Mission Biosphère — Semaine 6

Le 20 février 2018, Nomade des Mers a lancé la phase 2 de son exploration low-tech : La Mission Biosphère, ou 4 mois en autonomie grâce aux low-tech. Chaque semaine, Corentin nous partage son journal de bord.

Gold of Bengal
Low-tech Lab Stories
13 min readMay 28, 2018

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JOUR 32

Mon hypothèse de la semaine passée était fausse.
J’ai rincé à nouveau le substrat du champ1 (Box3). Puis j’ai analysé l’excès d’arrosage. Son EC (électroconductivité) est à 3.2, son pH entre 6 et 7 et sa concentration nitrates et d’ammoniac est très faible. Il y a donc des minéraux, mais ce ne sont pas ceux là. Le substrat n’est pas saturé en nitrates comme je le pensais. Il est probable que ce soit l’inverse. Une carence en nitrates. Depuis 5 jours, j’ai donc fait le contraire de ce que j’aurais du faire…

Ma solution nutritive, en sortie de biofiltre, a pourtant bien une forte concentration de nitrates…

J’ai lu des descriptions de symptomes de carences en azote. Elles paraissent correspondre. Je vais donc reprendre l’arrosage avec la solution nutritive, avec une concentration plus forte.
Reste une inconnue : je ne comprends pas pourquoi l’EC du surplus d’arrosage est à 3.0. Quels minéraux se retrouvent dans le substrat?

Première journée nuageuse. Il fait chaud quand même. C’est la limite des panneaux solaires. Ils sont maintenant très accessibles partout dans le monde, leur prix est abordable et ils sont très efficaces quand il y a du soleil. Mais dès qu’il y a un nuage, ou un peu de brume, leur puissance chute et les bulleurs ne tournent plus.
Quand la mousson va arriver il faudra que j’ai mis en place les alternatives : les éoliennes et le pédalier de vélo.

J’ai posé un ombrage (densité 50%) tout autour du camp pour réduire la température. Cet ombrage laisse passer de l’air, et réduit la lumière due aux reflets de l’eau. Il faut que je fasse attention à ma peau.

Le grillon qui stridule dans la box 2 est toujours tout seul à striduler. Leur taille croît de jour en jour de manière impressionnante !

FEELING : 👌
À partir de maintenant j’indiquerai les feelings seulement quand il y a quelque chose de remarquable, en positif ou en négatif. Car je trouve que mon humeur est globalement stable et positive, et que devoir indiquer tous les jours un feeling ne reflète pas mon humeur globale.

JOUR 33

Moon, un contact sur place, est passée pour récupérer le disque dur qui contient les vidéos que j’ai faites de ces dernières semaines. Elle va l’envoyer à Laurent (notre réalisateur).

Je lui avais demandé des patates douces oranges, parce que je préfère leur goût par rapport aux violettes. Elle m’a apporté des patates oranges, des patates violettes, et des oranges (agrumes). Elle a mal compris ma commande. Je lui ai rendu la moitié des oranges et j’ai donné l’autre moitié aux voisins. Ces patates sont beaucoup plus grosses que celles de mon premier stock. À première vue, elles ne contiennent ni larves blanches ni insectes.
J’ai demandé à Moon si elle pouvait me trouver une plante de Bétel. Le pécheur qui l’a amenée m’a fait signe qu’il en avait chez lui. Je pense qu’il va m’en apporter une. J’ai hâte de voir si c’est vraiment stimulant comme le café.

J’ai recommencé l’arrosage de solution nutritive. Elle est plus concentrée :

  • Ec=3.1 pour le champ1
  • Ec=1.5 pour le champ2 car les plantes sont plus jeunes
  • Ec=1.5 vaporisé sur la partie droite des barquettes, de l’eau sur la partie gauche. C’est un test car je ne pense pas que ces plantes aient besoin de plus d’engrais. Elles sont déjà bien vertes.

J’ai repéré un nouveau type de chenilles minuscules dans la nursery. Elles sont vertes, en forme de longs boudins. Elles mangent les feuilles entièrement, à l’inverse des dernières qui se contentaient de faire des trous. Je vais essayer de les éliminer avant qu’elles ne grossissent. Nouvel ennemi, nouvelle bataille.

