pour la SRMNIA-N. Nous espérons que cela se traduira en plus de financements pour la planification familiale. La disponibilité de ce type de mécanismes pour obtenir des financements additionnels devrait générer des avancées significatives dans l’utilisation de la planification familiale, sans que les directeurs de programmes n’aient à consacrer beaucoup de temps à la levée de fonds.

Utiliser les preuves scientifiques pour guider les interventions: Bientôt nous aurons besoin plus que de solutions fondées sur des données probantes pour susciter la demande et donner accès aux méthodes de contraception moderne à un plus grande nombre de femmes et de filles en Afrique de l’Ouest francophone: ces solutions doivent être adaptées aux besoins, désirs et contextes spécifiques des populations concernées. Ces solutions peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre, voire d’un village à l’autre. Elles doivent être bien conçues, et pour se faire basées sur des principes de sciences sociales rigoureux, des données pertinentes sur les personnes et leur prise de décisions, et il faudra faire preuve de beaucoup d’écoute avant de les exécuter.

Aider les pays à forger leur volonté politique: Nous ne pouvons pas simplement limiter notre appui aux pays au seul fait de percevoir les bénéfices d’investir réellement dans la planification familiale, mais nous pouvons les soutenir à faire en sorte que ces investissements soient plus durables à travers des partenariats gagnants-gagnants entre les pays et les bailleurs de fonds. Des programmes tels que ceux de fonds de contreparties égales pour soutenir la mise en œuvre des PANB nationaux aideraient les pays à investir davantage et à forger la volonté politique qui soutiendra ces investissements.

Nous avons tant accompli, et avons de quoi être fiers. Mais tant que les femmes et les filles continueront à mourir parce qu’elles n’ont pas pu accéder à des services vitaux de planification familiale, nous serons loin du compte et nos efforts insuffisants. Le progrès n’est pas impossible: les accomplissements du Partenariat de Ouagadougou vont déjà au-delà de ce que beaucoup pensaient être les limites du possible. Pourquoi des initiatives régionales similaires ne marcheraient-elles donc pas dans d’autres régions du monde? Ne perdons pas de vue notre vision commune et appuyons-nous sur notre modèle de partenariat, dont le succès et la force ont été démontrés. Nous aurons toujours besoin d’innover, mais nous disposons déjà de preuves solides indiquant que ce type de modèle fonctionne. Partageons notre expérience ouest-africaine francophone avec d’autres régions du monde, et continuons de travailler pour assurer l’accès de toutes et tous à la planification familiale.

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Fatimata Sy
Looking Beyond 2020

Fatimata Sy is a Biologist, Nutritionist and Public Health Specialist with over 25 years experience working on development and public health programs.