Au delà du froid

Un bot dans la RAM
Low Poly
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4 min readApr 4, 2019

Autour de moi, de la glace et de la neige à perte de vue.

Il n’y a rien d’autre qu’un désert blanc, glacé. Une ligne plate et uniforme seulement rompue par quelques dunes gelées et par quelques icebergs au loin.

Je suis quelque part dans le cercle Arctique, sur une base scientifique. A peine arrivé, je suis déjà émerveillé par ce paysage nouveau, inconnu. Un paysage blanc, parfois coloré d’aurores boréales, parfois tacheté par des manchots et des phoques au loin, parfois, simplement coupé du bleu profond de l’océan.

C’est le début de la journée, le soleil est encore bas sur l’horizon, le ciel encore illuminé de ces couleurs qui oscillent entre le bleu, le vert et le jaune, signe que la nuit vient de finir mais que le jour ne s’est pas encore complètement levé. Depuis mon traineau, je scrute l’horizon à la recherche d’un point, d’un détail qui se détache de ce paysage monotone.

Entre le dégradé du ciel et l’aplat de la mer, je distingue une forme sombre au loin. Une forme dont j’arrive à peine à comprendre les contours. Une forme mystérieuse, qui devient instantanément un objectif. Je décide d’aller explorer cette zone.

En avançant, j’ai l’impression que le paysage s’ouvre sur mon passage. Par des jeux de perspectives, les collines me laissent apercevoir ça et là des trésors, des lieux nouveaux auparavant masqués par le blanc uniforme de la banquise. Ici une éolienne brisée, là une cabane abandonnée. Au loin un morse et quelques animaux se reposent proche de l’eau, je décide de faire un détours pour ne pas les effrayer.

Plus je me rapproche de mon objectif du jour, plus la forme se précise. Je distingue maintenant plus clairement les contours d’une ancienne plate-forme pétrolière détruite, à moitiée immergée dans les eaux. Je suis encore loin, mais c’est ici que la banquise s’arrête, je laisse mon traîneau, et je continue en Kayak.

J’y trouve une poignée de graine qui me permettront de survivre un peu plus longtemps. J’y trouve aussi quelques matériaux électroniques qui serviront à fabriquer de nouveaux appareils, de nouveaux capteurs pour analyser cette région gelée.

Depuis mon Kayak sur cette mer immobile, je contemple le paysage autour de moi, tout semble différent et pourtant tout semble identique. Les collines blanches recouvrent les quelques points de repères que j’avais. En avançant, on fait s’ouvrir le paysage devant nous, pour lui faire dévoiler ses trésors. Mais derrière nous, il se referme de la même façon.

Avec mes jumelles, je distingue au loin la fumée qui s’échappe de la cheminée de ma base. Je note sur la carte l’endroit où j’ai vu des animaux, j’irais les observer demain. Puis je me met en route. Le ciel devient orangé, signe que la nuit est en train de tomber.

Sur le chemin, une colline inexplorée. Je la contourne, mais je remarque quelque chose dans une crevasse. Je me rapproche.

Une aile rompue.

Le cockpit brisé juste à côté.

Un avion s’est écrasé.

Soudainement j’ai perdu l’envie de planifier pour le lendemain. Il n’y a plus l’urgence du jour qui tombe. Il n’y a plus le devoir d’aller relever les stations de forage. Le quotidien a été rompu. En un instant.

Je ne peux m’empêcher de penser au pilote. Au passager aussi. S’il y en avait un. Je ne peux m’empêcher de penser à ses derniers instants.

Peut-être qu’il a pu passer un dernier appel. Peut-être que non.

Je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’ont été ses derniers instants dans cet enfer gelé et inhospitalier. Mais je ne sais rien de ce qui s’est passé. La carlingue de l’avion garde la seule trace du choc. Je n’en sais pas plus. Je ne peux qu’imaginer.

Il n’y a plus que cet avion vide devant moi et l’écho de cet instant que je découvre. Étranger de ce moment, incapable d’aider.

Et peut être que mon camp de base sera, comme cet avion, le seul signe qui restera de mon passage ici, quand je serais oublié. Toute ma vie, toutes mes actions, toutes mes pensées, toutes mes peines et mes joies résumées à ce que j’ai entreposé.

Résumé à ce que j’ai construit. Résumé à ce qui n’a pas été détruit.

Je ne sais pas s’il restera quelque chose de moi quand je ne serais plus là.

Alors je ferme les yeux, en attendant le lendemain matin.

Je suis seul dans cette région enneigée.

Je suis seul, entouré des souvenirs de ceux qui se sont échoués ici, de ceux qui y ont vécu, et de ceux qui n’ont pas survécus.

Cette nuit là, j’ai eu du mal à m’endormir.

Je suis seul dans cette base gelée.

Seul dans l’Arctique.

Arctico

Claudio Norori, Antonio Vargas, Martin Norori

Itch.io : https://nicadevs.itch.io/arctico
Steam : https://store.steampowered.com/app/325210/Arctico/

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