JOUR 34

En fin de journée, des vagues ont commencé à se former dans la baie. Depuis quelques jours, la plateforme est plus basse sur l’eau. C’est sans doute à cause de l’augmentation progressive de spiruline, et du poids de mon stock d’eau, qui est au maximum depuis le dernier orage.
Ces vagues arrivent au niveau des bambous dans le camp. Elles soulèvent la bâche de la tente. Un peu d’eau passe à travers. Le matelas est humide. Le mouvement de ces vagues est fatigant. Il faudrait que j’installe de nouveaux flotteurs. Dans les semaines qui viennent la plateforme devrait continuer à s’alourdir et quand la mousson viendra les vagues seront plus grosses.

Je me suis rendu compte que la balance dont je me sers pour peser le bois et les patates rouge n’était pas bonne ! Il faudra que j’estime l’erreur et que je corrige dans la matrice. Et que j’arrête de l’utiliser… Je ne pense pas que ce soit réparable. Heureusement, j’ai la balance électronique, qui elle, me parait très fiable…

Comme j’ai du travailler hier, j’ai pris ma journée off aujourd’hui. Je suis allé sur une petite île situé dans la baie. Mon intention était d’aller lire et écrire dans une grotte pour me sortir la tête de la plateforme. L’îlot est à 10 minutes de rame. C’est un pic rocheux calcaire type pain de sucre, très vertical. Il est recouvert par la végétation, sauf sur ses falaises, qui sont vertigineuses. Surtout la falaise de la face Nord, un gigantesque mur. Je pensais aller sur la face Ouest, car je sais qu’il y a des grottes. Mais à l’approche de l’île j’ai été attiré par un arbre qui sort de sa face Sud. J’ai fait le détour pour aller voir comment il arrivait à pousser sur une paroi verticale. J’ai découvert une superbe grotte. J’ai attaché le paddle à une de ses branches, puis j’ai escaladé la paroi sur 5 mètres. Il y a en fait plusieurs grottes formées par l’érosion et des stalactites de calcaire. Comme des coulures de cire figées. L’ambiance est assez lugubre. Il fait sombre, moite, des chauve-souris poussent des cris et volent entre les reliefs. Au sol, il y a une sorte de poussière collante, quelques plumes et des os de rongeurs. Je ne suis pas fan de spéléologie. Après avoir fait le tour, j’ai choisi de m’installer dans la grotte la plus lumineuse qui donne sur le bel arbre et la baie. J’ai pu lire quelques heures puis la faim m’a poussé à rentrer.

JOUR 35

Je dors moins bien ces jours-ci. Je me sens fatigué. Causes possibles : les vagues, le matelas humide, les pluies des derniers jours, les bambous irréguliers sous mon matelas. Mais surtout, j’ai arrêté de faire des siestes. Je recommence à partir d’aujourd’hui.

🐔 Un oeuf de poule blanche ! C’est son premier sur la plateforme. Exactement 10 jours après avoir recommencé à manger des granulés pour poules. Cela veut dire que dès le jour où elle a mangé ces granulés, elle a lancé la production d’un oeuf. C’était donc un problème de carence. Je vais attendre qu’elles aient atteint une bonne vitesse de croisière de ponte avant de leur faire subir des tests de régime alimentaire. Je pense que poule rousse ne vas pas tarder à pondre de nouveau.

J’ai retiré les feuilles mortes des amarantes. Je les ai données aux poules. J’ai réfléchi aux problèmes de plantations. Je pense qu’il faut avoir un peu d’expérience pour comprendre les problèmes d’une plante en lisant dans les traits de ses feuilles. Or le Low-tech Lab s’adresse aussi à des novices qui n’ont ni expérience en agriculture ni capteurs ou moyens de connaitre la composition de la solution nutritive. Il faut donc que je mette au point un process facile et fiable pour que chacun puisse facilement mettre au point son engrais.

Par exemple :

  • donner tous les jours la même quantité d’intrants au biofiltre (urine/fientes de poules/excréments de grillons/cendre). Il faut que j’arrive à donner des ordres de grandeur pour ces intrants.
  • planter 3 zones avec les mêmes plantes. Les 3 zones doivent recevoir la même quantité de soleil
  • les arroser avec des solutions nutritives de concentrations différentes. 3 fois par jour, avec un spray. Arroser la première zone avec la solution qui sort du biofiltre, la deuxième avec la solution diluée à 1/3, et la troisième avec la solution diluée à 1/2
  • ne changer aucun paramètre pendant au moins 10 jours
  • comparer la croissance des plantes. En déduire quelle zone a la meilleure croissance. Cela permet de déterminer la bonne dilution de solution nutritive sans avoir besoin de capteurs ou d’expérience.

Je suis allé sur la plage pour ramasser du bois. J’en ai profité pour chercher un endroit pour courir. Mais la marée était très haute. J’ai alors longé la falaise. Ce sont des rochers très découpés, faciles à escalader. Je peux y marcher la plupart du temps, mais impossible de courir. Il y a des passages au dessus de l’eau que je dois escalader. C’est un sport qui m’a plu. Mais au retour, sur un passage au dessus de l’eau, une prise a cassé. Je suis tombé dans l’eau. Pas de blessure, mais ça m’a un peu refroidit. Je reviendrai à marée basse.

JOUR 36

J’ai à nouveau fait des analyses. L’eau récupérée hier de l’arrosage du champ1 a une EC de 2.4, contient 7 mg/l de NO3 et aucun NH4 (<0,05 mg/l).
La solution nutritive a une EC de 2, contient 140 mg/l de NO3 et plus de 5 mg/l de NH4.
Or, le biofiltre est censé éliminer tout NH4 en le transformant en NO2 puis NO3. J’ai donc l’impression que le travail du biofiltre n’est pas complet.

J’ai décidé de fabriquer un plus gros biofiltre. Il est fait dans une poubelle.

Une petite pompe 12V fait circuler la solution afin d’arroser les billes d’argile et les chips de coco. Il y a beaucoup plus de billes d’argile et chips de coco que dans les autres biofiltres. Je pense pouvoir y mettre 50 litres de solution. Ce sera le biofiltre primaire.

2eme oeuf de poule blanche ! J’espère que cette régularité va se confirmer.

J’ai essayé de me laver cheveux et corps avec l’eau de culture de la spiruline. Ça marche très bien. Ce sera parfait à l’avenir pour prendre mes douches.
J’ai aussi fait une lessive de cendre pour laver des vêtements et des draps. Mais je n’ai pas filtré l’eau avant de l’utiliser. Des morceau de charbon et de cendre non décomposés ont sali les tissus. Ils en ressortent avec un aspect sale. Je pense que le pH tràs basique a tout de même eu un effet antibactérien.

Les voisins sont venus pour me proposer des noix de coco fraiches. J’ai refusé. Ils m’ont proposé des bananes. J’ai refusé aussi. Comme j’avais accepté les bananes du voisin-père, dans l’idée de les déshydrater, cela doit brouiller leur compréhension de ce que je peux ou pas accepter.
Je leur ai demandé s’ils pouvaient m’acheter des cubes de polystyrène pour réhausser la plateforme. Je leur ai donné l’argent nécessaire.

Finalement je préfère les patates violettes. Cuites simplement au four solaire elles sont délicieuses. Fermes avec un goût de chataigne. Je coupe des tranches et en mange un peu à chaque heure. Parfois, je les trempe dans la spiruline du jour avec du piment. Les patates oranges sont moins bonnes. Dans le four solaire, leur chair devient molle comme de la purée et leur goût est moins intéressant. Je les utilise dans la cachupa.

JOUR 37

Suite au mail de Thomas, notre expert en hydroponie, j’ai mesuré l’EC des composants utilisés dans les champs. L’eau et les billes d’argiles ne contiennent pas de minéraux. Par contre la fibre de coco en contient. Elle aurait été mal rincée. D’après ce que je lis, il faut qu’elle trempe pendant plusieurs mois pour évacuer tout son sel. Apparemment, on trouve souvent de la fibre de coco de mauvaise qualité. C’est un vrai problème, car cette low-tech perd beaucoup d’intérêt si une de ses ressources nécessaires est difficile d’accès. Il faut réfléchir aux alternatives.
Deuxième problème : d’après Thomas les biofiltres ne sont peut être pas assez efficaces. Si je prélève la solution nutritive avant que la minéralisation soit terminée, cette minéralisation se fait dans le substrat des champs. D’après Thomas cela consomme de l’azote et en prive donc les plantes.
Je pense que je donne trop de nourriture aux biofiltres. En 36 jours, je leur ai apporté 65g de fientes, 77g d’excrèments de grillons et 5.9 litres d’urine. Cela me parait énorme par rapport à la taille des plantes.

Le voisin a apporté 5 cubes de polystyrène. Je les ai installés dans la foulée. Il faut d’abord les envelopper dans de la toile d’ombrage, afin que les billes de polystyrene ne se désolidarisent pas. Puis j’ai retiré des bambous du camp, inséré 2 cubes, puis refixé les bambous. J’en ai profité pour changer le bambou qui me faisait mal au dos sous mon matelas. J’ai mis 2 autres cubes à l’avant de la serre, devant le rang de patates.
C’est beaucoup mieux, les vagues ne touchent plus du tout les bambous. Je me rends compte que c’était vraiment énervant.

Il restait un peu de toile d’ombrage issue de la préparation des cubes. Je l’ai installée dans le poulailler pour que les poules aient moins chaud. Pendant la journée, Poule Rousse a passé un peu de temps dans le pondoir. Sans doute du repérage.
Quand à Canard, je me suis renseigné. Une canne pond à partir de 7/8 mois. Malheureusement, elle n’a que 4 mois. Je serai en France pour son premier oeuf.

En cherchant des informations j’ai trouvé un article sur le “Test du Canard” :

L’expression aurait eu pour origine une observation du poête américain James Whitcomb Riley (1849–1916) : “Quand je vois un oiseau marcher comme un canard, nager comme un canard et cancaner comme un canard, j’appelle cet oiseau un canard.
L’idée a été reprise en 1960 par Michel Audiard dans le film
Les Vieux de la vieille, de Gilles Grangier : “Y a pas à dire, dans la vie il faut toujours se fier aux apparences. Quand un homme a un bec de canard, des ailes de canard et des pattes de canard, c’est un canard. Et ce qui est vrai pour les canards est vrai aussi pour les petits merdeux.”

7 plans d’arachide sur 9 ont germé.
Les feuilles de patates sont un peu pales, mais elles poussent. Toujours des araignées rouges. La menthe pousse bien dans 4 des sacs de patates.

FEELING : 😴
Coup de fatigue, peut être déclenché par un sommeil insuffisant et un gros petit déjeuner avec des patates pas bien cuites. Petite frustration de ne pas avancer sur d’autres low-tech comme prévu dans mes objectifs de semaine, à cause des feuilles. J’aimerais résoudre ce problème avant de me pencher sur d’autres sujets.

JOUR 38

Ce matin il y avait 2 oeuf ! Un de poule blanche et un de poule rousse. Record battu. Ça tombe juste avant Pâques. Bien joué les filles.

Les crickets chantent.

J’ai semé 4 barquettes de Chinese Cabbage. Je crois que ce sont les plantes à la croissance la plus rapide de mon stock de graines. Je vais faire une compétition entre ces barquettes pour voir quelle est la concentration idéale de solution nutritive.

Thomas propose d’utiliser les billes d’argile seules comme substrat. L’idée m’intéresse mais ces billes d’argile coutent plus cher que la fibre de coco. Cela dépend donc de la configuration du systême. J’aimerais trouver un systême très simple et fiable. Je vais lancer plusieurs essais. Comme premier test, j’ai repiqué une amarante dans un fond de bouteille en plastique de 5 litres rempli de billes d’argile. Je vais l’arroser 2 fois par jour avec de la solution nutritive (Ec=1).

FEELING : 🤗
Spiruline, oeuf, grillons et champignons se portent maintenant très bien. L’indice d’autonomie va augmenter rapidement, je prends confiance.

RDV dans quelques jours pour découvrir la Mission Biosphère — Semaine 7.

À PROPOS

Mission Biosphère, 4 mois en autonomie grâce aux low-tech.

Seul sur une plateforme au large de la Thaïlande, en situation de totale autarcie, Corentin aura pour mission de combiner les low-technologies les plus prometteuses afin de constituer une base-vie autonome lui permettant de répondre à ses besoins vitaux.

Pour tout savoir de la Mission Biosphère, rendez-vous sur Nomade des Mers — Phase 2 : Mission Biosphère

Nomade des Mers, 4 ans autour du monde, à la découverte des low-technologies

Le 23 février 2016, le Nomade des Mers prenait la mer pour une grande expédition de découverte, d’expérimentation et de promotion des low-technologies. Son objectif ? Parcourir les océans à la recherche des meilleures solutions et des inventeurs les plus ingénieux. Plateforme d’expérimentation des low-tech, le Nomade des Mers permet également d’en faire la promotion et d’en assurer la diffusion. Au fil de ses expéditions, le Nomade des Mers a vocation à devenir un écosystème autonome exemplaire, porte-drapeau de l’innovation durable et solidaire.

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